Retour sur ALGO’RESO : les micro-algues enfin visibles ?

Vendredi 13 Mai 2016
Kelly ROBIN
Serres du Projet Full Spectrum. Avec l’aimable autorisation du LOV.

S’est déroulée le 12 mai 2016, à Villefranche-sur-Mer, la nouvelle édition d’ALGO’RESO, événement dédié aux micro-algues, organisé par Trimatec et le Pôle Mer Méditerranée.


Réunissant une trentaine de personnes, cette journée s’est déroulée autour de plusieurs moments forts :


-    un exposé sur les facteurs d’amélioration de la production de micro-algues par Hubert Bonnefond, insistant sur les paramètres affectant la productivité des micro-algues (la teneur en molécules, le taux de croissance et la biomasse de la culture) et présentant les atouts d’une sélection par pression continue ;

-    une présentation, par Olivier Bernard, de procédés innovants pour la culture de micro-algues, qui tiennent compte des défis principaux que sont la maîtrise de la lumière (risque de photosaturation voire de photoinhibition pour les micro-algues surexposées à la l’énergie solaire) et de la température. L’accent a été mis sur des « design » maximisant le rapport surface / volume, dont la technologie « biofilms », qui sera développée par la start-up Inalve, impliquant C. Vasseur et H. Bonnefond, à partir d’un procédé breveté par Inria-UPMC-Ecole Centrale. O. Bernard a également présenté le projet « Purple Sun » qui vise à combiner production de micro-algues et énergie PV à partir de panneaux photovoltaïques semi-transparents produits par Sun Partner.

-    un retour « du terrain » grâce à l’intervention de Philippe Stefanini et des producteurs issus du CFPPA d’Hyères, qui portent le projet de création d’une « marque ombrelle » pour la production de spiruline régionale, à partir d’un protocole de contrôle élaboré autour d’une dizaine de points. Un débat s’en est suivi autour des atouts d’une telle marque régionale pour favoriser les producteurs de spiruline de qualité ; la Fédération française des spiruliniers ayant, elle, mis l’accent sur la reconnaissance de la spiruline paysanne et d’autres intervenants, sur la nécessité d’initier une dynamique nationale.


-    La définition d’une origine française des micro-algues pourrait constituer un axe stratégique à long terme pour la toute nouvelle association « France micro-algues ». Mais, Claire Largier a insisté sur les objectifs à court terme de cette entité rassemblant des industriels et les 4 Pôles de compétitivité (Trimatec, IAR, Mer Atlantique et Mer Méditerranée) : communiquer auprès du grand public sur les atouts des micro-algues pour la nutrition, la santé et la cosmétique. Ce déficit d’information entourant les micro-algues a été rappelé par l’assistance, qui a souligné l’importance de mener une étude préliminaire sur la perception des microalgues en France afin de mieux identifier les facteurs socio-cognitifs bloquants.

-    L’exposé réalisé par l’IPEMED, en clôture de cette matinée très riche, a permis d’ouvrir les débats sur la Méditerranée et de mettre en perspective les précédentes interventions avec les résultats préliminaires de l’étude sur les micro-algues en Méditerranée, menée par Jean-Louis RASTOIN, expert associé à l’IPEMED. Kelly Robin a ainsi rappelé brièvement les dynamiques identifiées en Méditerranée, et notamment dans les pays du Sud et de l’Est de la région, témoignant notamment d’une prise en compte progressive du potentiel des micro-algues pour apporter des solutions originales aux défis actuels (économiques, sociaux, alimentaires, environnementaux, etc.). Elle a rappelé l’horizon des différents marchés des produits issus des micro-algues, et le potentiel à très court terme (3-5 ans) des biofertilisants pour l’agriculture, des compléments alimentaires en nutrition humaine, des produits pour l’alimentation animale, mais aussi des biomolécules à haute valeur ajoutée pour la pharmacie, la cosmétique, etc. Pour l’IPEMED, le développement de filières microalgues durables, notamment dans les pays du Sud de la région, impliquent d’une part, de réfléchir à des modèles économiques adaptés et inclusifs, qui tiennent compte des spécificités territoriales méditerranéennes, notamment en milieu rural (potentiel d’une approche en termes de « bioéconomie circulaire territorialisée ») et d’autre part, d’accentuer la coopération entre acteurs des deux rives autour du principe de « coproduction »*.


Ces interventions ont été suivies par la visite commentée des serres du programme FULL SPECTRUM porté par Inria Sophia Antipolis et le Laboratoire d'Océanographie de Villefranche-sur-Mer (LOV). Le projet « Full Spectrum » vise à tester l’influence de la lumière filtrée sur la croissance des microalgues. Les serres ont pour vocation à être ouverte aux chercheurs, notamment étrangers, désireux de tester en conditions réelles des procédés innovants.


Cette édition d’ALGO’RESO a donc permis de rendre visibles les initiatives des chercheurs, des producteurs de spiruline, notamment du Var, en confrontant tâtonnements de la recherche, regards du terrain et vision prospective. Cet événement a mis en évidence la dimension humaine et territoriale, qui sous-tend chaque projet microalgal, et ouvert des pistes de réflexion et d’action pour rendre davantage visible cette « culture de l’invisible** ».  

* l’étude sera disponible en libre-téléchargement sur le site internet de l’IPEMED d’ici les prochaines semaines.
** en référence à l’ouvrage de Claude Gudin et Olivier Bernard, 2013.

Photo : Serres du Projet Full Spectrum. Avec l’aimable autorisation du LOV.

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