Copenhague, l’enjeu climatique et l’eau en Méditerranée

L’enjeu climatique, la réponse par les PPP, les conditions de l’investissement privé au Sud

Scoullos : la question n’est pas tant de savoir s’il vaut mieux que l’opérateur soit public ou privé ; elle est de savoir si l’UpM pourra favoriser l’investissement du privé sur la rive sud.

Guirkinger : c’est vrai qu’en l’état actuel des choses, le partenaire privé apporte le know how, technique et managérial, mais répugne à investir – les risques sont trop grands, comme l’a montré l’expérience de Suez en Argentine où le groupe a perdu 700 millions d’euros, ce qui a failli le tuer !Il faut donc des garanties, soit par la Banque Mondiale soit par une autre institution internationale. Mais sur ce plan, les choses n’avancent pas. Or il faut avoir à l’esprit que les investissements à long terme dans l’eau sont beaucoup moins profitables que bien d’autres business – téléphonie mobile, énergie etc.

El Alfy : les gouvernements des PSEM subventionnent leur eau, mais ils subventionnent un service de faible qualité – d’où l’intérêt de mobiliser les opérateurs privés, ils en prennent conscience. A leurs yeux le partenariat avec le privé est susceptible d’apporter un service de meilleure qualité, plus complet, et une meilleure sécurisation de l’accès à l’eau.

Guirkinger : les opérateurs privés rechignent de plus en plus à aller dans un pays où le prix de l’eau serait augmenté très sensiblement à l’occasion d’une délégation du service au privé. Pour que des investissements privés aient lieu dans ce domaine de l’eau, il faut donc un acteur public organisé, qui assure le cadre réglementaire et qui puisse le cas échéant assumer l’augmentation du prix de l’eau.

Chahrour : un service public ne saurait être totalement confié au privé, on a toujours besoin d’une autorité publique. Car après tout, quelle légitimité les entreprises auraient-elles dans ces grands services publics ?

Guirkinger : si le privé investit, il ne veut pas devenir le propriétaire de l’infrastructure. La propriété doit rester publique, même si le privé peut jouir de l’usage sur une longue période, l’infrastructure revenant à terme à la puissance publique (ce que confirme Donzier pour la France : les municipalités investissent, peuvent confier le service au privé, mais restent maîtres de l’infrastructure comme de la fixation du tarif de l’eau).

Lainé : les entreprises apportent de l’expertise, car les fonctionnaires ne peuvent pas tout connaître. Le réalisme des entreprises est souvent plus important que celui des Administrations. Ce qui est vrai à l’échelle locale l’est aussi à celle de la Méditerranée : l’UpM a décidé d’une « stratégie méditerranéenne de l’eau », très bien. Mais les fonctionnaires qui la préparent risquent d’aboutir à des propositions inapplicables…

 

Une Agence de l’eau à l’échelle méditerranéenne ?

Guirkinger : une Agence méditerranéenne de l’eau présenterait plusieurs avantages : elle faciliterait les coopérations, et elle mobiliserait tous les acteurs – pollueurs et utilisateurs des pays riverains, ces acteurs concourant tous au financement de l’eau. Une autre de ses fonctions pourrait être de contribuer à la sécurisation des investissements sur la rive sud ; un tel outil contribuerait concrètement à la solidarité Nord-Sud.

Donzier : il existe effectivement en France un système de taxe par bassin, payée par tous les préleveurs d’eau, agriculteurs, industriels, ménages…, et par les pollueurs. Ce système des Agences de l’eau marche. Et il se révèle apte à la coopération internationale, puisque depuis trois ans la loi Oudin autorise les Agences (comme d’ailleurs le budget « eau » des municipalités) à utiliser 1% de leur budget pour la coopération. Mais une très faible partie de cette coopération est dédiée au capacity building (cadre juridique, système administratif….), pour lesquelles l’argent manque – alors qu’il est beaucoup plus facile de trouver le financement pour une grosse infrastructure ! Les outils existent, il faut les développer, élargir leur usage, et mieux les mobiliser.On peut s’en inspirer pour réfléchir à l’échelle euroméditerranéenne ; mais il y a évidemment des particularités fortes à cette échelle, ne serait-ce que le poids déterminant de l’agriculture dans la consommation de l’eau dans les PSEM, et la nécessité d’une grande politique d’irrigation agricole.

Guirkinger : dans tous les cas, les outils méditerranéens pour la coopération dans le domaine de l’eau doivent associer tous les acteurs. Car le chef d’entreprise unique discutant seul à seul avec un client public unique, c’est terminé ; le dialogue entre les stakeholders est incontournable ; la gouvernance est forcément complexe, et doit mobiliser tous les acteurs – même si c’est bien l’autorité publique qui tranche à la fin.

Scoullos : il existe des outils de concertation et de coopération. Par exemple GWP-Med agit avec tous les réseaux d’acteurs. Sauf un : il y a un réseau qui n’existe pas, celui des opérateurs - privés et publics - de l’eau en Méditerranée. Il faut le susciter car il est indispensable.

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