Energie solaire : l'échec de l'Union Européenne à Ouarzazate

Mardi 01 Janvier 2013
Louis Boisgibault, lors d'un petit déjeuner IPEMED consacré au développement durable

Louis Boisgibault, expert associé IPEMED, a participé à la 6ème édition de l'African Power Forum, le 27-28 septembre 2012, à Marrakech. Il commente ici une nouvelle lourde de sens : l'échec des sociétés européenne dans le projet solaire de Ouarzazate.

Annoncée le 26 septembre dernier par la presse marocaine, l''annonce de la victoire de l'entreprise saoudienne ACWA Power International pour le projet de centrale solaire à concentration de Ouarzazate suscite beaucoup de commentaires. Le sujet a longtemps été débattu, le thème du forum portant en effet sur la nécessaire transition vers les énergies renouvelables. 

La fin du suspens arrive après un long processus qui avait permis à 180 consortiums internationaux de participer : une première sélection de 19 groupements, 4 finalistes devenus 3 après la faillite de l'allemand Solar Millenium. L'enjeu est majeur puisqu'il s'agit de construire l'une des plus grandes centrales thermo-solaires du monde, avec des capteurs cylindro paraboliques pour produire de l'électricité (160 MW pour la première phase, avec un objectif de 500 MW sur le site de 3 040 hectares). ACWA Power International est le chef de file d'un consortium qui comprend les espagnols Aries Ingenieria y Systema et TSK Electronica y Electricitad (*). Il  a gagné en proposant un prix heure de pointe évalué de 1,6187 dirhams par kWh, soit 21% inférieur à l'offre suivante. 

En discutant  avec un responsable de MASEN, l'Agence Marocaine pour l'Energie Solaire, on comprend tout l'enjeu de ce choix pour le Royaume. Les évènements vont maintenant s'enchaîner rapidement, après un an d'attente. Les travaux vont débuter fin 2012 et la construction va durer 2 ans. "C'est un grand pas que nous franchissons aujourd'hui. Ces résultats sont de très bon augure pour l'allègement de la pression que subit notre pays, liée à la volatilité des prix de l'énergie fossile, sans parler de la contribution positive à la concrétisation de notre politique de développement durable" avait déclaré Ali Fassi Fihri, Président du conseil de surveillance de la MASEN. C'est dans ce contexte que nous avons remis à MASEN le trophée "African Power Forum Award 2012".

En tant que seul représentant français au Forum, parmi plus de 100 participants africains, cette décision sonne comme un échec de l'Union Européenne. Nous aimerions que le Maroc regarde au Nord pour les coopérations industrielles innovantes mais force est de constater qu'il regarde maintenant vers l'orient, avec cette entreprise Saoudienne, et avec la Chine en embuscade pour la fourniture de panneaux solaires et divers équipements dans le domaine des énergies renouvelables.  La ligue arabe constitue un réseau important où les pays frères s'entraident, avec des capitaux significatifs venant des Emirats et d'Arabie Saoudite pour financer des projets maghrébins.  

L'Union Européenne est incapable de porter une offre industrielle pour ces grands chantiers d'avenir. Chaque pays, Allemagne et Espagne en tête pour l'énergie solaire, fait sa proposition sans aucune coordination, en compétition avec le voisin. La crise économique de la zone euro a des répercutions négatives puisqu'elle renforce les nationalismes et fragilise les entreprises : la faillite du finaliste allemand Solar Millénium a choqué les marocains, à juste titre. La France décroche, elle doit maintenant renforcer ses efforts pour garder un leadership technologique et arriver à vendre son offre à l'exportation. On est conscient des efforts du Syndicat des Energies Renouvelables qui a lancé France Solar Industry. C'est un regroupement des entreprises françaises qui interviennent dans les différentes filières de l'énergie solaire et se présentent sur les marchés internationaux. Mais cela ne suffit pas. 

Nos amis marocains ont pourtant encore besoin de nous pour...le financement : Cette première phase de la centrale de Ouarzazate est évaluée à 1 milliards de dollars, dont 200 millions proviennent de prêts concessionnels contractés auprès d'institutions bancaires et d'agences de développement,et notamment de l'Agence Française de Développement. On souhaite bien sûr que la construction ne pose pas de problèmes et que les coûts et délais ne dérapent pas. Mais on n'a pas fini d'entendre parler de ce projet emblématique.  



(*) Voir ouvrage "l'énergie solaire après fukushima, la nouvelle donne", www.medicilline.com Chapitre 4, 3ème partie, page 112 : l'exemple de la centrale solaire de Ouarzazate.


 
Source : L’expansion.com

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