Cap au Sud : pourquoi et comment ?

Jeudi 04 Février 2016

Extrait du discours de Jean-Louis Guigou, Président de l’IPEMED, à l’occasion du dîner de gala du COP d’IPEMED organisé pour le dixième anniversaire de l’Institut


En ce triste début d’année 2016, la situation dans le Monde est alarmante, particulièrement en Méditerranée. Il est donc légitime de se demander : Comment ne pas céder à la peur ? Comment, dans un tel contexte donner du sens à l’action politique ? Comment éclairer le choix des entreprises ? Quelles visions de l’avenir et quelles propositions ? Comment redonner une ambition collective et une perspective à long terme ?

Pour répondre à ces questions et essayer d’interpréter au mieux les enjeux méditerranéens, nous avons mis en place un outil de réflexion et d’action, l’IPEMED, qui au printemps 2016, fêtera ses dix ans d’existence.

Nous avons, dans une première phase, mis les projecteurs sur l’espace Euro-méditerranéen et obtenu des résultats significatifs. Mais trois éléments changent la donne : le contexte géopolitique, qui demande qu’on sorte par le haut de la transition engagée avec le Printemps arabe ; l’accélération de l’intégration de la grande région Afrique–Méditerranée–Europe et la nouvelle « économie du partage » dont les acteurs publics et privés de notre région doivent se saisir.

Cela nous oblige à ouvrir la réflexion sur un espace plus large : Les quartiers d’orange, l’Afrique-Méditerranée-Europe est à promouvoir avec la mise en place d’une fondation internationale pour en être le creuset politique et économique et en assurer la promotion.

IPEMED est un outil original

L’objectif premier de l’IPEMED est clair : « Rapprocher par l’économie les deux rives de la Méditerranée ». Nous voulons revisiter l’utopie saint-simonienne de 1832 : « faire de la Méditerranée le lit nuptial entre l’Occident et l’Orient » parce que, déjà, le capital est à l’œuvre.

La méthode est un mélange de trois démarches : privilégier la méthode prospective, c'est-à-dire, le temps long ; analyser la logique du capital à long terme, c'est-à-dire mettre en évidence les intérêts et les obstacles qui motivent les entreprises et les mettent en mouvement et défendre sans cesse l’intérêt général.

L’espace euro-méditerranéen (2006-2016) à travers IPEMED

En avril 2006, IPEMED a été fond. Des résultats positifs ont déjà été acquis grâce aux travaux de l’IPEMED, financés essentiellement par les entreprises :

Construction d’un réseau de confiance : un réseau de plusieurs centaines d’experts, d’industriels et de politiques des deux rives de la Méditerranée s’est constitué partageant la même volonté de rapprocher par l’économie, les deux rives de la Méditerranée et de construire un avenir commun.

Production d’idées nouvelles : sur les différents scénarios possibles (Méditerranée 2030), sur l’énergie avec la Communauté Méditerranéenne de l’Energie, concept repris par la Commission Européenne ; sur l’eau avec le recours aux financements innovants pour l’accès à l’eau et à l’assainissement (proposition à la COP 21 qui sera finalisée à la COP 22) ; sur l’agriculture avec des filières territorialisées (filière céréalière, oléagineuse et laitière dans le Maghreb) ; sur l’Economie Sociale et Solidaire attractive pour les jeunes afin de siphonner progressivement l’économie informelle ; sur la sécurisation des investissements à long terme (accord de l’OCDE et de la BEI) ; sur le passage d’une démarche administrative des migrations à une approche économique des mobilités et sur le rôle des diasporas ; sur le marché commun du médicament dans les pays du Maghreb ; sur la coproduction Nord-Sud et le partage de la valeur ajoutée ; sur la remise en cause du voisinage limité au libre-échange, etc. Ces travaux ont été appréciés par les administrations et par les entreprises. Toutes ces idées nouvelles sont disponibles sur notre nouveau site www.ipemed.coop.

- La priorité donnée à l’économie comme levier de la transition. C’était une hypothèse en 2006 qui s’est avérée réaliste par les faits. Malgré les obstacles, le capital est à l’œuvre pour approcher les deux rives de la Méditerranée. Il faut accélérer ce mouvement déjà initié.

Promotion de l’idée de projets. Cette priorité donnée aux projets à partir des besoins des populations locales fait la richesse de la démarche « bottom-up ».

Affirmation d’une conviction, enfin, celle que le monde arabe est rentré en mouvement d’une façon irréversible, que les transitions économiques sociales et politiques seront longues et que la Méditerranée demeure centrale. Cela prendra peut-être plusieurs décennies car elles ont été trop longtemps retardées par la colonisation, par le handicap que constitue la rente pétrolière, retardées enfin par des dictatures et gouvernements autoritaires peu enclins à favoriser l’émancipation et l’éducation des populations.

Le nouveau contexte : de la Méditerranée marginale à la Méditerranée centrale avec l’émergence de l’Afrique subsaharienne

IPEMED considère que nous arrivons à la fin d’un cycle géopolitique qui a commencé en 1995 avec les accords de Barcelone. De nombreux acteurs changent de comportement et modifient leur vision géopolitique :

- L’Union européenne avec l’ouverture du débat sur la réforme de la politique de voisinage pour envisager une politique avec « les voisins des voisins ».

- Les grandes entreprises mondiales et européennes qui se positionnent en Afrique et adoptent comme découpage opérationnel l’espace EMEA (Europe - Middle-East - Africa) 

- De leur côté, les Pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM) se projettent en Afrique et ne sont plus uniquement polarisées vers l’Europe.

Au total, cette transformation des comportements des acteurs – institutionnels et privés – s’inscrit dans une tendance profonde : la régionalisation de l’économie mondiale, simultanée à la troisième révolution industrielle, avec la valorisation de la proximité géographique et culturelle est à l’œuvre. Après l’hégémonie de la mondialisation rapide tout azimut (1980-2010) qui a conduit à la crise de 2008, on assiste à la mise en évidence d’un autre processus d’internationalisation des économies: la régionalisation, qui donne la primauté à la proximité et à la complémentarité.

Entre les pays Européens – développés, vieillissants et menacés de stagnation – et les pays méditerranéens et africains – riches en énergie, jeunes et en croissance – il existe une proximité et une complémentarité qui pourraient nous assurer un siècle de croissance partagée.

La grande région – Afrique – Méditerranée – Europe – reste à construire (2016-2026 ?)

IPEMED propose d’utiliser les mêmes outils que les Américains et les Chinois ont mis en place, en les adaptant :

- Une banque de développement régionale

- La redistribution de l’appareil de production avec la coproduction

- Une fondation internationale

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