IPEMED partenaire du SIA 2014 - Produire ensemble en Méditerranée, co-développement et filières territorialisées.

Lundi 03 Mars 2014
Animée par Sébastien Abis, administrateur au Secrétariat Général du CIHEAM, la conférence inaugurale a été l’occasion de faire le point sur la situation d’insécurité alimentaire que connaissent les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM) et de débattre des actions de co-développement à envisager avec les pays européens. Le constat partagé par tous les intervenants est que la dépendance extérieure des PSEM en matière agricole et alimentaire a été renforcée par la crise de 2008. Les filières des céréales et de l’élevage, qui constituent le socle de la sécurité alimentaire en Méditerranée, ont fait l’objet d’une attention toute particulière compte tenu de leurs caractéristiques stratégiques pour la région.

La plupart des pays méditerranéens souffre d’une dépendance structurelle aux importations extérieures. Réduire les risques qui pèsent sur ces pays, tant sur les plans économique, social que politique et géopolitique, exige de placer la sécurité alimentaire comme une priorité et un objectif à moyen terme. Une telle démarche implique de garantir l’accessibilité et la régularité des approvisionnements alimentaires dans les PSEM et ne peut être conçu que dans le cadre d’une approche de co-développement euro-méditerranéen. Il s’agit d’augmenter la production agricole et agroalimentaire tout en développant un partenariat commercial durable et stratégique euro-méditerranéen ; de contribuer au développement des zones rurales en s’appuyant sur le concept de « filières territorialisées » (organisation de filières agroalimentaires structurées dans les territoires avec des co-investissements d’entreprises du Nord et du Sud de la Méditerranée) ; et de diffuser les témoignages de partenariats Nord-Sud réussis et d’exemples de co-production.  

Repenser les modèles de développement agricole pour produire plus et mieux en Méditerranée

Le poids de la France dans les exportations de céréales vers l’Afrique du Nord confirme sa disponibilité d’approvisionnement et son potentiel exportateur tourné vers la région méditerranéenne. Toutefois, il ne faut pas se limiter à de simples échanges commerciaux mais s’engager de façon plus ambitieuse dans des partenariats productifs durables qui impliquent la création de synergies entre les opérateurs agricoles du Nord et du Sud. Le rôle des pouvoirs publics dans ce renouvèlement attendu des modèles de production agricole est central. Abdelkader Taïeb Ezzraïmi, PDG du groupe SIM, a insisté sur la nécessité de relier les programmes régionaux et les programmes nationaux de développement agricole.

Dans un contexte de raréfaction des ressources naturelles et d’accélération des changements climatiques, l’intégration des critères du développement durable dans le soutien à la structuration et à l’émergence de filières agricoles n’est plus une possibilité mais une nécessité. Leith Ben Becher, Président du syndicat des agriculteurs de Tunisie, a invité les opérateurs agricoles à relever le défi consistant à concilier la performance écologique et l’efficacité économique en matière de production agricole.

Des filières territorialisés : une réponse au manque de productivité en matière de céréales mais aussi en ce qui concerne la viande et le lait

Rappelant l’évolution inquiétante de la facture des importations céréalières du Maroc, de l’Algérie et de l’Egypte, Jean-Louis Rastoin a expliqué que si la production de céréales a progressé au Maghreb dans les trente dernières années grâce à des investissements conséquents, elle n’est toujours pas en mesure de couvrir les besoins alimentaires des populations. A cela s’ajoute le constat d’une dégradation du modèle de consommation alimentaire méditerranéen (la diète méditerranéenne) et d’une nécessaire prise de conscience pour garantir l’équilibre nutritionnel des populations et conserver ce patrimoine commun au pays de la région.

La filière céréalière représente 50 % des terres arables, mais la forte irrégularité des productions et les progrès limités en termes de productivité impliquent une dépendance extérieure très marquée. Le constat qui fut partagé par les intervenants est celui d’une structuration des filières qui reste insuffisante en raison du manque d’organisation de la profession, d’interprofessions fragiles et peu opérationnelles, de plusieurs maillons faibles (agrofourniture et logistique, entre autres) et d’une absence d’outils transparents de connaissance des marchés domestiques et des filières.

La gouvernance publique et les choix politiques gagneraient à être examinés et discutés : la priorité absolue à des prix intérieurs accessibles aux consommateurs implique de lourdes ponctions sur les budgets publics (cf. la problématique des caisses de compensation). Enfin, la faible prise en compte des critères de durabilité et de l’approche « filières territorialisées » et l’absence de synergie inter-filières végétales/animales ne favorisent pas la mise en place d’un secteur agricole moderne et soutenable, en particulier dans la filière céréalière.

La filière élevage, entre avancées récentes et défis communs à relever

Les politiques laitières ont connu des évolutions divergentes dans les PSEM (l’Algérie et l’Egypte ont adopté des stratégies « pro-consommateur », tandis que la Turquie, la Tunisie et le Maroc ont choisi des stratégies « pro-producteur »). Les performances des filières par pays sont par conséquent contrastées constate Fabien Champion, chef de projet à l’Institut de l’élevage. Des avancées récentes sont toutefois à noter avec une généralisation des politiques « pro-producteur », une meilleure structuration en aval de la filière et une progression de la collecte. Les défis à relever demeurent importants, notamment pour intégrer les petits producteurs dans la filière, leur donner un accès aux capitaux et à la formation et remédier au manque de ressources fourragères.

La filière viande bovine dans les PSEM se caractérise par un déficit structurel et des marchés fluctuants en raison d’une désorganisation en aval (performance des outils, chaine du froid et spéculation, etc.), une sensibilité sanitaire qui rend les échanges erratiques et perturbe le marché et un manque de formation, de capitaux et de ressources fourragères pour les élevages engraisseurs.

Dès lors, les axes de co-développement pour améliorer ces filières dans les PSEM sont :
-     la formation et l’encadrement technique en élevage avec des modules adaptés aux problématiques des PSEM ;
-    le développement des cultures fourragères ;
-    l’investissement en élevage avec des actions ciblées sur les petits producteurs pour la mise en valeur des terres ;
-    l’organisation de filières territorialisés et le renforcement des organisations professionnelles et des interprofessions.

Concluant cette conférence qui invite à « produire ensemble en Méditerranée», Miguel Angel Moratinos, ancien ministre des Affaires étrangères espagnol et expert en matière de sécurité alimentaire, a insisté sur l’importance d’identifier les axes de complémentarité qui pourraient faire l’objet d’une politique agricole commune en Méditerranée à l’horizon 2020. Le contexte actuel, favorable, selon lui, se prête à cette initiative ambitieuse : le co-développement en matière agricole et la sécurité alimentaire régionale font de plus en plus consensus dans les pays des deux rives de la Méditerranée. Les pays européens sont par conséquent invités à repenser leur politique agricole commune et à s’ouvrir à l’idée de construire ensemble des partenariats durables avec les PSEM.

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