Elaborer un cadre juridique pour sécuriser et garantir les investissements

L’image globale offerte par la région méditerranéenne en matière de protection de l’investissement souffre de la comparaison avec un régime tel que celui mis en place au sein de l’ALENA, qui permet à des investisseurs d’envisager leurs projets en tenant compte de standards de protection connus et identiques dans toute la région. La protection offerte par les différents cadres juridiques des investissements reste :

1.    complexe : existence de régimes juridiques nationaux différents ; multiplicité des traités bilatéraux de protection de l’investissement et des conventions conclues sous l’égide de la Ligue Arabe, de l’Union du Maghreb Arabe ou de l’Organisation de la Conférence Islamique ;

2.    imprécise
: rôle des clauses de la nation la plus favorisée dans l’extension de l’application de clauses d’un traité de protection de l’investissement à un autre ; divergences jurisprudentielles des tribunaux arbitraux ;

3.    et coûteuse: coûts de transaction plus élevés, coûts et délais associés au règlement des litiges et à l’exécution des décisions rendues.
Par ailleurs, si certains risques tel que le risque politique (non convertibilité, non-transfert, expropriation, guerre, terrorisme et troubles civils, rupture des obligations contractuelles de l’Etat ou d’entreprises publiques) est généralement susceptible de couverture par les agences nationales de garanties, tel n’est pas le cas d’autres types de risques, qui jouent pourtant un rôle dans la décision d’investissement. Les risques systémiques tels que le risque de dévaluation ou de dépréciation monétaire ne sont généralement pas couverts. Enfin, la couverture du risque politique ne bénéfice généralement pas aux banques locales qui pourraient être associées au financement des projets en monnaie locale et contribuer ainsi dans un certain nombre de cas à la réduction du risque de change.

Dés lors la clarification du cadre juridique des investissements dans la région revêt une importance capitale car elle permettra de présenter aux investisseurs, un régime juridique harmonisé de protection de l’investissement et garantir le règlement des litiges investisseurs/Etat sur la base d’un corpus jurisprudentiel intégré et dans des délais raisonnables.

Cette clarification de la norme applicable devra s’accompagner de la mise en place d’un système spécifique de garantie financière du risque politique et de certains risques économiques et commerciaux, dont une partie du coût pourrait, dans certaines circonstances, être prise en charge par les pouvoirs publics.

Sur le fond, le régime juridique en question devra définir les droits et obligations des investisseurs dans le cadre des projets d’investissement considérés. Il devrait contenir les clauses classiques des accords d’investissement, et notamment :

- Définition Investissement / Investisseur ;
- Admission ou pré-établissement ;
- Traitement juste et équitable ;
- Non-discrimination, traitement national, MFN ;
- Expropriation et indemnisation ;
- Libre transfert des capitaux ;
- Règlement des différends (État / État et investisseur / État) ;
- La question de la nationalité de l’investisseur et si cet accord pourra s’étendre aux investisseurs hors-UpM devra faire l’objet d’une attention particulière.
- La protection offerte ne devra pas être inférieure à celle existant du fait d’autres instruments et pourrait proposer un cadre moderne et uniforme des investissements suivant les récentes évolutions conventionnelles et jurisprudentielles. Ce cadre juridique pourra éventuellement servir de modèle pour d’autres secteurs et d’autres régions.

Le cadre juridique devra intégrer un organe de règlement des litiges permettant l’accès à une justice rapide à un coût raisonnable et à une jurisprudence uniforme. Les modalités pour y parvenir sont diverses et peuvent faire appel aux compétences des centres d’arbitrages existants, sur le modèle par exemple de la charte de l’énergie , dès lors qu’une juridiction suprême intégrée soit à même de jouer le rôle d’une cour de cassation.

L’adoption d’un cadre juridique protecteur, clair et global pour les investissements stratégiques devrait avoir deux types d’avantages :
• un avantage direct, constitué par une perception améliorée de l’attractivité de la région,
• un avantage indirect, constitué par une diminution des coûts de transaction et par un accès plus aisé aux marchés financiers en particulier pour le financement de projets importants et/ou la constitution et le financement de fonds d’investissement dédiés à la région.

Plusieurs options peuvent être envisagées quand aux moyens juridiques pour mettre en place un tel régime de protection de l’investissement. Toutefois, l’option qui pourrait être rapidement mise en œuvre consisterait en l’élaboration d’un projet d’accord définissant un cadre juridique uniforme de la protection des investissements dits stratégiques. Ce texte serait soumis à simple ratification des Etats qui souhaiteront accueillir ces projets, comme cela a par exemple été fait pour la convention du Cap sur le régime des suretés sur les matériels mobiles.