DEJEUNER-DEBAT : "Quelles innovations pour répondre aux enjeux de l’eau en Méditerranée?". Barcelone, 9 février 2012.

Lundi 11 Février 2013
Compte rendu par Morgan Mozas.

Dans le cadre de la préparation du 6ème Forum Mondial de l’Eau, l'Institut Méditerranéen de l’Eau (IME) et l’Institut de Prospective Economique du Monde Méditerranéen (IPEMED), en partenariat avec Suez Environnement, ont souhaité organisé à Barcelone un déjeuner-débat  sur le thème « Quelles innovations pour répondre aux enjeux de l’eau en Méditerranée ? ».

A quelques semaines du prochain Forum mondial de l’eau, qui se déroulera du 12 au 17 mars 2012 à Marseille, cette rencontre avait pour objectif de proposer une mise en perspective des enjeux et des solutions innovantes de gestion de l’eau dans le bassin méditerranéen, aussi bien dans les domaines techniques, financiers, et de gouvernance. Autour d’une quarantaine de professionnels et experts de l’eau, plusieurs représentants d’institutions régionales ont formulé des propositions et recommandations pour faire avancer la question de l’eau dans le bassin méditerranéen.

Dans son discours d’ouverture, le Président exécutif d’Agbar, Angel Simon, a souligné que beaucoup de recherches et d’innovations avaient été réalisées dans le domaine de l’eau dans la région méditerranéenne. L’expertise et l’expérience développée par les pays et les opérateurs en matière de gestion et de distribution d’eau potable et de collecte d’eaux usées doit être mieux valorisée au niveau mondial, notamment en matière de réutilisation des eaux usées. La gestion de l’eau à Oran est un exemple de succès. Il a par ailleurs souligné, qu’en matière de gestion de services d’eau, les villes de Barcelone et de Marseille entretenaient de très bonnes relations qu’elles souhaitaient développer.

En raison des mouvements sociaux suivis par plusieurs compagnies aériennes, le Directeur exécutif de l’IME, et coordinateur du Processus intercontinental méditerranéen pour le 6ème Forum Mondial de l’Eau, Hachmi Kennou, n’a été en mesure de participer au déjeuner-débat pour rappeler les 4 priorités d’action retenues par le comité du processus méditerranéen (consulter le compte rendu du 1er Forum de Marrakech pour les dernières informations).

Le Délégué général d’IPEMED, Jean-Louis Guigou, a interpellé l’audience en indiquant qu’il y avait urgence à agir. Il a rappelé que 20 millions de personnes de la région n’avaient pas à un accès à une eau potable et que 47 millions de personnes étaient privées d’accès à un système d’assainissement adéquat.  Compte tenu de la croissance attendue de la population urbaine, qui devrait représenter près de 70% de la population totale des pays du pourtour de la Méditerranée d’ici 2030,  des actions de coopération régionale s’imposent dès à présent pour anticiper l’augmentation de la demande d’eau et le rejet d’eaux usées urbaines ou industrielles dans le bassin méditerranéen.

Il a ensuite présenté le projet d’IPEMED qui vise à valoriser les institutions et centres de la région spécialisés dans le domaine de l’eau qui gagneraient à mutualiser leurs expertise pour certains projets régionaux. En associant les réseaux du bassin méditerranéen agissant dans différents domaines relatifs à la gestion de l’eau (information, formation, prospective, recherche, etc.), une véritable force d’expertise interdisciplinaire pourrait être mise en œuvre pour guider et orienter les décideurs de l’eau (états, Upm, collectivités locales…). Ce projet sera présenté en side-event lors du Forum Mondial de l’Eau à Marseille le 15 mars 2012 à 13h15 au Parc Chanot.

Le Président du SEMIDE et Président d’honneur du REMOB, Walter Mazzitti, a insisté sur le fait que l’eau n’était toujours pas sur l’agenda des politiques de la région. L’eau est encore trop considérée comme quelque chose qui doit être traitée par les techniciens. Néanmoins, il constate que les acteurs de l’eau de la région prennent conscience de l’importance de développer des actions communes et qu’il devient indispensable de mener des actions concrètes dès aujourd’hui.

S’agissant de la gestion de l’eau par bassin hydrographique, principe inscrit dans la Directive européenne cadre sur l’eau et dans la stratégie méditerranéenne de l’eau, M. Mazzitti a fait remarquer que les acteurs de la région semblaient avoir enfin compris que cela ne devait pas se limiter au rôle et actions des agences de bassin. En effet, en intégrant parmi les cibles du prochain forum la question du nexus eau-énergie, de la navigation, etc ; l’idée d’assurer un partage équilibré des usages de l’eau à l’échelle des bassins hydrographiques est acquise. Il a par ailleurs insisté sur le travail de sensibilisation auprès des usagers des services de l’eau pour faire reconnaître l’importance de la tarification, et des multiples mécanismes de financements à développer (avec notamment des péréquations à rechercher entre l’eau et l’énergie) pour assurer le recouvrement des coûts liés aux investissements réalisés dans les services d’eau.

Fernando de la Fuente, Directeur du « Project Fund coordination and Business development » du Secrétariat de l’Union pour la Méditerranée, et détaché de la Banque Européenne d’Investissement, s’est attaché à présenter les mécanismes de financement développés par la BEI pour réduire les risques de financement. L’idée étant de faciliter le recours à des lignes de crédits pour couvrir, le cas échéant, le déficit de revenus liés à l’activité. Ainsi la BEI a défini des mécanismes de risque partagé et a pu prêter 7 milliards d’euros. Ce mécanisme pourrait être développé à l’échelle euro-méditerranéenne.

Le Conseiller Principal de la division Environnement & Eau du Secrétariat de l’Union pour la Méditerranée, François Guerber, a ensuite pris la parole pour rappeler le rôle du Secrétariat dans la mise en œuvre de projets décisifs d’envergure euro-méditerranéenne, notamment dans le domaine de l’eau. La division réalise un véritable travail de recherche et d’identification de projets d’eau qui ont une ampleur régionale et qui contribuent à l’amélioration de l’accès à l’eau et à la paix. Des projets répondant aux critères définis par le Secrétariat, peuvent spontanément être envoyés par les gouvernements de la région, mais également par les acteurs de la société civile ou par des opérateurs publics ou privés. Jusqu’à présent les projets remis à la division environnement & eau s’avèrent trop locaux et ne présentent pas suffisamment de dimension régionale. Pour être labellisé, le projet doit ensuite être unanimement accepté par les 43 pays de l’UpM. Le 1er projet labellisé (juin 2011) a été la création d’une station de dessalement d’eau de mer d’une capacité de 100 millions de m3 dans la bande de Gaza. Vient ensuite la phase suivante de recherche de financement qui se révèle capitale pour concrétiser le projet labellisé. L’objectif pour l’année 2012 est de parvenir à la labellisation de 4-5 projets. Plusieurs autres projets en lien avec les systèmes d’information et la réutilisation des eaux usées ont déjà été identifiés. En conclusion, M. Guerber, a souligné que la création du Secrétariat de l’UpM répond à un véritable besoin d’assurer la maîtrise d’ouvrage de projets régionaux.

Le dernier orateur, Rafael Mujeriego, Président de la Spanish Association of Sustainable Reuse of Water, a évoqué les grands progrès réalisés dans le domaine de la réutilisation des eaux usées pour des besoins agricoles, urbains, industriels. Il a également évoqué le choix, moins partagé par les opérateurs et les experts, de réutilisation indirecte sous forme d’eau potable. Il souligne par ailleurs qu’il ne faut plus entretenir cette perception négative à l’égard de l’eau usée recyclée. M. Mujeriego préfère notamment parler de « regénération » de l’eau. Enfin, il suggère que dans certains cas il serait plus intéressant d’investir dans le traitement des eaux usées que dans la mise en place de conduites d’eau.




Morgan Mozas


Photos
Partagez cet article
Imprimer Envoyer par mail