Vers un co-développement de filières agroalimentaires territorialisées

L’insécurité alimentaire préoccupante qui caractérise la région méditerranéenne résulte d’une crise polysémique, aggravée par le changement climatique en cours. Cette situation appelle un changement de paradigme qui pourrait se fonder sur la réhabilitation de la diète méditerranéenne et le co-développement de filières de production et de commercialisation territorialisés.

Pour cela, l’IPEMED a travaillé dès 2009-2010, en partenariat avec le CIHEAM, à la mise en évidence des bénéfices liés à la création d’une marque ombrelle collective des « Produits Alimentaires des Terroirs Méditerranéens » (PATM). Ce label permettrait en effet de réaffirmer les atouts à la fois économiques, écologiques, sociaux, territoriaux et sur la santé des produits emblématiques de la diète méditerranéenne, à savoir l’olive, le blé dur, les dattes, etc.

Dans la continuité de cette approche, l’Institut a développé une approche originale croisant deux concepts novateurs : les « filières territorialisées » et la « coproduction », à l’occasion d’une étude approfondie sur les filières céréales et oléoprotéagineux au Maghreb, en 2014. Il s’agissait de concevoir des actions génératrices de progrès avec une vision à la fois verticale et horizontale. La verticalité s’applique aux filières qui doivent être organisées et coordonnées entre les deux rives de la Méditerranée dans un double objectif de qualité des produits et de partage équitable de la valeur ajoutée créée. L’horizontalité est spatiale et doit ambitionner la production de synergies entre filières agroalimentaires d’une part (en améliorant simultanément la biodiversité et la productivité des ressources), et entre filières agroalimentaires et non-agroalimentaires (éco-tourisme, artisanat rural et services), dans un triple objectif de développement territorial social, économique et environnemental. L’espace considéré doit être à la fois national et régional (maghrébin et euro-méditerranéen), ce qui donne tout son sens à la notion de « co-développement par la co-localisation des activités ».

Dans l’ensemble des pays, l’émergence de « systèmes alimentaires territorialisés » constitue une forme émergente alternative au modèle dominant agroindustriel, inspirée par un objectif de réduction des externalités négatives et de valorisation des impacts sociaux, environnementaux et économiques positifs (Rastoin, 2015). Ils réhabilitent les « circuits-courts alimentaires » face aux circuits longs de la mondialisation, révisant ainsi les modes de production, de commercialisation et de consommation sous l’angle de la proximité et de la durabilité. Valorisant les produits du terroir et les savoir-faire régionaux, les SAT consacrent aussi une vision multifonctionnelle de l’agriculture et des espaces ruraux, en Méditerranée, mais aussi en Europe.