Les projets solaires en Méditerranée : des avancées et des questions

Vendredi 26 Novembre 2010
De tous les secteurs, l’énergie est peut-être celui où la réalité du rapprochement euro-méditerranéen est la plus tangible. En organisant un petit-déjeuner sur les projets solaires méditerranéens, Ipemed a démontré que ce thème est non seulement d’actualité mais qu’il génère un grand intérêt puisque pas moins de 80 personnes ont assisté à cette rencontre organisée le vendredi 26 novembre à Paris. Plusieurs enseignements et informations sont à tirer de cette manifestation.

Le rôle stratégique de l’électricité.

Pour André Merlin, président de Medgrid (ex-Transgreen), l’électricité va jouer un rôle fondamental dans le processus de rapprochement euro-méditerranéen. Outre le fait qu’elle mobilise des moyens de production à faibles émissions de carbone (nucléaire, géothermie, éolien et solaire), elle fait l’objet de défis importants qu’il s’agisse de l’Europe ou de ses rives sud et est. Pour la première, l’objectif est d’atteindre d’ici 2020, 20% d’efficacité énergétique, 20% de parts du mix énergétique pour les énergies renouvelables et 20% de réduction des gaz à effet de serre. Quant au Sud et l’Est de la Méditerranée, les enjeux sont considérables puisque cette région va faire face à une importante croissance de la demande en électricité. « La hausse des moyens de production doit s’accompagner du développement des réseaux électriques interconnectés », juge André Merlin pour qui c’est la meilleure manière de renforcer la solidarité et la complémentarité entre les pays du sud et de l’est de la Méditerranée (Psem).

Desertec et Medgrid : des partenaires et non des concurrents.

La presse a pris l’habitude d’opposer ces deux initiatives, l’une d’origine allemande et l’autre d’origine française. Les dirigeants de ces deux structures sont pourtant catégoriques : elles sont complémentaires. « Nous allons travailler ensemble et bientôt signer un accord de partenariat », explique Paul van Son, le Directeur général de Desertec Industrial Initiative (Dii). La répartition semble en effet claire : Dii a pour but d’aider à l’installation de centrales solaires au Sud de la Méditerranée tandis que Medgrid s’occupera des infrastructures de transport de l’électricité. Dans les deux cas, les deux entités joueront le rôle de bureau d’étude et non d’investisseur. « Dii ne possède pas 400 milliards d’euros à investir au Sud de la Méditerranée », a expliqué Paul van Son. De même, ce n’est pas Medgrid qui va débourser les quelques 5 milliards d’euros pour renforcer l’interconnexion électrique entre l’Europe et l’Afrique du Nord. Enfin, Dii et Medgrid possèdent un point commun. Tous deux ont été obligés de changer de dénomination (c’était Desertec pour l’un, et Transgreen pour l’autre) car les premières étaient déjà déposées…

Le Maroc, une vraie stratégie en matière d’énergie solaire.

Présent également, Mustapha Bakkoury, président du directoire de l’Agence marocaine de l’énergie solaire (MASEN), a résumé les ambitions du Royaume chérifien en matière d’énergie solaire en particulier et d’énergies renouvelables en général. « Le Maroc n’a pas le choix que de développer les énergies renouvelables notamment le solaire » a expliqué le responsable marocain en faisant notamment référence à l’inexorable augmentation du prix des hydrocarbures. « Le solaire est un domaine à forts enjeux qu’ils soient énergétiques, environnementaux mais aussi politiques et réglementaires. » Et d’insister sur le fait que pour le Maroc, il ne suffit pas de construire des centrales solaires pour faire face à la demande énergétique que va générer une plus forte croissance dans les années à venir. Encore faut-il analyser l’ensemble de la chaîne de production, définir un cadre réglementaire, se pencher sur la question des réseaux et anticiper les problèmes liés à la rentabilité économique des projets. En 2020, la part de production d’électricité relevant des énergies renouvelables sera de 42% soit, si cet objectif est atteint, le taux le plus fort pour les pays du sud de la Méditerranée mais aussi du monde arabe. « L’électricité qui sera produite au Maroc sera essentiellement destinée à usage local mais nous avons aussi prévu d’en exporter une partie », a ajouté Mustapha Bakkoury.

Des questions qui restent en suspens.

Comme l’a fait remarquer Radhi Meddeb, Président d’Ipemed, de nombreuses questions attendent des réponses. Premièrement, l’Europe va-t-elle acheter l’électricité verte produite dans les Psem ? Surtout, cette électricité exportée va-t-elle bénéficier de tarifs incitatifs qui permettront de rentabiliser les investissements massifs consentis par le Sud et l’Est de la Méditerranée ? Deuxièmement, l’Europe qui pousse à la création de centrales solaires au Sud de la Méditerranée va-t-elle encourager un transfert de technologie ou cherchera-t-elle à garder un monopole comparable à celui qu’elle détient aujourd’hui encore sur la fabrication de nombre d’équipements industriels ? Enfin, les projets d’interconnexion électrique entre le Nord et le Sud ne cachent-ils pas la volonté du premier d’empêcher le second de se doter de centrales nucléaires civiles ? En ayant la possibilité de vendre de l’électricité aux pays du Sud via les réseaux interconnectés, l’Europe pourrait signifier à ces derniers qu’ils n’ont finalement pas besoin du nucléaire dans leur mix énergétique. Autant de questions qu’Ipemed continuera d’aborder au cours des prochains mois.

Date : vendredi 26 novembre 2010
Heures : 08:30 à 10:00
Lieu : Paris
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