L’heure de la transition agricole et alimentaire a sonné, réveillons-nous !

Mercredi 13 Juillet 2016
Kelly ROBIN

Convaincu de la nécessité d’améliorer la résilience des populations rurales, des systèmes agricoles et alimentaires méditerranéens face à des crises d’ordre environnemental, mais aussi économique, social, et politique, l’IPEMED est signataire de la Déclaration portée par Fondation Assemblée des Citoyens et Citoyennes de la Méditerranée (FACM), appelant à une transition agricole et alimentaire dans la région. Cette Déclaration, d’ores-et-déjà ratifiée par l’Association des Régions de France (ARF), le Centre d’Etudes Rurales et d’Agriculture International (CERAI), la Confédération Internationale d’Agriculture et Alimentation de Turquie (Uluslararası Tarım ve Gıda Konfederasyonu), etc., sera présentée à la MEDCOP Climat, à Tanger, le 18 juillet prochain

 

L’heure de la transition agricole et alimentaire a sonné, réveillons-nous !

SITUATION ACTUELLE

La riche histoire agricole et la diversité des systèmes et des modèles alimentaires ont permis que de multiples civilisations surgissent et fleurissent autour de la Méditerranée. Les oasis, les jardins, le pastoralisme, les techniques d’accès et de gestion de l’eau, la domestication et l’exploitation d’une biodiversité originale, animale et végétale, ont permis aux peuples méditerranéens de se développer dans des milieux naturels très diversifiés et des conditions climatiques parfois peu propices au développement de l’agriculture et de l’établissement humain.

La diversité gastronomique et la cuisine méditerranéenne jouissent encore aujourd’hui d’une grande reconnaissance parmi les nutritionnistes, alors que les agronomes retrouvent dans les oasis millénaires les principes d’une agroécologie post-moderne.

Cependant, ce patrimoine, constitué par les produits et les pratiques agricoles et alimentaires méditerranéennes, est loin d’être suffisamment reconnu et mis en valeur. Les produits agricoles et alimentaires mondialisés et standardisés, issus de l’agro-industrie et des grandes chaînes de distribution, ont gagné du terrain.  Dans le système alimentaire des peuples méditerranéens la composante « mondialisée » dépasse aujourd’hui la composante « régionalisée ». Cette avancée du mondialisée est une défaite pour les économies locales et nationales : le système alimentaire actuel détruit plus d’emplois qu’il n’en crée ; Il distribue localement peu de revenus. Il affaiblit le développement au lieu de le promouvoir. Il appauvrit et endette les pays méditerranéens au lieu de les enrichir.

Dans les régions méditerranéennes, le modèle agroindustriel de production des aliments (monocultures, forte mécanisation agricole et consommation d’énergies fossiles, transport longue distance des produits…) s´est imposé et occupe une grande partie de son espace agricole et ses meilleures terres. Il n’a pas cherché à s’adapter aux conditions spécifiques des environnements naturels ni aux habitudes alimentaires des peuples méditerranéens. La prédominance de ce modèle agro-industriel dans l’espace méditerranéen se traduit par l’asphyxie des agriculteurs traditionnels. Elle a des effets négatifs sur le plan social (disparition des emplois dans les économies locales), environnemental (pollution, régression de la fertilité des sols et de la biodiversité) et culturel (perte de la diversité des aliments et des cuisines).

L´alimentation, et tout le système agricole et alimentaire, doit redevenir un moteur central du développement durable et inclusif de nos pays. Il nous faut à la fois retrouver et revaloriser les savoirs et les pratiques agricoles et alimentaires de nos pays et répondre aux grandes questions contemporaines : la création d’emplois et la lutte contre la pauvreté, la gestion durable des ressources naturelles et la lutte contre le changement climatique, la préservation du patrimoine culturel. Autant de questions que nous devons résoudre si nous voulons laisser aux générations futures un patrimoine matériel et immatériel qui leur permettra de vivre décemment.

Si nous voulons atteindre tous ces objectifs à la fois, il nous faut d’urgence engager une véritable « transition alimentaire ». Pour ce faire, il est nécessaire de mener deux batailles articulées l’une à l’autre : la bataille de la « reterritorialisation » de la consommation, qui se manifeste par la construction de circuits courts et le développement d’« économies circulaires », et la bataille contre les effets négatifs, aussi bien sociaux qu’environnementaux et culturels, de la production et de la distribution agroindustrielle des aliments. Cette deuxième bataille est synonyme de changement de modèle agricole, de « révolution agro-écologique », et, pour l’agriculture familiale et paysanne, d’un possible accès aux semences, à la terre, aux ressources naturelles, aux marchés, au crédit, aux technologies et aux services agricoles. Ce scénario ne nous ramène pas au passé, il nous projette vers l´avenir et vers des modèles agricoles et des systèmes alimentaires territorialisés, productifs et à haute valeur sociale, environnementale, culturelle et pédagogique.

PROPOSITION

La Fondation Assemblée des Citoyens et Citoyennes de la Méditerranée (FACM) invite ses membres à travailler dans ce sens et à le faire savoir dans les forums nationaux et internationaux. Elle tient à exprimer ses positions, ses propositions et ses demandes en matière de transition alimentaire, spécialement à l’occasion de la 22ème Conférence des Parties (COP22) de la Convention sur le changement climatique, qui se tiendra en novembre 2016 à Marrakech et, précédemment, à la MEDCOP de Tanger, où les régions méditerranéennes vont se rencontrer en juillet pour préparer la COP22. Dans le prolongement de l’accord de Paris signé en décembre 2015 pendant la COP21, la COP22 souhaite s’ériger comme «la Conférence des solutions ».

Nous souhaitons participer à la recherche de solutions, en collaboration avec tous ceux qui travaillent à promouvoir la transition alimentaire dans les pays méditerranéens. En effet, dans tous nos pays il existe des acteurs pionniers qui mettent en place des initiatives d’alimentation responsable et durable (IARD), et qui sont déjà engagés sur les chemins de la transition.

Nous proposons de :

  • Détecter, analyser et valoriser les initiatives IARD et, à cette fin, collaborer avec des organisations paysannes, des organisations de la société civile, des partenaires scientifiques et universitaires engagés dans un même combat pour la transition alimentaire.
  • Présenter un grand échantillon méditerranéen de plusieurs centaines d’initiatives IARD, susceptibles de montrer la créativité et la diversité des « solutions » locales, et de contribuer à identifier les « chemins de la transition » vers de nouveaux systèmes agricoles et alimentaires.
  • Construire un manifeste de la « transition agricole et alimentaire » issu de l’analyse de ces solutions locales et leur donnant une perspective macro-géographique.
  • Mettre en marche des collaborations qui permettent d’étendre la base d’initiatives et de solutions pour les prochaines réunions de la COP et d’autres forums internationaux.

PREMIERS SIGNATAIRES

  • Association des Régions de France (ARF) (France)
  • Centre d’Etudes Rurales et d’Agriculture International (CERAI) (Espagne)
  • Confédération Internationale d’Agriculture et Alimentation (Uluslararası Tarım ve Gıda Konfederasyonu) (Turquie)
  • Département de Politique Agricole et Développement Rural de l’Université Agricole de Tirana (Albanie)
  • Eating City (Italie)
  • Femmes Algériennes Revendiquant leurs Droits (FARD) (Algérie)
  • Fondation ACM (Assemblée des Citoyens et Citoyennes de la Méditerranée) (Espagne)
  • Institut de Prospective Economique du Monde Méditerranéen (IPEMED) (France)
  • Laboratoire de l’Espace Rural de l’Université de Thessalie (Grèce)
  • Mensa Cívica (Espagne)
  • Recherche et Evaluation de Solutions Innovantes et Sociales (RESOLIS) (France)
Partagez cet article
Imprimer Envoyer par mail