La raréfaction des ressources en eau en Méditerranée

Mercredi 02 Décembre 2015
Jean-Louis Guigou

La COP 21 a été l’occasion d’un débat organisé par SUEZ, le 1er décembre, au Bourget. IPEMED était présent avec Jean-Louis Guigou et Kelly Robin, Chef de projet. 

Voici, en résumé, les idées principales : 

1. La situation, en matière d’eau, est dramatique dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM) et cette situation va s’aggraver. 

En effet, avec une population globale de 280 millions d’habitants, soit environ 4% de la population mondiale, les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM) totalisent à peine 1%, en moyenne, des ressources mondiales d’eau naturelle renouvelable. Il s’ensuit un stress hydrique structurel ; la région méditerranéenne hébergeant 60% de la population mondiale faiblement pourvue en eau. 

Pourtant, malgré cette situation défavorable, les PSEM ont atteint en 2015 de bons résultats en ce qui concerne les Objectifs Millénaires pour le Développement (OMD), en termes d’accès de leur population à une source d’eau améliorée et à l’assainissement. Mais ces succès vont être rattrapés par les pressions anthropiques et les effets du changement climatique.

D’une part, la situation va s’aggraver car la population des PSEM va augmenter de 280 à 360 millions en 2030 et l’urbanisation croissante va exiger un surcroît d’eau.
D’autre part, l’aggravation viendra, aussi et surtout, du changement climatique. Les experts du GIEC considèrent, en effet, que la région méditerranéenne sera la plus vulnérable avec des hausses de température de 2 à 4°C, une baisse de la pluviométrie qui pourrait atteindre 30% et avec une diminution de plus de la moitié des ressources en eau pour les bassins du Maroc, de l’Algérie, du Proche-Orient et du Sud de l’Espagne. 

2. (Fort heureusement !) les pays du Sud de la Méditerranée en ont conscience.

La raréfaction de l’eau est un constat consensuel, commun, que l’on retrouve dans toutes les contributions climat des PSEM. Seule la Turquie ne mentionne pas l’eau dans sa contribution. Mais tous les autres signalent les conséquences de cette raréfaction de l’eau et du réchauffement climatique d’une part, et préparent des mesures radicales (dessalement, réutilisation des eaux usées traitées, assainissement, amélioration de l’efficacité des réseaux, recharge artificielle des nappes, reconversion de l’irrigation de surface) notamment le Maroc et la Jordanie d’autre part. En d’autres termes, presque tous les PSEM considèrent que l’eau est un facteur critique de leur développement.

3. Quelles leçons utiles peut-on tirer des expériences et des politiques antérieures ? 

1er leçon : Même si de local, l’eau est devenue un enjeu global, à IPEMED nous avons la conviction que nous pouvons traiter ces enjeux à l’échelle régionale, puisque la Méditerranée, « bassin des bassins » cristallise un certain nombre de défis communs. 

2ème leçon : Les solutions techniques existent mais elles sont difficiles à mettre en œuvre sur le plan politique. 

Israël est en avance sur le plan technique en ce qui concerne la gestion de l’eau (sa contribution mentionne un taux de réutilisation de l’eau atteignant 85%) et à ses côtés, la Jordanie est un des pays le plus affecté par le stress hydrique. Ainsi, en matière de gestion des ressources en eau, la difficulté principale n’est pas technique, mais politique.

3ème leçon : La dégradation du climat est un facteur discriminant et les pays les plus pauvres seront doublement pénalisés face aux changements climatiques. D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la diarrhée tue encore, en 2012, plus de 81 000 personnes dans les pays à bas ou moyen revenu de la région de la Méditerranée orientale en raison du manque d’eau, d’assainissement et d’hygiène – un chiffre appelé à s’accroître étant donné les défis.

4ème leçon : La question de l’eau implique une gestion intégrée et transversale de tous les usages (agricole, industriel, urbain) et une priorité à réguler la demande (efficacité des réseaux, tarifs, etc.) plutôt que de se lancer dans une cause onéreuse d’accroissement de l’offre. 

5ème leçon : Trois acteurs sont efficaces pour assurer les transferts de savoir-faire : les ONG, les collectivités locales et les entreprises. La démarche de SUEZ est exemplaire dans le domaine de coopération Nord/Sud. 

6ème leçon : La gestion de l’eau par bassin hydrologique constitue toujours une bonne méthode car elle permet d’associer les usagers, les institutionnels et les opérateurs. Les bassins constituent les espaces pertinents pour une gestion intégrée de l’eau, même si observe ici et là, du commerce de l’eau à grande distance. 

7ème leçon : L’offre européenne de coopération sur l’eau dans les PSEM doit être mieux coordonnée et contractualisée. De très nombreuses initiatives sont prises dans le bon sens par un certain nombre d’acteurs en Méditerranée (mise en place d’une plateforme de connaissances sur l’eau par l’OIEau, l’IME, le SEMIDE, le COFWS, le Plan Bleu, le REMOB, l’IEA ; financement du R-Know, entre 2011 et 2015, etc.). Elles devraient être cependant mieux coordonnées pour être plus efficaces et accélérer les transferts de technologie et de savoir-faire entre le Nord, le Sud et l’Est de la Méditerranée. 

8ème leçon : Les besoins de financement, notamment pour de nouvelles infrastructures, sont tels (environ 10 milliards/an pendant 20 ans ; Lydec ayant fait état, par exemple, d’un besoin en investissements de 25 milliards de dirhams) qu’il faudra faire appel aux financements innovants. C’est la thèse d’IPEMED qui préconise une Agence Méditerranéenne de l’eau financée par des mécanismes de financement innovants portant sur la navigation maritime, soit marchande (navires traversant la Méditerranée à travers Suez, Gibraltar ou le Bosphore), soit à usage touristique (croisières et navigation de plaisance).

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