Vers une Communauté euro-méditerranéenne de l’énergie

Mardi 28 Mai 2013
« L’énergie doit être le ferment, le socle de cette interdépendance Nord-Sud, elle doit être la base d’une solidarité et d’une interdépendance non pas commerciale, mais d’une interdépendance de production entre pays du Nord et pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée ».

C’est ainsi que Jean-Louis Guigou, Délégué général d’IPEMED, a ouvert la rencontre organisée en partenariat avec l’Académie Diplomatique Internationale consacrée à la Communauté euro-méditerranéenne de l’énergie (CEME) dans le cadre des Petits-déjeuners de la Méditerranée. Pourquoi ne pas imaginer que le bassin méditerranéen, avec ses ressources énergétiques, deviendrait une zone d’attractivité ? La construction d’une Communauté européenne de l’énergie qui n’inclurait pas les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée lui semble tout à fait inenvisageable, en ce sens que l’on ne peut construire une communauté entre pays concurrents et dépendants énergétiquement.

 Mourad Preure, expert associé à l’IPEMED et co-auteur du rapport « Vers une Communauté euro-méditerranéenne de l’énergie » publié par IPEMED, a ensuite rappelé l’absolue nécessité d’évoluer vers un nouveau paradigme des relations énergétiques entre les deux rives de la Méditerranée. Il s’agit, pour lui, de repenser la relation asymétrique, facteur d’inégalités, qui caractérise les relations énergétiques entre les pays du Nord et du Sud de la Méditerranée, pour parvenir à une relation de complémentarité qui prenne en compte les forces et faiblesses de ces pays dans le domaine énergétique pour mieux les compenser. Il a mis en exergue les principales recommandations du rapport, dont l’inscription de la transition énergétique dans le cadre de ce nouveau partenariat entre les pays du pourtour méditerranéen, l’intégration des producteurs et des consommateurs dans ce processus et la nécessité de penser la sécurité énergétique tant du point de vue de l’approvisionnement que des débouchés, sur le court-terme comme sur le long terme. La firme doit être placée au cœur de ce nouveau partenariat, tout comme la science et la technologie qui doivent participer du cercle vertueux du co-développement. On doit passer, pour Mourad Preure, d’une relation marchande entre le Nord et le Sud de la Méditerranée à une relation de production.

  Houda Ben Jannet Allal, directrice générale de l’OME, également partenaire de cette rencontre, a rejoint les propos de Mourad Preure en insistant sur la prise en considération de l’insuffisance des ressources en énergie de la région méditerranéenne pour répondre aux défis de demain. Elle a fait part de son inquiétude quant à la hausse attendue de la consommation d’énergie dans les Psem dans les deux prochaines décennies. Elle a néanmoins souligné le potentiel d’efficacité énergétique et les possibilités d’exploitation des énergies renouvelables qui pourraient réduire considérablement la contrainte qui pèse sur ces pays, dont la Tunisie. La directrice de l’OME a ainsi appelé de ses vœux l’émergence d’une véritable coopération énergétique entre les pays du bassin méditerranéen. Gwenaëlle Huet, la directrice des affaires européennes du groupe GDF Suez, a appuyé ces conclusions en affirmant l’urgence pour l’Europe de se tourner vers ses partenaires, particulièrement méditerranéens. Dans la droite ligne de « l’appel solennel » lancé par le PDG du groupe GDF Suez Gérard Mestrallet et sept autres producteurs européens de gaz et d’électricité à la veille du Conseil européen du 23 mai dernier, Gwenaëlle Huet a déploré les faibles résultats de la politique énergétique européenne. Pour elle, cette politique n’atteint pas les objectifs qu’elle présente comme ses principaux piliers, à savoir la sécurisation des approvisionnements, l’exigence de développement durable et enfin la compétitivité des prix de l’énergie. Ce bilan pessimiste ouvre toutefois une fenêtre d’opportunité pour la mise en œuvre d’une politique euro-méditerranéenne de l’énergie. La CEME permettrait aux grands groupes de sécuriser leurs investissements et de pouvoir s’inscrire dans une logique de long terme qui sied à des projets lourds et onéreux.

 L’existence d’un véritable engagement politique pour poursuivre sur la longue période les mesures et politiques énergétiques mises en place dans les Psem et donner corps à la CEME est apparue comme une condition sine qua none à la construction d’un nouveau partenariat énergétique entre les pays du pourtour méditerranéen. Gwenaëlle Huet et André Merlin, président de Medgrid, ont mis l’accent sur la nécessité de la convergence normative et législative entre les pays du Nord et du Sud de la Méditerranée en matière de politique énergétique, convergence qui doit être le facteur et le socle du projet de CEME. La faisabilité technique et la rentabilité économique des projets demeurant les déterminants principaux de leur mise en œuvre, seule la volonté et l’appui politique peuvent sécuriser les investisseurs. André Merlin a affirmé que les pays du Maghreb s’inscrivent d’ors et déjà dans cette démarche. Il a conclu son propos en insistant sur le rôle absolument central des infrastructures de transports de gaz et d’électricité, qui constituent, pour lui, « le socle d’une Communauté euro-méditerranéenne de l’énergie ».

Jean-Louis Guigou a finalement conclu les débats en appelant à l’impulsion d’un « jeu à trois ». Se trouvent maintenant, aux côtés des chefs d’Etat, des experts et industriels de la zone euro-méditerranéenne qui souhaitent pallier « l’absence de vision et de volonté » du monde politique pour aller vers les investissements de long terme et la CEME. Experts et industriels doivent maintenant se centrer sur deux opportunités pour encourager la mise en œuvre de la Communauté euro-méditerranéenne de l’énergie : à l’automne prochain, la rencontre programmée – et inédite – entre les deux gouvernements français et algérien, et la réunion des ministres de l’énergie de l’Union européenne et des pays du Sud le 11 décembre 2013.
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