SEMINAIRE - Les Partenariats Public-Privé au service du développement local : Quel rôle pour le secteur privé local et international ?

Mercredi 11 Avril 2012
Compte rendu par Amal Chevreau, chef de projet Ipemed.

IPEMED, Attijariwafa bank, CDG Développement, la Caisse de Dépôts et de consignations et l’Agence du Sud ont organisé conjointement le 11 avril 2012 à Casablanca-Maroc un séminaire autour du thème « Les Partenariats Public-Privé au service du développement local, Quel rôle pour le secteur privé local et international ?». Le séminaire de Casablanca fait suite à trois séminaires organisés par IPEMED sur le thème des PPP: Paris 6 juin 2011, Tunis 18 octobre 2011 et Beyrouth 26 octobre 2011.

Le séminaire avait pour objectif de présenter la thématique des PPP dans le contexte du processus de régionalisation  initié par le Maroc et qui vise la création de régions dotées de compétences élargies notamment en matière de montage et de mise en œuvre de projets de développement par le biais du PPP. Le séminaire a constitué une occasion pour présenter les cadres juridique et financier des PPP en Méditerranée et au Maroc plus spécifiquement (loi est en cours d’adoption) avec la création d’une cellule PPP au sein de la Direction des entreprises publiques et de la priovatisation; des témoignages autour d’exemples de PPP marchands et non-marchands ainsi que la question du financement du PPP en général notamment dans le cadre de fonds d’équity ou de fonds de pension.

Principales recommandations

Le cadre juridique des PPP

Il n’existe pas de définition unifiée des PPP au niveau européen. Néanmoins le Livre Vert de la Commission Européenne (30 Avril 2004) retient quatre critères essentiels qualifiant les PPP:

La durée relativement longue du contrat qui nécessite donc une coopération solide entre le partenaire public et le partenaire privé.
Le mode de financement du projet assuré pour partie par le secteur privé.
Le rôle important de l’opérateur économique dans les différents stades du projets (la conception, la réalisation, la mise en œuvre et le financement) ; alors que le partenaire public se concentre sur la définition des objectifs à atteindre (intérêt public, qualité des services, politique de prix).
La répartition des risques entre les partenaires public et privé.

Les modèles de PPP anglo-saxons recouvrent trois types de partenariats :

-   les partenariats institutionnels (sociétés d’économie mixte ou joint-venture),
-   les partenariats dans lesquels les entreprises privées conseillent les personnes publiques pour la valorisation de leurs biens,
-   et les contrats de Private Finance Initiative (PFI) qui sont la forme de contrats la plus répandue.

En France, les principaux montages sont les suivants :

-   a délégation de service public
-   les PPP et assimilés: AOT-LOA, BEA/BEH et contrats globaux
-   le contrat de partenariat avec les grandes innovations: le rapport d’évaluation, l’offre spontanée

L’expérience marocaine

Le Maroc dispose d’une longue expérience en matière de concessions, fondée sur le modèle français.  A partir des années 80, l’Etat amorce une vague de libéralisation de son économie afin de rétablir la stabilité du cadre macroéconomique. Cette restructuration s’est traduite par un désengagement de l’Etat au profit d’une gestion privée de certains services publics, principalement dans les secteurs marchands (transports urbains, distribution d‘eau et d’électricité, assainissement, collecte et traitement des déchets). Cependant, la réglementation en vigueur datant du protectorat présentait peu de clarté et de garanties de stabilité aux investisseurs. Les contrats de PPP relevaient du droit commun et non d’une réglementation spécifique aux concessions. Une loi relative à la gestion déléguée des services publics a été adoptée en 2006. Un projet de loi devant régir les PPP est actuellement en cours de finalisation : il consacre les principes de transparence, de concurrence, de définition des besoins et de partage des risques et rémunérations. Il est à noter également la création d’une cellule PPP logée au sein de la direction des entreprises publiques et de la privatisation qui a pour mission d’apporter un appui à l’ensemble des opérateurs publics et collectivités locales pour le montage et le suivi des projets PPP.

Recommandations retenues

-   généraliser et standardiser les procédures pour faciliter la mise en place des PPP. tout en s’inspirant des bonnes pratiques développés en Europe et dans d’autres régions du monde, il faudrait instaurer de manière durable la culture de partage des bonnes pratiques entre les PSEM qui très souvent ne communiquent pas entre eux.
-   créer des unités PPP rassemblant compétences juridiques, économiques et financières. Ces unités PPP auront pour rôle de diffuser au maximum les meilleurs pratiques, appuyer les offres de projets des autorités, planifier et rendre prioritaire certains projets PPP.

-   s’appuyer sur des projets pilotes de taille raisonnable, qui ont réussi car leur rentabilité économique était évidente pour l’opérateur privé, 
-   donner une importance aux collectivités locales avec le concept d’offre spontanée[1]. Le processus de régionalisation au Maroc abonde dans ce sens, et offre une autonomie financière accrue pour les collectivités (dans le domaine de l’équipement numérique notamment). Ce procédé permet également d’associer les PME locales pour favoriser la création d’emplois et renforcer le tissu industriel.
susciter l’adhésion des usagers qui souvent associent les PPP aux privatisations, à l’augmentation des tarifs et au désengagement  du secteur public dans les services publics. Cela nécessite une formation de tous les acteurs (privés et publics) afin qu’il y ait compréhension mutuelle.
-   instaurer un dialogue constant entre l’autorité délégatrice et le secteur privé en reconnaissant leurs intérêts partagés.

Le cadre financier

Afin d’assurer une pleine réussite aux projets PPP, il faudrait :

-   développer le secteur bancaire local pour lui donner une expertise en matière de financement qui présente des limites sur le long terme. Il faut insister sur des financements en monnaie locale pour se prémunir contre le risque de change.
-   favoriser une participation accrue du secteur privé qui est quasiment absent au profit d’une forte présence des groupes privés internationaux.
-   présenter aux opérateurs privés des projets structurés et bien dimensionnés en fonction de la capacité financière du partenaire public.
-   minimiser les restrictions sur l’investissement à travers une amélioration de l’environnement législatif, institutionnel et financier, ce qui permettra d’augmenter la concurrence entre investisseurs et prêteurs.
  -   encourager la participation d’institutions financières internationales. Les nombreuses initiatives internationales pour apporter leur soutien aux PPP (OCDE, Banque Mondiale, et IFC, la BEI et l’AFD, etc…) ne feront qu’accélérer l’expansion de ce mode de financement en Méditerranée.
 

Le financement des PPP marchands et non-marchands

Les enjeux de financement concernent tous les types de PPP : marchands ou non marchands et quelque soit leur taille. Le principal enjeu concerne les financements au-delà de 15 ans. Pour contourner cette difficulté, il faudrait

-   encourager l’implication de fonds d’investissement et des opérateurs privés locaux et internationaux.
-   favoriser les montages innovants notamment pour les PPP non-marchands notamment (tel que proposé par Edifice Capital) le contrat de partenariat entre 15 et 30 ans (en fonction de l’acceptabilité par les banques prêteuses) avec une prise en charge des risques de dépassement des délais et budget par la partie privée. A ce titre, il est ; la prise en charge de 10% du coût total des projets en subvention de capital  et au moins 30% sous forme de prêt bonifié (Bailleurs internationaux) avec un taux de 2%. Un loyer garanti par l’Etat, même si une association ou une fondation est signataire du contrat, avec des possibilités de mobiliser les garanties internationales type MIGA (IFC) pour ne pas alourdir les engagements de l’Etat.
-   une autre forme de PPP consiste en la création d’entreprises publiques locales qui interviennent dans plusieurs domaines : l’aménagement, le logement, les transports, le tourisme, l’énergie etc avec l’avantage de permettre la concentration de moyens au niveau des territoires.
  -   enfin, une autre piste consiste à encourager l’approche cluster car elle permet de concilier les logiques de partenariat institutionnel ( création de structures à capitaux publics et privés): cas tunisien des Unités de Gestion Opérationnelle des technopoles ( phase 1 du programme technopoles) et les logiques de type concessionnel (le délégataire prend en charge le financement du projet et certains investissements) : cas tunisien des sociétés de gestion des technopoles ( phase 2 du programme technopoles). Si le risque est plus élevé dans ce dernier cas, il permet de mieux bénéficier de l’expérience du secteur privé.



 

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[1] Concept développé par Eric Lepont, directeur général de GB4P.

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