Séminaire restreint - Les Partenariats Public-Privé en Méditerranée

Lundi 06 Juin 2011
Le séminaire restreint de haut niveau sur les Partenariats Public-Privé en Méditerranée organisé par IPEMED s’est tenu le lundi 6 juin 2011 à l’hôtel Novotel Paris Vaugirard Montparnasse. Sans avoir l’ambition de traiter de l’exhaustivité du sujet, il avait pour objectifs d’échanger sur les principaux enjeux et perspectives pour les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée en matière de PPP et de déterminer des bonnes pratiques applicables à l’ensemble de la zone, qui donneront prochainement lieu à un rapport de préconisations.Le séminaire a réuni une quinzaine d’intervenants et une quarantaine de participants du Nord et du Sud de la Méditerranée.

La matinée consistait en une séance plénière ayant pour objectif de présenter un état des lieux des PPP en Méditerranée et des témoignages dans les secteurs des infrastructures et de l’équipement numérique des territoires. Elle a été introduite par Jean-Louis Guigou, Délégué général d’IPEMED, qui a insisté sur l’importance de la régionalisation du monde, fondement du travail d’IPEMED. Compte tenu du contexte de la crise économique et du Printemps arabe, les champs d’intervention des secteurs public et privé seront à développer dans la région. En s’appuyant sur les modèles d’industrialisation des Dragons asiatiques et de l’Europe centrale et orientale, les entreprises européennes peuvent participer à l’industrialisation de la rive Sud de la Méditerranée par l’intermédiaire de quatre outils : la Banque euro-méditerranéenne de développement, la sécurisation juridique et financière des investissements privés, une harmonisation des cours arbitrales existantes et le développement des PPP.

Nicolas Beaussé et Emna Kharouf, responsables respectivement du Pôle Secteur Public et de la filiale Tunisie du cabinet de conseil Altime Charles Riley, ont exposé les principales caractéristiques des PPP et présenté un état des lieux de ces types de projets dans huit pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM). Ils ont rappelé le rôle du contexte historique et du cadre réglementaire dans l’avancement de ces pays en matière de PPP. A ce jour, les PPP dans les PSEM ont principalement été développés dans les secteurs marchands (transport, services d’utilité publique, énergie) et seront appelés à se multiplier afin de soutenir la forte croissance économique attendue dans ces pays. Les principaux enjeux en matière de PPP concernent désormais l’acquisition d’une expérience du secteur bancaire local en matière de financement et du secteur privé en tant que partenaire du secteur public, l’évolution des cadres réglementaires pour les pays les moins avancés dans ce domaine et le développement des PPP dans les secteurs non marchands (éducation, santé).

Le premier témoignage a été présenté par Alain Poliakoff, Directeur Marketing et Commercial d’EGIS Projects, filiale du Groupe Egis chargé de développer, réaliser et exploiter des projets d’infrastructures de transports sous forme de PPP. En s’appuyant sur son expérience de projets menés en Europe Centrale et de l’Est, il a rappelé les principaux facteurs de succès des PPP dans le secteur des transports : un cadre administratif et réglementaire composé d’une loi spécifique aux PPP et d’une unité PPP est indispensable pour les projets de grande taille ; une autorité du secteur public, qui suppose que le client public soit clairement identifié et qu’il accepte de se faire conseiller par des experts juridiques, financiers voire techniques afin d’être dans un rapport de forces égal face à l’entité privée lors des négociations du contrat ; la procédure, obligatoirement précédée d’une étude de faisabilité du projet, comporte une phase de pré-qualification qui permet aux candidats de se grouper et au secteur public d’évaluer la réponse du marché au projet proposé et la phase d’appel d’offres qui permet la sélection du vainqueur selon des critères clairs et définis ; les caractéristiques du projet lui-même sont fondamentales, car seuls 20 à 25% des réalisations d’infrastructures peuvent prendre la forme de PPP. Le projet doit être de taille raisonnable (pour les pays peu expérimentés, un grand projet sera trop difficile à mettre en place et un trop petit projet ne permettra pas de couvrir les frais juridiques et financiers), présenter une rentabilité économique pour l’opérateur privé et faire partie d’un plan de deux à trois projets lancés par le pays.

Gabrielle Gauthey, Vice-Présidente en charge des Affaires publiques et gouvernementales du Groupe Alcatel-Lucent, a présenté le rôle fondamental d’Internet et de l’accès au haut-débit dans le développement économique et qui suppose que les territoires s’équipent en infrastructures numériques. Partout dans le monde, ces investissements prennent de plus en plus la forme de PPP portés à l’échelle régionale et rurale (départementale en France), qui ont la maîtrise des sous-sols et la volonté et la capacité d’équiper des régions peu denses et reculées. Gabrielle Gauthey s’est appuyée sur des exemples de PPP au Mexique, en Australie, Nouvelle-Zélande, Brésil, Indonésie et en France visant à développer la fibre optique ou les réseaux haut débit mobile.

Thierry Reynaud, Directeur de Projets à la Mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat (MAPPP), était chargé de réaliser une synthèse des débats et d’apporter des compléments aux présentations. Il a témoigné à la fois de son impatience et de son espoir par rapport aux PPP en Méditerranée, reconnaissant que les PPP avaient mis du temps à s’implanter en France. Les thématiques communes aux PSEM pour développer les PPP sont un paysage législatif unifié, simple, robuste et non morcelé et la création d’une unité PPP rassemblant des compétences juridiques, financières, économiques et solidement positionnée dans le paysage administratif. En s’appuyant sur son expérience des contrats de partenariat en France, il a rappelé que les réalisations des projets sont souvent différentes des attentes et des objectifs prévus. Thierry Reynaud a également insisté sur l’importance d’une généralisation et standardisation des procédures et des contrats afin de faciliter la mise en place des PPP.

Suite à ces témoignages, Mohammed Benahmed du Fonds d’Equipement Communal (FEC) présent dans la salle, a insisté sur la nécessité de la formation des acteurs privés et publics et de leur bonne compréhension mutuelle. Driss Adnani et Ahmed Belfahmi de la Direction des Entreprises Publiques et de la Privatisation du Ministère de l’Economie et des Finances Marocain, ont fait part de la création récente de la cellule PPP au sein du Ministère et rappelé que le recours aux PPP n’était pas seulement d’ordre financier, mais qu’il permettait de diversifier les sources de croissance et d’assurer la performance des projets.

L’après-midi se composait de deux ateliers simultanés sur les investissements PPP à l’échelle des collectivités locales et les PPP dans les infrastructures, suivis d’une table ronde en séance plénière visant à restituer les ateliers et à identifier des pistes de réflexion.L’atelier sur les investissements à l’échelle des collectivités locales était animé par Eric Lepont, Directeur Général du cabinet GB4P, qui accompagne les collectivités dans la préparation et la mise en place de projets sous forme de PPP. En s’appuyant sur son expérience en France, il a présenté le concept d’offre spontanée, possible uniquement dans le cadre des contrats de partenariat et qui donne la possibilité à une entreprise ou un groupement d’entreprises d’identifier un besoin d’une collectivité locale et d’y répondre en proposant un projet, qualifié d’offre spontanée. Généralement, ces projets sont d’un montant minimum de 10 millions d’Euros afin de couvrir les frais juridiques et financiers de la mise en place des premiers projets. L’important dans le choix de ces projets est qu’ils soient reproductibles par la suite. Tout au long du projet, un conseiller peut jouer le rôle d’interlocuteur unique entre la collectivité et le privé afin de faciliter les relations entre les deux parties, d’accélérer le montage du projet, même si cela rallonge généralement la durée de la négociation.

L’atelier sur les PPP dans les infrastructures était animé par Samir Nasr, Président Directeur Général du cabinet de conseil ECE, qui a rappelé les enjeux des infrastructures pour le développement économique et le rôle d’accélérateur des PPP pour les investissements dans ce domaine. 

Christian Jabre, Directeur de l’équipe de financements structurés et d’infrastructures de KPMG Corporate Finance, a rappelé l’importance de la rentabilité économique des PPP pour le secteur privé et qui est généralement supérieure à celle d’un projet classique. Eric Francoz, Directeur Exécutif du fonds Inframed, a cependant rappelé que l’absence d’infrastructures était souvent nettement plus coûteuse pour les Etats que la mise en place de PPP.

Christian Jabre et Eric Francoz ont soulevé la question de la monnaie utilisée pour le financement du projet et du risque de change qu’elle pouvait entraîner. En effet, les investisseurs étrangers ne sont en général pas prêts à supporter ce risque, tandis que les banques locales présentent des limites en matière de financement à long terme, renforcées par les nouvelles réglementations financières et notamment Bâle III. Eric Francoz a insisté sur l’importance pour les pays méditerranéens de prendre en compte la fiscalité, facteur de concurrence principal entre les différents pays de la zone. Le séminaire s’est conclu par la table ronde, qui a permis à tous les participants de prendre connaissance des conclusions tirées des deux ateliers. Kemal Rekik, consultant dans le secteur de l’énergie, est revenu sur la situation actuelle après la Révolution en Tunisie et sur l’expérience réussie du premier IPP (Independent Power Producer) à Radès.

Youssef Rouissi, Directeur de la Banque de Financement d’Attijariwafa Bank, a rappelé les différents leviers mis en place au Maroc afin de faciliter le développement des PPP et a notamment évoqué la régionalisation avancée, qui donne plus d’autonomie financière et budgétaire aux collectivités. Il a également insisté sur la bonne santé du secteur bancaire marocain, peu touché par la crise bancaire, qui a conservé de fortes capacités de financement en dirhams pour le développement de PPP, notamment dans le domaine de l’énergie.

Ali Bensouda, Responsable du fonds Edifice Infra Maroc, premier fonds spécialisé dans les PPP, a insisté sur les besoins de l’Etat marocain en matière de PPP sociaux. Pour cela, la mise en place d’un fonds de garantie et un soutien du Nord de la Méditerranée seront indispensables.

Au sujet des garanties financières, Eric Diamantis, Vice Président d’IPEMED, a ajouté que la création d’un guichet unique permettant aux Etats de se tourner vers un seul interlocuteur pourrait être une réponse à la diversité des acteurs dans ce domaine. Il a avancé l’idée qu’une institutionnalisation des expériences de la région méditerranéenne à l’image de la task force de la BEI pour les PPP en Europe serait nécessaire.Du point de vue juridique, Eric Diamantis a évoqué la nécessité d’un recours à un règlement des litiges neutre et la présence d’un médiateur entre l’opérateur privé et la personne publique afin de régler des problèmes survenant lors de la mise en place de PPP mais ne nécessitant pas le recours à une procédure d’arbitrage.

Philippe Auzimour, Directeur Europe Secteur Public et Infrastructures chez Marsh, a rappelé que le risque le plus difficile à couvrir en matière de PPP était le risque politique du pays et que la quantification et l’allocation des risques était la pierre angulaire des PPP. Les pays peu expérimentés dans ces domaines peuvent se tourner vers les guides de bonnes pratiques établis notamment par la BEI et s’appuyer sur la comparaison avec des projets similaires développés dans d’autres pays.La table ronde et le séminaire se sont conclus à partir d’une intervention de Jean-Louis Guigou sur le projet de mise en place de la Banque euro-méditerranéenne de développement. Ce projet est en progression, cependant il ne pourra se déployer qu’à condition que les pays de la rive Sud de la Méditerranée se l’approprient et le portent et qu’il ne soit plus considéré uniquement comme une proposition des pays de la rive Nord.
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