Partenariats public-privé en Méditerranée: Le recours ne se fait pas sans obstacles

Lundi 27 Février 2012
Amal Chevreau, Chef de projet Ipemed.

Face à des besoins en investissements de plus en plus importants et qui sont estimés par la Banque européenne d’investissement à 300 milliards d’euros d’ici 2030, et dans une conjoncture peu favorable où les budgets publics des Pays du sud et de l’est de la Méditerranée (Psem) sont contraints par la crise financière et économique, le recours par les différents gouvernements de la région aux partenariats public-privé (PPP) est indispensable. Les marchés publics ne permettant plus de mener à bien tous les projets, cette alternative semble nécessaire tant les dettes de certains Etats sont importantes. En théorie, les principaux avantages découlant de l’utilisation des PPP résident dans l’optimisation du rapport coûts/résultats, la répartition des risques entre l’autorité publique et l’opérateur privé, la conservation par l’entité publique du contrôle stratégique du service, et enfin le gain à traiter avec un secteur privé expérimenté.

Le recours aux PPP n’est pas seulement d’ordre financier mais permet de diversifier les sources de financement en dehors du budget de l’Etat et d’assurer la performance des projets. L’absence d’infrastructures est souvent nettement plus coûteuse pour les Etats que la mise en place des PPP.

Les Psem présentent des situations très contrastées de par leur histoire, leur contexte politique et macroéconomique. Ils ont par conséquent différentes expériences de mise en œuvre de projets sous forme PPP. Si certains pays ont une longue expérience en termes de PPP (Maroc, Egypte et Turquie), d’autres n’ont pour le moment pas accompli d’avancées significatives en la matière (Liban, Syrie).

Le Maroc dispose d’une longue expérience en matière de concessions, fondée sur le modèle français.  A partir des années 80, l’Etat amorce une vague de libéralisation de son économie afin de rétablir la stabilité du cadre macroéconomique. Cette restructuration s’est traduite par un désengagement de l’Etat au profit d’une gestion privée de certains services publics, principalement dans les secteurs marchands (transports urbains, distribution d’eau et d’électricité, assainissement, collecte et traitement des déchets). Cependant, la réglementation en vigueur datant du protectorat présentait peu de clarté et de garanties de stabilité aux investisseurs. Les contrats de PPP relevaient du droit commun et non d’une réglementation spécifique aux concessions. Une loi relative à la gestion déléguée des services publics a été adoptée en 2006. Elle vise à  harmoniser et rationaliser les réglementations sectorielles ; mais surtout donne la possibilité de recourir à une procédure d’arbitrage en cas de litiges. Chaque secteur possède une agence spécialisée par type de projet: l’Agence nationale de réglementation des télécommunications pour les télécommunications ou l’Agence nationale des ports pour les infrastructures portuaires.
Le  recours croissant à l’usage des PPP ne se fait pas sans obstacles du fait que ce mode de financement et de gestion est relativement nouveau dans la région méditerranéenne. En effet, les cadres financier et juridique des PPP sont différents d’un pays à l’autre et les projets susceptibles de faire l’objet de PPP ne sont pas clairement identifiés. Enfin, le secteur privé local ne semble pas outillé pour accompagner des projets d’envergure. C’est pourquoi le développement de tels mécanismes pourrait être favorisé à travers notamment l’élaboration et l’adoption d’un cadre régional harmonisé de PPP qui aurait comme base les recommandations suivantes:

1. Instaurer un cadre règlementaire spécifique aux PPP composé d’une législation unifiée adaptée à tous les types de PPP et à tous les secteurs d’activité et d’une unité PPP rassemblant des compétences variées (juristes, financiers, économistes, ingénieurs,…).

2. Présenter aux investisseurs un régime juridique harmonisé de protection de l’investissement et de garantie de règlement des litiges.

3. Proposer une offre de garanties à la carte couvrant les risques politiques, commerciaux et financiers suivant les projets. La création d’un guichet unique regroupant les différents acteurs internationaux et nationaux à même de garantir le financement de projets labellisés est préconisée.

4. Favoriser le financement des projets en monnaie locale en développant nationalement un marché obligataire attractif pour les investisseurs et les banques locales. La modernisation des marchés financiers et des bourses des pays concernés et le développement de produits favorisant l’épargne à long terme permettraient de mobiliser des financements locaux. Par ailleurs, l’intégration régionale favoriserait la liquidité et le marché de revente secondaire.

5. Standardiser les process de mise en œuvre des PPP afin de créer des modèles reproductibles susceptibles d’attirer et de sécuriser les investisseurs. Pour ce faire, la formation des acteurs publics aux spécificités des PPP mais également des acteurs privés s’ils ont peu d’expérience dans la mise en œuvre de projets globaux est nécessaire. La réalisation d’une étude de faisabilité du projet destinée à déterminer ses modalités de réalisation, d’apprécier et de partager les risques et d’estimer sa rentabilité économique est également fondamentale. Par ailleurs, proposer un groupement de projets (environ 3 ou 4) de taille adaptée aux sources de financements disponibles permet d’attirer les opérateurs privés en leur présentant différentes opportunités d’investissement.

6. Tenir compte du rôle des collectivités locales dans le développement des PPP. Développer une expérience nationale sur des petits et moyens PPP permettrait de favoriser des projets plus rapidement mis en œuvre et plus perceptibles pour la population. L’implication des banques locales permettrait en outre d’associer les PME locales et serait donc de nature à favoriser la création d’emplois et le renforcement du tissu industriel. Dans le cadre des collectivités locales, il est important d’informer les élus qui ont souvent une vision erronée des PPP et de faire appel à des conseillers pour préparer les études préalables, rédiger les appels d’offres et les contrats si nécessaire.

7. Mutualiser les expériences de la Région par l’intermédiaire d’une task force afin de développer les expériences dans la région par effet d’émulation et d’imitation.

8. Labelliser des projets afin de sécuriser les investisseurs sur la conformité des projets développés et ainsi de faciliter l’accès aux marchés financiers pour le financement des projets. Cette labellisation permettrait également d’améliorer la perception de l’attractivité de la Région.



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Article publié dans l'édition du 28/02/2012 du quotidien économique marocain L'ECONOMISTE :
http://www.leconomiste.com/article/891741-partenariats-public-priv-en-m-diterran-e-le-recours-ne-se-fait-pas-sans-obstaclespar-

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