Casablanca, 2 octobre 2018 : retour sur la conférence « Eaux usées : quel potentiel ? »

Lundi 15 Octobre 2018
Kelly ROBIN

La croissance démographique et urbaine des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée ainsi que le développement de la production agricole et industrielle accentuent les pressions sur les ressources en eau. Face à l’augmentation constante de la demande en eau, les eaux usées, longtemps considérées comme un fardeau à éliminer, deviennent une partie de la solution aux défis auxquels les sociétés méditerranéennes, mais aussi africaines, doivent faire face aujourd’hui.

Dans la continuité du Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau de 2017 et des travaux menés par l’IPEMED, la table-ronde organisée sur l’Espace Afrique de Pollutec Maroc a cherché à démontrer que le traitement amélioré des eaux résiduaires, l’augmentation de la réutilisation de l’eau et la récupération de produits dérivés utiles favorisent, à terme, la transition vers une économie circulaire.

Le Maroc, confronté à une situation de stress hydrique, mène une politique volontariste à ce sujet ; la loi n°36-15 relative à l’eau, promulguée le 10 août 2010, consacrant un chapitre entier à l’utilisation des eaux non-conventionnelles. Pour illustrer ce potentiel, Nour el Houda EL HAMOUMI, Conseillère Technique Senior, Programme d’Appui à la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (AGIRE, GIZ) a présenté les projets d’assainissement écologique menés par la coopération allemande, notamment à Dayet Ifrah et Ait Idir (cf. présentation ci-dessous). L’originalité de ces projets, menés en milieu rural, a été de pouvoir documenter les différentes étapes, de proposer un catalogue de solutions techniques écologiques, peu coûteuses et adaptées au contexte local, et d’en proposer une gestion participative.

Ces solutions décentralisées ne permettront pas, seules, de répondre à l’ensemble des défis : au Maroc, le volume réutilisable des eaux usées épurées à l’horizon 2030 est estimé à 325 M3 par an. Aujourd’hui, le volume réutilisé ne correspond qu’à 25% du potentiel réutilisable. Il faut donc tenir compte des spécificités et des besoins du territoire concerné pour proposer des infrastructures adaptées et un « mix » de solutions simples. La STEP de Mediouna présentée par Mohamed HAJRAOUI, Chef de service épuration, Lydec est, par exemple, dimensionnée pour 40 000 équivalent habitants, avec une extension future à 80 000 équivalent habitants et dispose actuellement d’une capacité de traitement de 3 800 m3/j.

Michel NALBANDIAN, Directeur Général de la Société des Eaux de Marseille Maroc, a dévoilé quelques résultats de l’évaluation menée sur les performances des stations d’épuration dans le pays. Il a notamment insisté sur la nécessité de lever un certain nombre de contraintes (techniques, règlementaires, financières, organisationnelles, professionnelles, etc.) et d’adapter la qualité des eaux usées traitées à l’usage anticipé, à l’instar des expériences menées par le secteur privé.

Approfondissant ce constat, François CHAINE, Chargé du Développement de CHEMDOC, a rappelé la nécessité de changer les mentalités au sujet de la REUSE et de lutter contre certaines idées reçues : la REUSE est, par exemple, moins chère que le dessalement d’eau de mer (0,5/0,6€/m3 contre 1€/m3 en moyenne). En matière de financement, Michel NALBANDIAN a, par ailleurs, rappelé la nouvelle ligne de crédit, assortie d’un programme d’assistance technique, mise en place par la BMCE pour l’accompagnement du financement du « traitement des eaux usées industrielles » au Maroc, en partenariat avec des bailleurs de fonds internationaux. Mohamed HAJRAOUI a quant à lui souligné l’éligibilité des projets de REUSE à des financements climat.

En conclusion, Kelly ROBIN, Responsable des projets de l’IPEMED et Olivier CHAZAL du Club ADEME International ont souligné les freins culturels et sociaux qui peuvent exister en matière de REUSE. Comme l’ensemble des intervenants, ils ont plaidé pour davantage d’accompagnement et pour un effort accru en matière de démonstration et de formation. Enfin, ils ont appelé à davantage de coopération entre acteurs français, européens, méditerranéens et africains ; la France n’ayant pas de « leçons à donner » puisqu’elle ne réutilise directement que 0,2% de ses eaux usées traitées.

atelier eaux usées pollutec maroc

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