Economie sociale et solidaire en Méditerranée ou le nécessaire passage des idées à l’action

Vendredi 06 Novembre 2015
Amal CHEVREAU, Directrice des études et des projets

Le nouveau contexte mondial et régional caractérisé par des crises au Nord et des transitions politiques et économiques au Sud rappelle que l’urgence est à la création d’emplois notamment pour les jeunes et les femmes. Ce constat s’affirme, avec une double nécessité : (i) rendre plus inclusive la croissance afin qu’elle profite au plus grand nombre (ii) faire que la création de la valeur ajoutée économique ait lieu dans le respect des principes de durabilité, de soutenabilité et de solidarité. L’économie sociale et solidaire apporte des réponses multiples à cette double nécessité, à condition que soit mis en place l’écosystème institutionnel, légal et financier permettant son émergence et son essor. Selon le réseau ESMED, dans la région méditerranéenne l’économie sociale et solidaire, compte 500 000 entreprises et emploient environ 7.000 000 de personnes. C’est dire l’importance grandissante mais néanmoins, différenciée de ce secteur selon les pays de la région.

Naissance de la Méditerranée de l’ESS
En mai 2013, pour la première fois, s’est tenu à Tunis (Tunisie) la Conférence euro-méditerranéenne de l’économie sociale et solidaire (MedESS), qui a regroupé les principaux représentants du secteur dans la région et a posé les bases d’un écosystème euro-méditerranéen favorable aux entreprises sociales et solidaires. A la suite de ce premier événement, l’Association de préfiguration MedESS, (APMedESS) ouverte à l’ensemble des acteurs publics et privés de l’économie sociale et solidaire de la région euro-méditerranéenne, a été créée pour fédérer les actions et les efforts en faveur de l’émergence d’un secteur ESS transméditerranéen.

Des cadres juridiques clairs pour favoriser l’essor de l’ESS en Méditerranée
L’ESS permet la participation et l’expression de la société civile à l’élaboration d’un modèle de développement durable et solidaire. Ce secteur préconise une autre façon de faire de l’économie en remettant au centre des préoccupations les personnes et la satisfaction de leurs besoins socio-économiques. Plutôt qu’une alternative, l’ESS se positionne comme une troisième composante de l’économie de marché et du secteur public. Se pose alors la question de comment faire émerger le secteur de l’ESS en Méditerranée? IPEMED qui avait réalisé un rapport sur l’état du secteur en Algérie, au Maroc et en Tunisie, avait préconisé d’abord de travailler sur l’harmonisation des cadres légaux. Plusieurs pays de la région euro-méditerranéenne adoptent des lois globales de l’ESS pour accroître et favoriser la visibilité du secteur et doter les structures sociales et coopératives de moyens adéquats pour agir. Au Sud de la Méditerranée, seul le Maroc a pour projet d’adopter une loi pour donner un nouvel élan à ce secteur qui mérite d’être davantage structuré et accompagné pour permettre le passage d’une ESS par les statuts à l’ESS par la finalité.

Pays européens et euro-méditerranéens ayant adopté une loi-cadre de l’ESS

Pays Loi cadre ESS Date
 Belgique Wallonie x  20/11/2008
 Belgique Bruxelles x  26/04/2012
 Belgique Frandres x  2013
 Espagne x  30/03/2011
 France x  31/07/2014
 Grèce x  30/09/2013
 Portugal x  08/05/2013
 Roumanie    30/06/2015
 Luxembourg    En cours d’adoption
 Maroc    Loi en cours de
 préparation
 Source : l’auteure



Mais si l’adoption de cadres juridiques spécifiques à chaque pays est nécessaire, il n’en demeure pas moins qu’il faut l’envisager dans le cadre du partenariat euromed afin de partager un référentiel commun, notamment autour du statut de l’entreprise sociale et solidaire. Il s’agit de permettre la création d’entreprises sociales et solidaires transméditerranéennes dans le cadre de l’approche de co-développement et de co-investissements.

Des ressources financières dédiées pour assurer l’autonomie des structures de l’ESS
La pérennité du secteur repose sur des sources de financements stables et récurrentes. Dans ce cadre, il est nécessaire de répondre aux besoins en financements des acteurs et opérateurs du secteur en Méditerranée, en envisageant par exemple la mutation du microcrédit à la micro-finance solidaire, en favorisant la création d’institutions de micro-assurance et de banques coopératives ou éthiques tel que le préconise FEMISE dans son rapport de 2014. En un mot, il s’agit de promouvoir l’hybridation de ressources en provenance des secteurs marchands et non marchands pour apporter des solutions durables aux questions de financements de l’ESS.

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