L’énergie vecteur de développement et de coopération en Méditerranée

Pour Moncef Abdallah, la coopération énergétique euroméditerranéenne est indispensable, au Nord (qui est très préoccupé de sécurité et diversification de ses approvisionnements énergétiques) comme au Sud (qui se pose la question de sa capacité technologique et financière à accéder à l’énergie). Cette coopération pose la question de la relance du nucléaire et, par-dessus tout, celle du bon mix énergétique : quel est le bon choix, pour chaque pays ? Quels financements (nécessairement publics et privés) ? Voilà les questions directrices pour la coopération régionale.

Pour le moment, ce partenariat n’a pas trouvé sa bonne formule, nous cherchons encore la bonne synergie. Il nous faut nous connaître davantage, nous rencontrer plus souvent, ce séminaire y contribue. Et nous devons le faire dans la durée, de manière constructive, par exemple en poussant conjointement à la création d’un centre euroméditerranéen de formation, recherche et coopération sur les énergies renouvelables. Les électriciens de la région se connaissent, les pétroliers aussi ; les acteurs des énergies renouvelables doivent pouvoir compter sur un outil commun pour ce travail de long terme.

Cela suppose, plus en amont encore, une vision commune, à trente ou cinquante ans. Seule une telle vision pourrait tracer des perspectives communes, donner espoir et sens à notre collaboration.

Nicolas Swetchine partage l’idée que la question centrale est celle du bon mix énergétique, qui sera propre à chaque pays. Pour réduire les émissions de GES, la majorité de la production électrique (dont la progression sera sans doute plus importante que ce qu’on croît souvent : 5 à 6% par an dans les Psem, comme dans l’Europe après la guerre) doit être décarbonée. On connaît les solutions : l’hydraulique – de loin la meilleure solution mais pas adaptée à tous les pays, les renouvelables, et le nucléaire (dont 95% de l’uranium peut être recyclé).

Outre les problèmes technologiques et de financement, trois difficultés doivent être soulignées. La première est celle des nouvelles échelles géographiques. La révolution de la mobilité va sa poursuivre, la réalité virtuelle et les objets nomades vont prendre une place croissante ; la consommation électrique n’échappera pas à cette tendance générale d’une mobilité accrue et d’ici quelques décennies les notions de « Nord » et « Sud » de la Méditerranée auront disparu – au moins sur le plan électrique, du fait de l’interconnexion. La stratégie énergétique doit avoir une forte composante régionale, du fait de cette – cruciale – connexion électrique ; la contre saisonnalité (demande de chauffage en hiver dans le Nord et demande de climatisation en été dans le Sud) est un des arguments de l’importance de cette connexion. Des initiatives doivent être développées tous azimuts, entre Nord et Sud, et entre Sud et Sud.

Tout cela est d’autant plus vrai qu’on considère ces transformations sur le temps long. C’est la deuxième difficulté. Les échelles de temps sont déterminantes, or l’énergie nous place sur le temps long ; le cycle d’une centrale nucléaire se compte en nombreuses décennies (60 voire 80 ans). Il faut donc être capable d’imaginer un changement de paradigme énergétique radical, sur le long terme.

Le problème, troisième difficulté, c’est la non décision. Nous confondons les échelles de temps : nous raisonnons sur le court terme lié à la crise financière. Nous avons du mal à anticiper, à prendre des options voire des risques, pris que nous sommes dans la « moyennisation » inhérente à la gouvernance moderne. Conséquence, les pratiques ont du mal à changer, que ce soit en matière de transport ou d’économies d’énergie. Il nous faut travailler à des modèles économiques qui conduisent à la décision, et le faire en concertation à l’échelle euroméditerranéenne.

S’agissant du nucléaire, il y a bien un risque de prolifération relatif à l’enrichissement du combustible. Le nucléaire n’est donc pas possible partout notamment pour des raisons politiques. Mais si les conditions politiques sont réunies, les pays peuvent se donner les moyens de maîtriser cette énergie sur le plan technologique et administratif (sûreté, sécurité…), si le pays dispose d’une taille économique suffisante (Egypte, voire Maroc…).

Le débat

Les inconvénients du nucléaire ne s’arrêtent pas là : il y a aussi le coût, pour un projet qui peut représenter 15% du PIB d’un pays du Sud. Un problème de temporalité également car il faut s’engager sur vingt ans avant la production du premier kilowatt heure. Enfin un problème de dépendance technologique, dans des technologies rapidement évolutives, même si le programme est conçu à une échelle plurinationale (Benabdallah).

Le nucléaire pose un vrai problème de complexité technologique et de risque de prolifération. Différentes solutions ont été mises sur la table pour y faire face : on a imaginé des centrales mobiles, sur bateau ; Poutine a proposé quelques grands centres nucléaires mondiaux diffusant le combustible et la technologie industrielle, etc. Mais on ne parvient pas à un dispositif crédible, en tout cas pas pour tous les pays (Chello).

Parler du nucléaire est un mauvais service à rendre aux Psem : c’est trop complexe (d’où la dépendance technologique), trop coûteux, trop centralisé. Mais on préfère de grandes opérations centralisées plutôt que des éoliennes décentralisées (Haddad).

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