Quels financements innovants pour soutenir le développement économique dans les PSEM?

Vendredi 04 Novembre 2011
Autour de :  Eric DIAMANTIS, Avocat d’affaires, vice-président du Conseil d’administration d’IPEMED, et Camille SARI, Economiste, spécialiste du Maghreb.

Le petit déjeuner d’IPEMED organisé le 4 Novembre 2011 avait pour objet de traiter des modalités innovantes de financement des projets dans les PSEM et a été l’occasion de débattre du rapport publié par IPEMED consacré aux partenariats public-privé [1].

Selon Eric Diamantis, Avocat d’affaires et Vice Président du Conseil d’administration d’IPEMED, les partenariats public-privé (PPP) sont nécessaires car ils permettent une optimisation des coûts et un meilleur partage des risques au moment où les gouvernements font face à des contraintes budgétaires. Ce type de financement, dont les exemples de réussites comme Tanger Med au Maroc ou ceux en Turquie sont l’illustration, est un outil intéressant. Cependant, pour que cela fonctionne, il est nécessaire de disposer d‘experts et de fonctionnaires qualifiés et formés. Un registre d’opérateurs de PPP pourrait dès lors être créé et constituerait un outil de mutualisation au niveau régional à même de développer ce type de financements.

Le second élément repose sur un cadre juridique clair et stable qui permettrait pour les investisseurs une meilleure lisibilité de la région.

La mise en place d’un système bancaire solide est également incontournable.

Eric Diamantis a soulevé l’importance de la mobilisation de l’épargne locale, avec la possibilité notamment de créer une Caisse des Dépôts et de Consignations (CDC) dans chaque pays. En effet, il y a un réel besoin de renforcer l’action des investisseurs institutionnels, utiles pour stabiliser la finance dans la région. Il faudrait en outre se concentrer sur les investissements structurants. Il existe des fonds dédiés comme Inframed pour développer une réponse aux besoins importants en infrastructures, et qui ont, entre autre, pour vocation de fournir une assurance politique.

Eric Diamantis enfin rappelle l’importance de la protection et de la sécurisation des investissements dans la région avec une nécessaire harmonisation des différents traités existants sous un seul cadre régional de protection de l’investissement. Il insiste par ailleurs sur l’importance de diminution des coûts dans le cadre de recours à la cour arbitrale.

Camille Sari, Economiste et spécialiste du Maghreb, a mis en avant les limites des différents dispositifs existants d’accompagnement au commerce international et aux financements où il fallait nécessairement passer par des entreprises françaises. Il a  proposé plusieurs pistes à explorer pour soutenir le développement économique des PSEM : des financements qui aillent sur des secteurs productifs et non improductifs comme ceux liés aux frais de l’Etat, le renforcement des outils de la COFACE dans ces pays, le financement des ONG et des projets intermaghrébins. Il déplore que les montants alloués à la suite du G8 de Deauville ne soient que sous la forme de prêts qui ne feront que gonfler la dette de ces pays.

Radhi Meddeb, Président d’IPEMED, demande aux industriels présents dans l’assistance quels sont leurs besoins précis en matière d’investissements dans la région.

Jean Jacques Van Der Slikke, chargé du développement international du groupe SAFRAN, a rappelé  l’importance pour les entreprises étrangères de sécuriser leurs investissements dans la région. Il faut pour cela une clarification des législations nationales qui passe notamment par une impartialité des organes juridictionnels. Par exemple, en Algérie un changement de la réglementation des affaires apparaît indispensable pour attirer plus d’investisseurs.

Majid Chaker, Président de l’Association Aidons, a souligné l’importance de la captation de l’épargne des migrants en mettant en avant le système « 1=3 » (1 euro du migrant, 1 euro du pays d’accueil et 1 euro du pays d’origine).

Le journaliste Nasser Negrouche a regretté l’unilatéralité dans l’approche débattue : les programmes d’investissement ont, selon lui, comme unique but de faire gagner des points de croissance en plus aux pays du Nord. Il souligne l’importance du concept « gagnant-gagnant » à mettre au premier plan et la difficulté de concilier un programme de substitution des importations à la nécessité d’échanger avec le Nord, et le moyen de soutenir un développement économique durable dans ces pays.

Jean-Pierre Gonon, Vice Président de France-Algérie et ancien membre de l’AFD insiste sur l’importance de faire converger les économies du nord et du sud. Cependant, il souligne la nécessité d’introduire une stratégie de co-développement qui permettrait aux industriels de participer au développement local du pays et à la diversification de l’économie. L’outil de garantie des investissements contre les risques économiques de la CDEAO pourrait par exemple être appliqué aux PSEM.

François Bergère, Directeur de la maPPP (mission d’appui aux PPP), insiste sur le rôle clé des PPP dans les infrastructures publiques, l’importance du cadre juridique pour les investisseurs mais aussi l’importance pour les populations locales de sortir des projets rapidement. La maPPP contribue à cela et a déjà établi des relations avec des interlocuteurs marocains, tunisiens et libanais et rappelle qu’une loi PPP au Maroc va très prochainement être mise en place.

Pour Hugues Lebeau, Directeur des Affaires Publiques Intercontinental chez Sanofi-Aventis, le monde fait face à un changement de business model et l’approche qui consiste en une valorisation de la production locale et d’une diversification du tissu national pour diminuer les importations lui semble pertinente. Il souligne que l’Algérie espère pouvoir produire 80% de ses médicaments grâce notamment à ses importantes capacités d’investissement qui devraient notamment être plus dirigées vers la santé. Il promeut une approche par cluster et soutient le portage qui consiste à emmener d’autres partenaires industriels avec soi (PMES, associations, etc...). Hugues Lebeau conforte enfin l’idée précédemment énoncée d’une sécurisation des investissements, essentielle au bon fonctionnement des affaires.

Pour Jean-Pierre Ermenault, Directeur Général de LYDEC, les projets de PPP dans le financement et la gestion des grandes infrastructures se heurtent à un point majeur : ces projets sont initialement bâtis sur des hypothèses, avec des remboursements clairement préétablis. Or, quand un modèle économique connait un changement significatif, comme actuellement, il est nécessaire d’avoir des solutions annexes, ou de substitutions, qui doivent pouvoir être anticipées.

Anis Dupuis, Ingénieur/Economiste, a quant à elle souligné l’importance du cas égyptien, pas encore mentionné dans le débat, en rappelant qu’il ne faut pas seulement se focaliser sur les infrastructures, certes très importantes, mais aussi sur le secteur non marchand (santé, éducation).

Enfin, Olivier Younes, Partner de Casa Invest, rappelle l’importance des PMEs de la région méditerranéenne dans la création d’emplois, mais que seules 20% d’entre elles ont accès à un financement bancaire. Il souligne l’importance du capital-investissement afin d’entrer dans l’intimité des entreprises pour les faire évoluer de l’intérieur.

Radhi Meddeb rappelle le rôle central d’IPEMED qui cherche à donner de la cohérence à cette région méditerranéenne en émergence, et à mettre en place une architecture financière globale à même de permettre la création d’un nombre important d’emplois et d’infrastructures.


Par Edward Aoun.

[1] Partenariats public-privé. Etat des lieux et recommandations pour le déploiement d’une pratique harmonieuse, Edward Aoun, Amal Chevreau, Michel Gonnet, Palimpseste IPEMED, Paris 2011.
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