Tarik Sijilmassi: «Les problématiques sociales sont au centre de nos préoccupations»

Dimanche 03 Février 2013
Tarik Sijilmassi est président du directoire Crédit agricole du Maroc. Il nous explique les raisons qui ont incité la banque à adhérer à Ipemed.

 
Pourquoi le Crédit agricole du Maroc a-t-il rejoint Ipemed ?
L’adhésion du Crédit agricole à Ipemed va lui permettre d’englober trois logiques. La première est une logique bancaire, celle d’un établissement universel, spécialisé dans le développement rural, et concerné par les idées que défend Ipemed: une politique agricole commune, la sécurité alimentaire et la question d’un label Méditerranée. La deuxième logique, en ma qualité de président de la Fédération nationale des associations de microcrédit et comme acteur engagé sur les sujets d’inclusion financière, porte sur l’économie solidaire: la lutte contre la pauvreté et le soutien aux populations n’ayant pas accès au système bancaire mais désireuses d’entreprendre.
Notre adhésion doit favoriser la mise en avant de ces problématiques. La préoccupation sociale doit être omniprésente pour que l’ascenseur social fonctionne. Les grandes entreprises, françaises comme marocaines, ont des contacts directs et n’ont pas besoin d’une énième structure de développement des relations Nord-Sud. En revanche, les instances qui prennent en compte les sujets de justice sociale, d’équité, sont utiles. C’est à la fois de l’économie et de la mise en relation. Par exemple, la colocalisation est au cœur du débat, car avec la délocalisation on fait perdre des emplois à des ouvriers français, alors qu’avec la colocalisation on sauve des emplois au Nord tout en en créant au Sud. Cet éclairage social donne toute sa force à l’action d’Ipemed.
Enfin, je suis président du salon international de l’agriculture de Meknès qui rassemble entre 700 000 et 900 000 personnes et qui est l’occasion de débats sur les questions agricoles ou sociétales (la ruralité représentant dans les pays du Sud plus de 50% de la population). Le salon présente donc une vitrine de l’agriculture et aussi des activités non agricoles, des besoins en scolarisation, prévoyance, retraite, épargne... là est la troisième logique de notre adhésion. Car je souhaite qu’Ipemed participe au salon et que nous réfléchissions ensemble à des actions communes.

Comment la banque s’implique-t-elle dans l’économie solidaire?
La banque est l’un des principaux acteurs de l’économie solidaire au Maroc. Elle l’est soit directement, soit à travers des filiales de microcrédit, soit par le biais d’une nouvelle filiale de mezzo-crédit, Tamwil El Fellah. Cette approche part d’une réalité nouvelle. Il existe encore des personnes qui ne sont pas bancarisées. Elles ne sont pas suffisamment petites pour être éligibles à la microfinance et pas suffisamment structurées pour l’être à la finance traditionnelle. Or, ces gens sont en passe de devenir la catégorie la plus nombreuse de la population active. L’expérience en cours vise à créer une structure permettant de les financer, pour laquelle nous créons les règles de fonctionnement. Il s’agit d’intégrer le secteur informel de petite taille qui, demain, fera travailler trois à cinq personnes dans de toutes petites entreprises.
Une autre préoccupation en termes d’économie solidaire est de savoir comment rendre l’économie sociale partie intégrante de la stratégie des entreprises et des grands groupes, car elle ne doit pas être un alibi de bonne conscience mais une source d’externalisation de certaines fonctions de l’entreprise. La véritable économie solidaire, c’est créer dans son environnement direct des micro-entreprises, des TTPE. Nous devons réfléchir à ces concepts de développement durable utilisables à grande échelle, dans une relation gagnant-gagnant pour que chacun y trouve son intérêt.



Propos recueillis pas Agnès Levallois
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