Refonder le partenariat économique entre l’Europe et les Pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM)

Mardi 20 Mai 2014
 Cycle des Petits Déjeuners européens de l’ENA - Synthèse : « Refonder le partenariat entre l’Europe et les pays du sud et de l’est de la Méditerranée (PSEM) »


Jean-Louis Guigou est intervenu à l’ENA le 14 mai 2014 à la Commanderie Saint-Jean, Strasbourg. Cet événement s’inscrit dans le cycle des Petits déjeuners européens pour l’année 2014 consacré à « L’Union européenne et la Méditerranée ».

Jean-Louis Guigou a introduit son intervention sur la transmission d’une idée : l’avenir de l’Europe est au Sud. Suite aux événements opposant l’Ukraine et la Russie qui ont stoppé le développement de l’Union européenne vers l’est du continent, celle-ci doit se tourner vers le Sud afin de bâtir son futur. Et si certains considèrent que les différences culturelles et religieuses sont synonymes d’impasse entre les populations des différentes rives de la Méditerranée, le délégué général de l’IPEMED y perçoit d’avantage un atout qu’un handicap.
Jean-Louis Guigou a structuré son propos autour de quatre axes de réflexion : la carence nationale française en matière de prospective, les effets intégrateurs du phénomène de régionalisation du monde, les promesses du « Printemps arabe » et, en guise de conclusion, la politique menée par l’Union européenne à destination des pays du sud de la Méditerranée.

Jean-Louis Guigou regrette le manque de considération des dirigeants français et européens pour la prospective, un terme qu’il entend comme une préparation de l’avenir sur le long terme : « l’avenir ne se prévoit pas, il se prépare », affirme-t-il, citant Fernand Braudel. Un exemple demeure intéressant : celui des pays du nord de l’Europe, dont la Suède, où 20% des ressources sont employées à la concrétisation de cette vision. Un modèle pour la France, selon notre intervenant. À l’image des travaux qui ont été entrepris en France ces vingt dernières années afin de redonner un rôle aux provinces dans les domaines de l’économie et de l’innovation, il est nécessaire que le capital puisse investir les milieux de la recherche en Afrique du Nord, affirme l’ancien délégué à l’aménagement du territoire et  l’action régionale (1997-2002).

Jean-Louis Guigou est ensuite revenu sur l’opposition de deux concepts qui structurent encore actuellement bien des visions du monde contemporain : celle entre la nation, d’une part, et la mondialisation, de l’autre. Au centre de cette démarcation se situe la création des « grandes régions économiques » telles que l’Union européenne, l’ALENA, le MERCOSUR, …, qualifiées par Jean-Louis Guigou de « quartiers d’orange » : « des pays du Nord, vieux et développés, en volonté de coopérer avec des pays du Sud, jeunes et émergents », selon sa définition. Il relativise en soit la présence toujours palpable sur le continent africain de groupes terroristes qui refusent l’intégration progressive de ces États au sein des circuits économiques internationaux. Il a rappelé notamment que 500 millions de francophones résident actuellement en Afrique, qu’il s’agit d’une opportunité pour la France à la condition qu’elle se donne les moyens de la saisir et « de démarrer ainsi une nouvelle épopée ».
Concernant l’Union européenne, Jean-Louis Guigou regrette la vision des institutions envers ces États, une vision manifestée par la terminologie de « politique de voisinage », une démarche politique qui définit ses partenaires en tant que « voisins », bloquant ainsi par définition tout espoir d’intégration. Pourtant, notre intervenant conçoit les pays de la rive sud-méditerranéenne comme des « pivots », les principaux acteurs d’un pont, qui lieraient Europe et Afrique au sein d’un partenariat concret. Mais des acteurs extérieurs bloquent encore un tel avenir commun : les États-Unis, bien qu’en retrait suite aux exploitations du gaz de schiste qui assurent – du moins pour un temps – de disposer de ressources propres et la Chine, solidement installée sur le continent africain et qui n’y souhaite pas d’avancées européennes dans le domaine de l’énergie. Une réponse coordonnée des États européens au continent Africain est donc préalablement nécessaire à tout projet de partenariat. Mais ceci ne pourra se faire que dans un contexte pacifié, ce qui n’est pas évident depuis les récentes révolutions.

Dans une troisième partie, Jean-Louis Guigou est donc revenu sur les événements du « Printemps arabe ». Selon lui, il s’agit de la réponse de sociétés qui aspirent à une intégration plus poussée avec les États occidentaux. En effet, les intégrations successives de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne – au terme de leur transition démocratique – ont démontré l’attraction qu’exercent les « grandes régions » sur des États fragilisés par des années de dictature. Cependant, il est important de penser correctement les projets de partenariat entre rives nord et sud de la Méditerranée, afin de prendre en compte les disparités culturelles.
En réponse à un élève de l’ENA qui se demandait quels étaient les atouts des pays du Sud en matière d’emploi, Jean-Louis Guigou a ajouté que 54% de la population des pays du Maghreb sont des jeunes de moins de 24 ans : ceci reste un atout de dynamisme certain pour les entreprises européennes qui souhaiteraient s’installer dans ces pays.

Jean-Louis Guigou a terminé son intervention par un rappel de l’offre actuelle de l’Union européenne à destination de ces États, une offre qu’il juge, en réponse à une question d’un auditeur, « honteuse » tant elle révèle une démarche qui privilégie le paternalisme au partage équitable des ressources tant alimentaires qu’énergétiques.
Selon lui, le principe de « délocalisation » a démontré ses limites sur le plan économique comme sur le plan social. Il lui préfère celui de « colocalisation », un terme qu’il définit comme le partage des chaînes de production entre États et en fonction des spécialités et des capacités de chacun : « chaque entreprise doit donc avoir un pied au Nord et un pied au Sud ». Cette idée amène à repenser le modèle des accords de libre-échange, un postulat « périmé », selon notre intervenant.
En réponse à l’un des participants qui l’interrogeait sur la capacité des États du nord à mettre en œuvre un partenariat de ce type, Jean-Louis Guigou a exposé la forme que celui-ci pourrait effectivement prendre : à l’image de la CECA ayant historiquement et politiquement précédé la CEE, l’offre européenne devrait dans un premier temps s’articuler autour d’un ou de deux projets seulement. Il termina en indiquant que si un tel cadre devait se mettre en place, l’une des priorités demeurerait la constitution d’une Communauté méditerranéenne de l’énergie. En effet, l’exploitation des énergies renouvelables, et notamment celle de l’énergie solaire plus abondante au Sud qu’au Nord, est en passe de créer un nouveau dynamisme vers les pays nord-africains.

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