Liban: L’impact des révolutions arabes

Humeur n° -
Mercredi 01 Février 2012
Solidere, le projet de reconstruction du centre-ville de Beyrouth est censé s’achever en 2020, avec un front de mer de gratte-ciels.
Lors d’un déplacement au Liban, Ipemed a rencontré le gouverneur de la Banque centrale du Moyen-Orient, Riad Salamé, et organisé, en partenariat avec l’École supérieure des affaires de Beyrouth, une conférence d’Hubert Védrine sur la situation du pays.

Le Liban, à l’image de l’ensemble des pays du Maghreb, Proche et Moyen-Orient a été affecté par les bouleversements de la région et a vu son activité économique régresser. Selon Riad Salamé, la croissance réelle va être de 2% en 2011. Il estime néanmoins que les ingrédients pour une reprise de la croissance sont là: le facteur humain et les possibilités de financement. Rappelons que la dette publique du Liban est l’une des plus élevées du monde. L’objectif pour 2012 est de parvenir à dégager un petit excédent du solde primaire (hors service de la dette) et d’opérer une réforme fiscale plus juste, avec des dépenses sociales mieux ciblées.

Les investissements directs ont baissé dans l’ensemble de la région et de 30% dans le pays. Selon le gouverneur, «un risque est perçu au niveau de la stabilité politique dans l’ensemble des pays arabes. Du coup, les investisseurs préfèrent attendre. Nous avons senti cette attente tout particulièrement dans le secteur de l’immobilier où l’activité a chuté de 28%, mais les prix restent stables. Les événements qui se déroulent en Syrie incitent à la plus grande prudence».

Le poids de la Syrie

Le tourisme par voie de route est totalement arrêté, ce qui a de fortes incidences sur le pays qui assure traditionnellement sa croissance entre mai et octobre. Le commerce a été touché et l’activité transfrontalière est quasi-inexistante. En outre, les banques libanaises en Syrie sont à la peine. Riad Salamé estime «qu’il n’y a pas de risque à proprement parler, mais la progression de leur activité est freinée. Or le secteur bancaire est un élément essentiel dans l’économie du pays». Il a rappelé que la bdl «n’abrite aucun fonds syrien en provenance de la Banque centrale syrienne ou du régime». Quant à la présence d’avoirs syriens dans les banques libanaises, Riad Salamé précise que «les sanctions de la Ligue arabe sont venues après celles imposées par les États-Unis et l’Union européenne qui ont établi des listes de personnes ou d’institutions. Les banques libanaises, soucieuses de préserver de bonnes relations avec les banques correspondantes étrangères, ne veulent pas travailler avec des institutions ou des personnalités fichées sur ces listes». Et d’ajouter: «Les rumeurs qui ont circulé selon lesquelles de nombreux fonds sont venus de Syrie vers le Liban sont infondées.»

À quand les réformes?

Le pays a un besoin pressant de réformes. Mais elles ne pourront être mises en œuvre que dans le cadre d’un consensus politique entre les décisionnaires. Or ce cadre fait défaut. Les tensions internes sont exacerbées par la situation en Syrie entre ceux au Liban qui soutiennent le régime de Bachar el Assad et ceux qui sont pour les contestataires. Ces tensions ont un impact sur les investisseurs qui font preuve de prudence. Ils attendent de voir si les problèmes dans le pays voisin ne vont pas être transposés au Pays du cèdre.  
Les profondes divisions politiques empêchent les réformes, notamment la réduction des déficits. En revanche, le secteur privé reste dynamique, ce qui a permis de retarder les conséquences de l’absence de réformes sur la vie économique.

Pour Riad Salamé, le pays a un défi majeur à relever: sortir des ingérences étrangères, car le Liban a servi de théâtre pour diverses opérations pendant des dizaines d’années avec des connexions entre des forces régionales et internationales et des forces politiques libanaises. Il faudrait une déconnexion pour recentrer le débat sur le Liban et ses intérêts.
D’un côté, le Liban entend être solidaire de la communauté internationale et des pays arabes. De l’autre, il est dans une situation particulière en raison de son voisinage. Rappelons que lors des discussions au sein de la Ligue arabe sur les sanctions économiques à prendre contre le régime de Damas, Beyrouth, au moment du vote, s’est abstenu. Les sanctions arabes visent l’activité du gouvernement syrien, notamment l’activité financière et commerciale.

Bon point pour l’éducation

Le Liban a été classé à la 71e place mondiale et au 7e rang régional par le Programme des Nations unies pour le développement humain (Pnud). En 2010, il était au 70e rang mondial et à la 7e place parmi les pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena). Selon ce même rapport et en matière d’éducation, les Libanais sont au-dessus des chiffres régionaux avec en moyenne 7,9 années de scolarisation contre 5,9 années pour les pays arabes. En ce qui concerne le niveau de vie, qui prend en compte les inégalités, le Liban obtient un score de 0,571 et perd neuf places par rapport au classement précédent.

La délicate situation d’électricité du Liban – EDL

Celui qui séjourne même peu de temps au Liban est frappé par les nombreuses coupures d’électricité. Qu’est-ce qui empêche le règlement d’un dossier aussi important pour le pays? Le Parlement, au terme d’un compromis, a approuvé récemment un plan sur quatre ans, financé à hauteur de 600 millions de dollars par le gouvernement, le reste devant être assuré grâce à des fonds arabes. Ce plan prévoit le développement des centrales électriques existantes mais également la construction de centrales fonctionnant au gaz naturel liquéfié. La production doit ainsi augmenter d’au moins 700 mégawatts. Elle atteint en été en moyenne 1700 MW. Or la demande est de 2500 MW.

Depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), l’électricité est l’une des principales causes de la contestation sociale avec des coupures quotidiennes, et le troisième plus grand poste de dépenses de l’État après le service de la dette et les salaires. Le déficit de l’EDL représente 3% du produit intérieur brut (PIB).

Des législatives en 2013

Face aux blocages politiques, la société civile tente de faire bouger certains secteurs. C’est ainsi qu’une ONG, l’Association nationale contre la corruption, a pour objectif de lutter contre la corruption et aspire à édifier un État de droit avec des institutions neutres et non plus un système de clans. Pour cela, elle organise des conférences de sensibilisation et de mobilisation à destination des jeunes dans l’ensemble des régions du pays(1). Des élections législatives doivent se dérouler en 2013 et elle entend créer un groupe de pression prêt à se mobiliser lors du débat sur la loi électorale.


(1) Perception de la corruption par Transparency International. Note de probité: 2,5 sur 10.


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