Débats conclusifs

Mickael Scoullos fait le point sur la stratégie méditerranéenne pour l’eau. Il y a bien un enjeu régional euroméditerranéen majeur dans le domaine de l’eau. Mais il fait observer que même si nous sommes un groupe informel, nous ne parvenons pas toujours à parler de manière totalement libre et innovante, notamment nous continuons à utiliser des catégories comme « Nord » et « Sud » alors que la situation de la Grèce suffirait à faire comprendre qu’il n’y a pas un « Nord » homogène et également prêt à aider les pays en développement de la région.Mickael Scoullos [smm_water-Scoullos_med_euwi.ppt] fait le point sur la stratégie méditerranéenne pour l’eau. Il y a bien un enjeu régional euroméditerranéen majeur dans le domaine de l’eau. Mais il fait observer que même si nous sommes un groupe informel, nous ne parvenons pas toujours à parler de manière totalement libre et innovante, notamment nous continuons à utiliser des catégories comme « Nord » et « Sud » alors que la situation de la Grèce suffirait à faire comprendre qu’il n’y a pas un « Nord » homogène et également prêt à aider les pays en développement de la région."L’idée que la « rive nord » serait homogène est une vue de l’esprit – « a Mickey Mouse view ». Il n’y a pas d’un côté les donateurs et de l’autre les bénéficiaires. Dans un pays du Nord comme la Grèce, la population a beaucoup de mal à comprendre pourquoi elle devrait financer le développement d’autres pays de la région".Les quatre thèmes décidés par la ministérielle « eau » de Jordanie en décembre 2008 étaient les suivants : (i) Progresser dans la gouvernance pour une gestion intégrée des ressources en eau (pays leaders : Grèce et Liban) ; (ii) Faire face au changement climatique (adaptation, lutte contre la désertification…, leaders Grèce et Maroc) ; (iii) Optimiser le financement de l’eau (RFA et Italie) ; (iv) Réussir la gestion de la demande (France et Egypte). Cette sa stratégie n’est pas qu’un texte, c’est aussi un processus. Il y aura des critères pour accepter les projets proposés – soit dans la stratégie soit dans le plan d’action, on verra. Ces critères ne devront évidemment pas être contradictoires avec les coopérations et l’assistance existantes. Il y aura aussi des indicateurs des objectifs et réalisations de chaque projet.Un groupe technique de quatorze personnes, présidé par l’Espagne (qui aura la présidence de l’UE et de l’UpM au premier semestre 2010), a été mis sur pied. Le groupe des Experts s’est réuni à Athènes (7-8 septembre 2009), puis le 4 Novembre au Caire, puis en février 2010 sans doute. Ses propositions seront transmises à la conférence ministérielle des 12-14 avril 2010. Entre-temps, les 23-24 Novembre 2009 à Lyon, les autorités locales auront contribué au processus. De même tout groupe, réseau, peut contribuer au processus qui est ouvert ; mais les contributions sont sensées arriver… avant fin novembre 2009.Le processus fait donc penser à Horizon 2020 : identification des principaux projets (sous la présidence de la BEI) ; recherche et diffusion de l’information sur les politiques environnementales ; mise sur pied d’indicateurs pour mesurer les progrès (présidence de l’EEA) ; capacity building, évolution de la législation, rôle des ONG (présidence du MOI-ECSDE).

Y a-t-il trop ou pas assez d’informations et de Schémas directeurs ?

Une stratégie doit être claire pour être comprise, celle là l’est-elle demande Seropian ? Et les questions importantes ont-elles été posées franchement : il y a de l’argent au Sud mais pourquoi n’est-il pas mobilisé ? Formation : est-ce le problème, quand les cadres du Sud réussissent localement ou à l’international ? Le besoin de schémas directeurs : d’accord, mais ils existent, le problème est-il vraiment là ? De même, très souvent les infrastructures, les centres de recherche existent, au Sud. D’où vient le problème, au juste ? Il n’est pas facile de répondre. Il y a plutôt un excès de colloques, échanges, argent, coopération de formation…S’il y a pléthore de Plans et Schémas directeurs, cela veut dire qu’il y a un défaut de formation chez les personnels qui devraient les mettre en oeuvre (Kherraz). Les cadres qui réussissent à l’étranger sont les meilleurs des meilleurs ; sur place, reste un énorme besoin de formation, de mise à niveau des professionnels, aux différentes qualifications, pour des savoir-faire en outre fortement évolutifs.Le problème n’est pas d’abord le problème de formation. Les meilleurs ne vont pas dans le public car les salaires y sont insuffisants (Syrie, Liban, Palestine etc.). Or sans secteur public fort, pas de partenariat public-privé (Chahrour).Le diagnostic a été fait il y a quinze ans maintenant : le problème réside dans la grande dispersion dans l’accès à l’information. Il y a beaucoup d’information disponible mais elle est difficilement accessible, et pas mise en commun. Il y a beaucoup d’études, certes – mais comment y accéder et éviter de les refaire sans savoir qu’elles existent ? D’où l’idée du Semide : créer des capacités de gestion de l’information dans chaque pays, en un point focal national d’un réseau régional. Dans les premières années, l’UE a payé pour le faire fonctionner, de même les pays pour la mise en place de leurs points focaux ; le risque c’est d’arrêter l’outil, car les budgets ne sont pas garantis. Les bailleurs préfèrent financer le nouveau, et ne soutiennent pas les outils dans la durée.

Développer et mieux coordonner la formation professionnelle à l’échelle régionale

Formation et capacity building ne sont pas seulement pour les ingénieurs et cadres, mais pour tous les autres niveaux professionnels. Et il y a beaucoup à faire, dans un domaine qui reste abordé de manière trop technique (Scoullos).Ermenault confirme : c’est à tous les niveaux de la hiérarchie que doit porter la formation, sur 100% des personnels.Avec les départs en retraite massifs, les agences de bassin vont manquer de personnels. Il n’y a pas de doute que la coopération peut beaucoup apporter dans ce domaine de la formation (El Yaalaoui).La formation, c’est également une question de contenu : des sciences de l’ingénieurs, bien sûr, mais nous avons aussi besoin de connaissances pluridisciplinaires en sciences sociales (la Chaire Unesco apporte beaucoup d’heures de SHS dans un cursus de sciences dures d’un Master Environnement marocain), y compris pour les journalistes qui doivent s’acculturer aux questions de l’eau (Tazi Sadeq).Donzier est tout à fait d’accord pour adapter les contenus et, au-delà des aspects techniques, ne pas oublier les SHS, la gestion et l’environnement. La formation professionnelle du secteur de l’eau concerne des milliers d’individus. La main d’oeuvre dans un service des eaux est une des clés économiques du calcul du prix de l’eau ; elle doit être efficace, donc formée. Un des problèmes principaux des bailleurs de fonds, c’est celui du fonctionnement du projet une fois qu’on a construit les installations ; investir pour bâtir, c’est assez facile, le problème c’est après, lorsqu’il faut faire fonctionner l’installation, réparer les pompes qui cassent, assurer le suivi du service, et pendant vingt ans, rappelle Jean-François Donzier ; cela demande une formation de qualité.Jean-Claude Seropian donne deux exemples concrets : la duré de vie d’une usine d’eau est de 25 ans quand elle est bien exploitée ; mais en Afrique, elle est de 9 ans en moyenne. Par ailleurs, l’ONG Aquassistance a l’habitude de revenir sur ces projets cinq ans après ; 40% de ces projets sont alors hors service ! Donc oui, la maintenance est essentielle.La communauté française a monté un centre de formation, soutenu par le public et le privé, que gère l’OIEau, et qui reçoit 6 000 stagiaires par an. Il est fondé sur la formation pratique, les stagiaires travaillent sur une vraie station, de vrais tuyaux…, que ce soit pour l’AEP, l’irrigation ou l’assainissement. Le problème c’est que pour faire venir une quinzaine de stagiaires des PSEM, on paie davantage en billets d’avion qu’en formation. Donc il faut développer cet outil de formation professionnelle dans les PSEM. Mais qui financera ? En France nous avons le 1% financé par les entreprises, quel serait équivalent au Sud ? Il faudra mettre cela en place. Cette idée a commencé à se traduire dans la réalité : des systèmes équivalents se mettent en place, en Amérique Latine (Mexique), mais aussi au Sud de la Méditerranée : un projet en Arabie Saoudite, l’ONEP au Maroc, l’Algérie est en train de préparer une centre national de formation professionnelle, etc. Il faut regrouper les professionnels de la formation aux métiers de l’eau en un réseau international, « International Network of Water Training Centers » (INWTC). Ce réseau aurait un mot d’ordre : former pour faire fonctionner les projets une fois qu’ils sont réalisés.Nous avons deux centres de formation, avec des installations hôtelières, signale Nadia Abdou.Donzier : nous n’avons pas de liste exhaustive, les informations sont bienvenues, le réseau est ouvert !

La question de la coordination des institutions régionales dédiées à l’eau

Hervé Lainé reconnaît que beaucoup de matière grise à été mobilisée dans les questions de l’eau en Méditerranée depuis quinze ans (Barcelone) et même trente ans (Pnue-Pam). Mais ces idées sont éclatées en de multiples institutions, qui se connaissent mais restent surtout dans leur propre action. La dynamique UpM avait commencé à lancer une dynamique plus unifiée, mais on retombe vite dans les habitudes. On crée du nouveau, c’est vrai, mais l’organisme précédent continue d’exister, et mal. D’où la juxtaposition. Tout le monde agit, un peu dans le désordre. Comment renforcer l’efficacité de cet ensemble ? La Stratégie de l’eau, ce n’est pas tout : le Plan d’action devrait s’appuyer sur un outil de coordination des institutions existantes. Voyez le Semide : c’est une très bonne idée de collecter de l’information nationale pour la mettre à la disposition de tous ; or ça ne marche pas : pourquoi ? Ne faut-il pas une structure de coordination unique, qu’il s’agisse d’un « hub », d’une « Agence » ou d’un « réseau » peu importe, mais une coordination forte.

Débat

Qui va coordonner qui, demande Scoullos ? Et il y a le problème des données, un système très complexe pris en charge par plusieurs organismes notamment Eurostat.Je suis point focal Algérien, dit Kherraz qui reconnaît que l’idée initiale était excellente : un point focal national financé par le pays, avec en central l’« Unité technique » du Semide. Le système fonctionne, dans presque tous les pays. Mais le problème est que cette Unité technique n’aura bientôt plus d’argent, alors que le reste fonctionne et est financé.Voyons les choses en face, dit Lainé : l’Unité technique du Semide, c’est trois personnes. Ce n’est pas à l’échelle des enjeux de l’eau en Méditerranée.Un autre problème, admet Kherraz, vient de ce que le projet consistait à mettre en commun non pas de la donnée, que les pays ne voulaient pas mutualiser car elle était considérée comme trop stratégique, mais de l’information.Tout le monde admet le besoin d’une vision future partagée, de mettre en oeuvre des solutions d’adaptation au changement climatique. Mais cela va-t-il se produire de manière contrôlée, ou bien abrupte et dans la crise ? L’UpM offre un cadre d’action concertée possible en matière de modernisation de l’irrigation, de gestion des ressources superficielles et souterraines, d’améliorations dans la gestion de l’eau, de mesure de la contribution de l’eau au PIB, de carte des utilisations et de modèles liés, de rendement des nappes, etc. Il est donc indispensable de mieux coordonner la coopération euroméditerranéenne (Bany Mustapha).Nous avons besoin d’une meilleure coordination technique en matière d’information sur l’eau. Mais nous avons également besoin d’un outil de communication en direction du plus haut niveau politique, celui des chefs d’Etat de l’UpM (Beckouche).L’UpM, c’est à la fois de l’intergouvernemental (le futur Secrétariat général de Barcelone) et un peu de fédéral (le budget du Voisinage à Bruxelles). Le budget 2014-2020 de l’UE va bientôt être discuté. Cela se prépare maintenant. Pourquoi ne pas imaginer une grande politique agricole commune, et une grande politique de l’eau (Guigou) ? Il existe des forces à l’oeuvre, en Méditerranée : les entreprises sont à l’oeuvre – capitalistes, prédatrices, bienveillantes, peu importe, elles sont à l’oeuvre, il n’y a qu’à voir ce qui se passe déjà en Turquie. D’où l’importance de l’approche « projets ». Les patrons du Nord vont au Sud, ceux du Sud vont au Sud et aussi au Nord ; la puissance publique doit dire les limites dans lesquelles ils peuvent bouger – non pas pour les contraindre, mais au contraire pour réguler et donc rendre le long terme possible. Une Agence de l’eau serait l’outil pour une telle politique régionale dans le domaine de l’eau. « Union » veut dire politiques communes. Nous devons nous battre pour qu’au-delà des comités d’Experts, du REMOB, de diverses autres institutions, une grande Agence commune fédère tout cela. En 2012 aura lieu le Forum Mondial de l’Eau : ne serait-ce pas une grande date pour lancer cette Agence ?Mohamed El Alfi est d’accord avec la vision de Jean-Louis Guigou. L’eau est au sommet de l’agenda politique Egyptien, mais la mise en oeuvre à l’échelle régionale n’est pas cohérente pour le moment. Il faut encore beaucoup de travail commun et de brain storming.Mickael Scoullos fait la synthèse de cette session très large. Dans le cadre d’une UpM qui peut prêter à confusion car le processus politique est incertain, notre groupe informel peut avancer et apporter, notamment sur trois questions clés : (i) l’enjeu de la formation, (ii) la question des financements (les « trois T » et la diffusion des chiffres et idées sur la dimension économique de l’eau) ; (iii) le besoin de faire de l’eau une priorité politique dans l’agenda de la Méditerranée.

Conclusions

Le suivi de ce Séminaire pourrait prendre la forme de quatre groupes de travail : le premier sur l’autoévaluation et les indicateurs du service local de l’eau ; le deuxième sur l’eau agricole, trop peu abordée lors du séminaire ; le troisième sur la participation, la démocratisation et l’accès à l’information ; le quatrième sur l’Agence de l’eau et la régulation régionale commune dans l’eau (Beckouche).Jean-Louis Guigou : sans doute avons-nous abordé trop de sujets, peut-être étions nous trop nombreux et appartenons-nous à des milieux trop disparates – mais c’est précisément la richesse de ces Séminaires du Monde Méditerranéen. Ce qui est sûr, c’est que nous ne disposons pas encore assez de diagnostics partagés, par exemple en matière de chiffres sur les financements (en prenant en compte ou non les financements Arabes, etc.). Peut-être aussi avons-nous témoigné d’un peu trop d’autosatisfaction, ou plutôt d’un peu trop de points de vue nationaux et pas assez de références à la Méditerranée. Enfin peut-être y avait-il un peu trop de Power Points… Avons-nous bien en tête notre objectif : ce que nous pourrions faire ensemble pour la Méditerranée ? Une dernière observation, qui est une demande : pour les prochaines éditions de ce Séminaire, pouvez-vous nous aider à identifier qui, dans le domaine de l’eau, nous devrions mobiliser, quels décideurs de demain, patrons, syndicalistes, ONG, fonctionnaires, devraient être invités à réfléchir à cet avenir commun ?Jean-François Donzier conclut et confirmant l’importance de cette notion clé de « Bassin méditerranéen » : l’eau y est un problème de terres largement autant que de mer. La majorité de la pollution vient de la terre, une grande partie des besoins d’accès à l’eau et à l’assainissement se posent au-delà du littoral. C’est bien à cette échelle large que nous devons continuer à réfléchir à nos projets communs.

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