FORUM EMCC 2013 : Intervention conclusive des débats. Par Radhi Meddeb, Président d'IPEMED

Mardi 10 Décembre 2013

Intervention conclusive des débats du
Forum EMCC du 5 décembre 2013
 

Nous en venons au terme de notre voyage de la journée. Nous sommes heureux dans IPEMED d'avoir réuni tout au long de cette journée des femmes et des hommes de grande qualité, venant essentiellement du monde de l'entreprise mais aussi des monde politique et associatif, pour débattre des enjeux et perspectives nouvelles de la co localisation en Méditerranée. De multiples témoignages nous ont rappelé aujourd'hui que les entrepreneurs du Nord et du Sud connaissent et pratiquent les co localisations depuis longtemps. Ils travaillent ensemble, se partagent la valeur ajoutée au mieux de la compétitivité globale de leurs entreprises. Ils connaissent des succès, montent en gamme, gagnent des marchés mais rencontrent aussi sur le terrain des difficultés et des entraves.
Leur expérience du terrain leur donne la légitimité d'interpeller  les politiques, d'attirer leur attention sur les voies et moyens qui leur permettraient de faire plus et mieux et de leur faire des propositions d'actions concrètes et effectives. C'est ce que nous appelons la voix des entreprises en Méditerranée.

Aujourd'hui nos ateliers ont traité de quatre thèmes majeurs :
•    L'agriculture et l'alimentation ;
•    Les nouveaux secteurs-porteurs: Santé et TIC ;
•    L'énergie ;
•    L'économie sociale et solidaire.

Je vais essayer de restituer rapidement ce qui m'a semblé être les idées forces de ces travaux:

Agriculture et alimentation
L'agriculture occupe 30 millions d'agriculteurs dans les pays du sud et de l'est de la Méditerranée, mais concerne 130 millions de ruraux. Elle fait face a des défis multiples allant de l'insécurité alimentaire au changement climatique. Faire face à ces défis exigera de se recentrer sur la dimension sociale et culturelle de l'agriculture et de l'alimentation et de ne pas se laisser enfermer dans leurs seules dimensions économique et productive. Il faudra essayer également de faire converger et donner plus de cohérence aux politiques européennes de voisinage et agricole commune pour aboutir à terme, à une politique agricole et alimentaire euro méditerranéenne. Plus concrètement, il faudra aller vers plus de solidarité régionale par la création d'une agence méditerranéenne de la sécurité alimentaire, la constitution de stocks stratégiques régionaux. Il faudra également développer la logistique pour ne plus opposer le commerce et le développement rural mais également une approche décentralisée des filières au service du développement territorial.

Santé et TIC
L'atelier nouveaux secteurs porteurs a mis l'accent sur l'émergence des secteurs de la santé et des technologies de l'information et de la communication. Là, les participants relèvent la multiplicité des initiatives conjointes entre opérateurs du Nord et opérateurs du Sud. Ils identifient comme condition de succès la nécessité de la vision, de la solidarité et de l'engagement à long terme. La compétitivité ne passera pas uniquement par les coûts  mais par la mise en œuvre de vrais partenariats et une meilleure coordination. Les participants appellent à de nouvelles politiques publiques qui ouvrent le chemin à des coopérations Sud Sud et une plus grande fluidité des flux financiers dans la région. Ils relèvent avec force que les co localisations ne s'opèrent pas uniquement du nord vers le sud, mais de multiples exemples nous montrent que cela se fait également du sud vers le nord et dans ce sens les réticences sont multiples,faites d' appréhensions, pas toujours objectives, de frilosités et de protectionnismes court termistes.

Energie
En matière énergétique, les complémentarités sont naturelles, mais le chemin reste compliqué sinon complexe car fortement connoté par la dimension politique. Il n'en demeure pas moins que des marges de progrès énormes existent. Elles portent sur le développement des énergies nouvelles et renouvelables ou la recherche d'une plus grande efficacité énergétique mais les vrais progrès restent assujettis à l'instauration des Etats de droit, de politiques de formation, l'élimination des asymétries et des distorsions de marché, telles les subventions.

Economie sociale et solidaire
J'en arrive enfin à l'économie sociale et solidaire. Un consensus se dégage pour le rôle qu'elle peut et qu'elle doit jouer aujourd'hui en réponse aux exigences des populations dans la région pour de meilleures conditions sociales et plus d'opportunités économiques. Elle pourrait compléter heureusement l'action des secteurs public et privé. Les principales contraintes à son développement sont clairement identifiées. Elles sont d'ordre culturel à travers la nécessaire appropriation des populations mais également l'adaptation des cadres juridiques. Elles concernent également la disponibilité de capital humain et financier, des besoins de coordination et de visibilité au sein du secteur et aussi vis-à-vis de l'extérieur.

Face à de tels défis, les enjeux pour une participation effective de l'économie sociale et solidaire à une croissance plus inclusive semblent passer par sa nécessaire structuration, sa professionnalisation et sa reconnaissance mais aussi par plus d'échanges de bonnes pratiques et des synergies dans les territoires et auprès des acteurs locaux.

Pour conclure, je dirais que dans un contexte d'exacerbation de la concurrence mondiale, l'Europe perd de sa compétitivité. Sa population vieillit et sa croissance est durablement atone.
En face, les pays du Sud découvrent, avec les mouvements sociaux qu'ils ont connus en 2010 et 2011 que la croissance n'est pas suffisante, qu'elle ne débouche pas nécessairement sur le développement et que leur modèle économique antérieur ne permettra en aucun cas de répondre à la double exigence de leurs populations, pour de meilleures conditions sociales et de plus grandes opportunités économiques. Ils affrontent aujourd'hui le défi de leur marginalisation.
Le renouveau de la région passe donc par un nouveau paradigme à mettre en place, qui fonde de nouvelles relations faites de plus de solidarité, de proximité, de complémentarités et d'interdépendance, mais aussi de projection dans le long terme. Ce nouveau paradigme, basé sur le respect de la primauté et de l'effectivité de la loi, aura comme préalable, partout dans la région, l'avènement de l'état de droit, seul garant des libertés, des droits et obligations de chacun.
Si telle est la vision partagée alors, les stratégies et les programmes en découleraient sans peine. Ils devraient privilégier l'investissement dans l'éducation et la formation, la recherche et l'innovation, la définition de référentiels communs, l'adoption et le partage des meilleures pratiques, le lancement d'un vaste programme d'infrastructures interconnectées et la mobilisation de ressources financières à long terme.
La région en a les moyens. Il faudrait qu'elle s'en donne l'ambition. Il en dépendra de son émergence mais aussi de sa sécurité et sa stabilité.


Radhi Meddeb. 05 décembre 2013. Paris



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