Le rôle de l’économie sociale et solidaire dans les pays du Maghreb

Mardi 08 Octobre 2013
Amal Chevreau
Cours d’alphabétisation dans le cadre d’un projet participatif de développement durable dans la région de Nador (Maroc).

L’économie sociale et solidaire joue un rôle important dans la plupart des pays du monde depuis l’apparition de la crise économique et financière. Qu’en est-il dans les pays du Maghreb ?  État des lieux.

La crise économique et l’augmentation des déficits publics ont conduit à un profond réexamen du rôle de l’État dans la plupart des pays du monde. L’État est incapable de faire face seul à la persistance du chômage, aux nouvelles formes de pauvreté, à la dégradation de l’environnement, etc. Cette situation a favorisé l’émergence d’un autre secteur, qui apporte une contribution notoire à la résolution des problèmes humains en plaçant l’homme au centre du développement économique et social. Ce secteur prend diverses appellations selon les contextes: non-profit organisations aux États-Unis, volontary sector en Angleterre, troisième système dans l’Union européenne. Il désigne un ensemble d’activités économiques et sociales exercées par des organisations relevant de la société civile, parfois de type coopératif ou associatif.

Ce type d’organisation, apparu dans des pays développés ou en développement, participe de façon non négligeable aux économies nationales. À titre d’exemple, on estime que l’économie sociale en France contribue à hauteur de 10% au produit intérieur brut (PIB) et emploie quelque 7 à 8% de la population active (plus de deux millions de salariés).  En Belgique, il participerait à environ 10% du PIB et à 10% de l’emploi (dont 80% pour le secteur associatif, 15% pour le secteur coopératif et 5% pour les mutualités). Aux Pays-Bas, il serait à l’origine de quelque 10,2% du PIB et à environ 13% de l’emploi non agricole rémunéré.

MAROC : ÉMERGENCE DANS LES ANNÉES 80
Au Maroc, la solidarité, l’entraide et le travail collectif, qui constituent les principes de base de l’économie sociale, font partie des traditions et des pratiques de la société depuis fort longtemps, mais l’émergence du secteur sous une forme structurée et organisée, notamment pour sa composante associative, date des années 1980 et du début des années 1990. En effet, l’application du Programme d’ajustement structurel (pas) pendant cette période s’est traduite par un désengagement progressif de l’État de plusieurs secteurs économiques et sociaux, avec des conséquences néfastes sur l’emploi, sur l’offre de services publics et sur le pouvoir d’achat de la population. Depuis le lancement de l’Initiative nationale de développement humain (INDH) par le roi Mohammed vi (18 mai 2005), les entreprises de l’économie sociale interviennent pour identifier les besoins des populations, porter des activités génératrices de revenus, participer au financement, organiser les bénéficiaires des projets, participer aux organes de gouvernance de l’INDH, etc.

ALGÉRIE : MANQUE DE VISIBILITÉ
En Algérie, il faut relever la difficulté à définir le périmètre et les frontières du champ de l’économie sociale et solidaire (ESS) et à évaluer ce qu’elle représente en termes de volume économique et d’emplois. L’ESS recouvre un vaste champ d’initiatives et d’activités d’importances inégales, mais dont la visibilité sociale n’est pas à la hauteur de ce qu’elle représente réellement. Ce manque de visibilité est à chercher, entre autres, dans les interactions avec les politiques publiques, en raison de l’omniprésence de l’intervention de l’État. L’ancrage de la gratuité du service public ne favorise ni le développement de l’esprit entrepreneurial ni la prise d’initiative, si bien que l’émergence des pratiques de l’ESS se trouve contrariée par un environnement réfractaire au changement. Ainsi, en dehors des formes traditionnelles et religieuses, l’ESS tend à se confondre ou à se substituer avec les mesures publiques d’insertion professionnelle.

TUNISIE : UN SECTEUR EN MUTATION
Le contexte socio-économique de la Tunisie a favorisé l’insertion des organisations de ce secteur dans une logique d’entrepreneuriat social et collectif. Néanmoins, la particularité de la Tunisie est que ces organisations ont existé dès avant l’indépendance. Sur le plan politique, elles ont été tantôt reconnues comme acteurs de développement économique et social, juste après l’indépendance, tantôt écartées, contrôlées et considérées comme un instrument d’amélioration d’image à l’international, essentiellement sous l’ancien régime. Le dispositif de l’économie sociale et solidaire en Tunisie est diversifié et en mutation constante suivant les priorités sociales et économiques du pays.


Amal Chevreau
Responsable pôle études et projets, Ipemed

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