Jean-Louis GUIGOU à El Moudjahid (Algérie) : « La planche à billets est une solution à court terme »

Mardi 21 Avril 2020
Jean-Louis GUIGOU - Fouad IRNATENE

Jean-Louis GUIGOU à El Moudjahid (Algérie) :
« La planche à billets, une solution à court terme »


Extrait de l'entretien réalisé par Fouad IRNATENE, 

publié dans El Moudjahid de dimanche 12 avril 2020

 

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Certains pays de la région, l’Italie à titre d’exemple, en souffrent beaucoup et voient venir des lendemains incertains. Fatalement ? Répondant à notre sollicitation, le premier responsable de l’Institut de prospective économique  du pourtour méditerranéen « ne croit pas à un scénario catastrophe en Méditerranée et en Algérie, même si la situation va devenir compliquée, à court terme ». 

 

Pour l’Algérie, il estime qu’elle pourrait être « la grande bénéficiaire » de « l’industrialisation du nord de l’Afrique ». Optimiste, mais prudent, il relève l’impératif de tirer les meilleures leçons de cette pandémie. 

 

« Nous devons profiter de cette double crise sanitaire et écologique, pour écologiser notre économie », affirme-t-il. Dans son analyse, l’économiste et expert en aménagement du territoire soutient que la période post-Covid 19 apportera un changement de « la géographie de la production industrielle planétaire ». Les crises sanitaires, elles, « vont se multiplier et se mondialiser ». 

 

El Moudjahid – La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement ainsi que certains experts relèvent que l’impact économique de la crise Covid-19 risque de faire encore plus de victimes que le virus lui-même. Êtes-vous de cet avis ? Et quelles sont les mesures urgentes qui s’imposent pour que l’économie méditerranéenne retrouve son train de vie normal ?

 

Jean-Louis Guigou – À court terme, il se peut que la crise économique fasse beaucoup de dégâts – faillites, suicides, pillages, vols, famine, désespérance… autant ou plus que la crise sanitaire. Mais sur le moyen et long termes, c’est de loin la crise sanitaire qui me semble la plus importante. 

En effet, depuis très longtemps – 50 ans et plus, depuis l’après-seconde guerre mondiale – les hommes sur tous les continents ont maltraité la Nature, et la Nature se venge. À coup d’insecticides, de déforestation, d’agro-industrie intensive avec des engrais chimiques, à force de polluer l’atmosphère, de détruire les écosystèmes et les équilibres écologiques locaux, à force d’urbanisation, de bétonnage, d’industrialisation à marche forcée (le cas de la Chine) à vouloir multiplier les motifs de déplacements et de voyages incessants, de maintenir la production d’énergies fossiles polluantes, à force de prélever sans limite des ressources naturelles et fossiles… à force d’être mutilée, déséquilibrée, d’être agressée, la Nature se venge. 

Non seulement la biodiversité décline catastrophiquement, –un million d’espèces animales et végétales sont menacées – mais surtout les espèces les plus nuisibles, telles que les virus, les bactéries, les insectes en tous genres et sous tous les climats, se mettent à proliférer, à se multiplier, à muter et à agresser les Hommes. 

Cela a commencé par le Sida en 1981, suivi par le SRAS en 2003, Ebola de 2013 à 2015 et le Coronavirus en 2020… et les animaux sont aussi menacés avec la vache folle en 1995, la grippe aviaire en 2004, la grippe porcine en 2014. Les virus qui autrefois restaient contenus localement, plus ou moins maîtrisés par les écosystèmes et par les thérapies locales, se mondialisent de plus en plus, deviennent agressifs, mobiles, transmissibles des animaux à l’homme.

Les crises sanitaires vont se multiplier et se mondialiser. Il faut s’y préparer de deux façons : d’une part, en acceptant enfin une Organisation mondiale de la santé (OMS) qui ait des pouvoirs et des financements, et qui organise la riposte collective internationale à ces agressions de pandémies ; d’autre part, à moyen terme, nous devons changer de modèle de développement et de production, car «le retour à la normale» serait mortel, le retour à la croissance pour la croissance serait un non-sens. 

Nous devons profiter de cette double crise sanitaire et écologique pour « écologiser notre économie », produire moins mais produire mieux, moins agresser la Nature, retrouver l’agro-écologie, moins voyager, moins bétonner, réaliser enfin à grande échelle la transition énergétique. Dans l’immédiat, les gouvernements devront aider les entreprises dans cette mutation.



El Moudjahid – Cette crise protéiforme – sanitaire, économique, financière… – risque-t-elle de mener la Méditerranée au scénario catastrophe ?

 

Jean-Louis Guigou – Ce scénario catastrophe…

… lire la suite sur le site de El Moudjahid : http://www.elmoudjahid.com/fr/actualites/151224

 

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