2nd RDV euro-méditerranéen sur l’énergie : vers un hub énergétique en Méditerranée ?

Mardi 06 Janvier 2015
Compte rendu Par Kelly ROBIN, Chef de projet Infrastructures et Ressources naturelles, IPEMED
Ce second rendez-vous euro-méditerranéen sur l’énergie organisé par MEDGRID et placé sous le haut patronage de Martin SCHULZ, Président du Parlement européen a eu lieu dans un contexte favorable à la consolidation d’une stratégie euro-méditerranéenne pour l’énergie. Au cours de la  session introductive, Dominique RISTORI, Directeur général de l’Energie à la Commission européenne a ainsi rappelé les axes prioritaires de la Déclaration finale du 19 novembre 2014  visant à créer un « hub gazier et énergétique au Sud », à savoir la mise en place de trois plateformes euro-méditerranéennes : sur le gaz, l’électricité ainsi que sur  les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique . Pour Gilles PARGNEAUX, Parlementaire européen, les trois défis qui s’imposent à l’Europe (l’indépendance énergétique, le changement climatique et le développement économique de la rive Sud de la Méditerranée, basé sur le partage de la production et de la croissance) impliquent qu’une « Communauté euro-méditerranéenne de l’énergie a tout son sens ». Pour Kamel BEN NACEUR, Ministre tunisien pour l’Industrie, de l’Energie et des Mines un partenariat gagnant-gagnant Nord-Sud est possible dans la mesure où la Tunisie doit faire face à un déficit énergétique croissant, alourdi par le poids des subventions énergétiques et appelé à s’accroître en raison de la hausse de la demande. Sur ce dernier point, le directeur de la CREG, Mohand Said TAIBI, évalue, pour l’Algérie, à 4% l’augmentation de la demande en gaz et à 7% celle pour l’électricité entre 2003 et 2013.

Ce constat d’une « interdépendance énergétique », pour citer Teresa RIBEIRO,  Secrétaire générale adjointe pour l'énergie du Secrétariat de l'Union pour la Méditerranée (UpM), amène à considérer le domaine énergétique comme le levier de la coopération euro-méditerranéenne – ce qui devrait influencer la révision de la politique de voisinage en 2015 et se traduire notamment par un rééquilibrage du leadership en faveur d’une  «dynamique de co-développement», comme l’a souligné Mariya GABRIEL. Lhou LMARBOUH, Vice-Président de l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM) s’est projeté plus loin en soutenant l’idée que la «Méditerranée est condamnée à un destin commun» et qu’il faut dorénavant penser une «Europe-Afrique dont la Méditerranée est le centre».

Mais si les enjeux et principes sous entendant la mise en place de cette Communauté Méditerranée de l’Energie semblent faire consensus, l’ensemble des participants s’est accordé sur la nécessité de mettre en place des projets concrets de façon coordonnée et intégrée, sur la base d’un renforcement et d’une harmonisation des cadres règlementaires, en association avec l’ensemble de la société civile (entreprises et collectivités locales inclues). Pour Abdelkader AMARA, Ministre marocain de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, ces aspects ne doivent pas mettre de côté « l’intégration industrielle » nécessaire en particulier sur les questions de R&D pour l’émergence d’un marché énergétique méditerranée.   Arthur TRINDADE, Secrétaire d’Etat à l’énergie au sein du gouvernement portugais a néanmoins insisté sur la nécessité de consolider d’abord le marché européen, notamment à l’est, avant de l’ouvrir aux pays du Sud de la Méditerranée. De la même façon, les échanges de l’électricité renouvelable doivent d’abord être pensés du Nord vers le Sud puis du Sud vers le Nord.
Dans cette optique, André MERLIN, Président de MEDGRID a présenté lors de la deuxième session les synthèses des études réalisées par le réseau pour « identifier dès 2020 des projets d’interconnexions nouvelles [qui soient] techniquement faisables, [...] économiquement viables et [qui] pourraient être financés et exploités  ». L’intérêt de ces interconnexions électriques vise à mieux garantir la sécurité d’approvisionnement (cas de la panne de courant géante en Tunisie, le 31 août 2014), à promouvoir des moyens de production d’énergie plus efficaces en matière économique  et environnementale et à introduire plus de « flexibilité » pour l’intégration des énergies renouvelables (solaire, éolien) dans la mesure où elles sont intermittentes. En conclusion, cinq projets de nouvelles interconnexions sont faisables techniquement, rentables économiquement (rentabilités supérieures en 2020 à 9%, voire 20% pour trois d’entre elles) et réalisables à court terme :

-    Trois projets sur le couloir Ouest : Espagne – Maroc (renforcement), Portugal – Maroc et Espagne – Algérie ;
-    Deux projets sur le Couloir Centre : Tunisie – Italie, Algérie – Italie.

Or, la concrétisation des projets dans le secteur énergétique, de manière générale, se heurte à des risques élevés, identifiés par Guido PRUD’HOMME, représentant BEI : l’instabilité politique et règlementaire, les subventions énergétiques et la profitabilité à long terme des projets. Sur la question du financement,  le problème de la confiance des investisseurs est un élément-clé pour comprendre la difficulté à trouver des partenaires à l’échelle régionale.

L’adhésion au Traité sur la Charte de l’énergie, dont l’objectif est de « favoriser une coopération durable dans le secteur de l'énergie, d'éliminer les obstacles au commerce et de mettre en place des conditions-cadre non discriminatoires » peut constituer une réponse aux barrières règlementaires, techniques et surtout financières mentionnées par les différents participants de cette conférence. C’est d’ailleurs ce qu’a plaidé Dr. Urban Rusnák, Secrétaire Général au sein du Secrétariat de la Charte de l’énergie, auprès des Ministres marocain et tunisien en marge de la conférence . En effet, le Traité sur la Charte de l’énergie est  le « premier accord multilatéral - et, pour l'heure, le seul - à inclure des dispositions sur la protection des investissements dans le secteur de l'énergie ». Notons que le Maroc (qui a signé la Charte en septembre 2012 et qui accueille le prochain Forum sur la Charte de l’énergie, le 25 février 2015, à Rabat), la Jordanie et la Mauritanie ont le statut de membres observateurs à la Conférence de la Charte de l’énergie ; l’Algérie, la Tunisie et l’Egypte ne l’étant que sur invitation .



Plus d’informations :

Plus d’informations sur le programme de cette manifestation ainsi que sur le contenu des interventions sur :
http://conferencemedgrid2015.evenium.com/site/medgrid-conference-de-bruxelles-2;jsessionid=mRVNdfRU8321tCdfRMT1quAp.gl3

Retrouvez l’intégralité des publications d’IPEMED sur l’énergie dans la rubrique NOS PROJETS > ENERGIE du site.

Vous pouvez consulter notre rapport : "Vers une Communauté euro-méditerranéenne de l’énergie" (parution en mai mai 2013).

Consultez aussi la synthèse des «Entretiens de la Communauté Méditerranéenne de l’Energie» (parution en décembre 2013).

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