La place de la Chine dans la Méditerranée

Jeudi 12 Novembre 2015
Dr Basly Mohamed Sahbi

La "Mare Nostrum" et l'empire du milieu constituent sans nul doute le berceau de toutes les civilisations que l'humanité a connu à ce jour.

Si ces deux entités démographiques, sociales, culturelles et politiques, sont géographiquement distantes l'une de l'autre, il n'en demeure pas moins que Carthage, qui régnait en empire sur la Méditerranée au 8eme siècle avant Jésus christ, commerçait déjà avec la dynastie des Xin de l'époque en Chine....! Ensuite a la faveur de la route de la soie au moyen âge cette relation entre l'Orient et l'Occident a été rétablie et renforcée. Elle constitue à ce jour la symbolique de la politique économique et commerciale du 21ème siècle initiée par le Président Xi Jinping qui souhaite réinventer une nouvelle route de " la soie maritime " dans le cadre d'un programme national ambitieux de promotion des investissements extérieurs de la Chine intitulé "One Belt One Road".

En effet, la symbolique d'une telle démarche vient consacrer le leadership mondial de l'économie chinoise atteint en 2015 qui considère désormais la prospérité universelle, comme un objectif final de l'économie mondiale unique et indivisible, cet objectif constituerait l'autoroute de l'économie mondiale "One Road" alors que la Chine a le rôle de régulateur et se positionne comme la ceinture de sécurité de cette économie mondiale "One Belt".

Cette symbolique hautement significative de la place de la Chine dans l'économie planétaire vient a confirmer toutes les prévisions des organismes internationaux y compris FMI et Banque mondiale depuis une dizaine d'années, qui ont préconisé a maintes reprises dans leurs analyses prospectives qu'à l'horizon 2015-2020, la Chine sera la locomotive de l'économie mondiale de sorte que si le taux de croissance économique de celle ci, était amené à baisser de deux points, l'Europe premier partenaire économique de la Chine, verrait son taux de croissance baisser de 1 à 1,5 %, alors que les Amériques verront leur taux de croissance diminuer de 1% et 0,5% pour l'Afrique. Nous imaginons ainsi les répercussions d'une telle décroissance, sur l'économie mondiale si cela n'est pas accompagné de mesures nécessaires pour éviter de tels scénarios.

C'est dire l'impact du développement économique chinois sur la société chinoise d'abord, la région ASEAN ensuite et le reste du monde. Reste à savoir si la Chine serait à même de maintenir cette croissance du PIB interieur alors que des défis notamment intérieurs devait affecter cette croissance dans l'avenir. Cependant même si le gouvernement chinois semble être conscient des défis de la mise en œuvre du développement durable, ces mêmes défis devraient impliquer une combinaison spéciale entre les facteurs du savoir faire, le timing et la synergie des solutions intrinsèques et extrinsèques a préconiser. Dans ce cadre la coopération me semble t'il avec la communauté internationale, y compris notre espace Méditerranéen et même, les nations unis pour la mise en œuvre des solutions adéquates, serait essentielle pour éviter une crise éventuelle.

Par ailleurs, si aujourd'hui la Chine est en phase de devenir la première puissance économique, elle ne peut maintenir ce rôle de leadership, que si elle réussit à s'exporter davantage, et que les chinois se déplacent hors de Chine pour créer de nouvelles richesses.

C'est déjà l'objectif dissimulé depuis plus de 10 ans, lorsque le président Chinois Hu Jintao a l'époque avait annoncé de la tribune des nations unies son initiative relative à la création du Forum Chine-Afrique, puis une année plus tard du Forum Chine-Monde Arabe.

Depuis la Chine s'est déployée en Afrique notamment sub saharienne, mais également dans les pays Arabes notamment, le Soudan, l'Arabie saoudite, les Émirats Arabes Unis, l'Algérie et un degré moindre, le Maroc, l'Egypte et la Mauritanie.

Cependant cet engagement unilatéral de la Chine, en Afrique et dans le monde Arabe selon la formule, Gagnant-Gagnant, et la stratégie de non ingérence dans les affaires intérieures des états, n'a pas permis à cette dernière d'engranger partout les succès escomptés.

En effet en traitant avec l'Afrique, la Chine venait à découvrir les maux dont souffre ce continent, face aux difficultés qu'elle a rencontre à mettre en œuvre notamment les projets régionaux d'une part, et au niveau bilatéral lorsqu'elle a eu à faire face à l'environnement des affaires et l'instabilité politique d'autre part.

En ce qui concerne le Monde Arabe force est de constater que le printemps Arabe initie en 2010, a cause des pertes conséquentes a la Chine, notamment en Libye, et en Syrie. Cependant, plus au Nord, la crise aidant au sein même de l'Europe la question grecque a permis à ce géant Asiatique de se positionner de manière presqu'institutionnelle en Europe. En effet nous avons pu voir récemment l'UE inviter les Chinois à alimenter le plan Juncker dont le but est de relancer l'économie Européenne ...! c'est ainsi que des capitaux Chinois sont invités à alimenter le Fonds Européen pour les investissement stratégiques.

Par ailleurs selon une récente étude publiée par le prestigieux Mercator Institut for chinese studies à Berlin, les investissements chinois ont battu le record en 2014 en dépassant la barre des 14 milliards d'euros d'investissement. Cette tendance, selon le même institut, va même s'accentuer pour dépasser la barre de 18 milliards en 2020. La Chine est ainsi devenue, le plus grand investisseur en Allemagne avec la participation dans 190 nouveaux projets innovateurs dans la plus grande économie d'Europe.
Cependant c'est en Méditerranée que la Chine semble construire son socle d'intervention en Europe. Les deux rives de la Méditerranée sont concernés et c'est la Grèce, la Turquie au nord et l'Algerie au sud qui constitue à ce jour le tri pied d'intervention de la Chine en Méditerranée, selon le volume d'investissement dans ces différents pays.

La Grèce tout d'abord ou la visite récente du premier ministre chinois Li Keqian a permis la signature de 19 accords de coopération et contrats commerciaux d'un montant total de 3,4 milliards d'euros, le rachat de deux terminaux portuaires du Piree, mais également des contrats dans l'infrastructure et l'énergie. Ce qui a fait dire un haut responsable grec pour chercher un soutien financier ailleurs, "Athènes n'hésitera pas à tourner le dos a l'Europe " a t'il lance Nikos Chountis ministre au sein du gouvernement Tsipras, à quelques heures de l'euro groupe et du conseil européen.

Plus récemment la Turquie, a également cède à la manne chinoise, alors qu'un groupe d'investisseurs chinois viennent d'acheter 65% des parts d'un terminal portuaire turc de Kumport dans la partie européenne de la mer de Marmara. Dans le secteur ferroviaire à grande vitesse un accord vient d'être conclu, alors qu'une nouvelle route de chemin de fer verra le jour avec pour objectif de relier l'Europe à la route de la soie ...?

Quant'a l'Algérie, c'est également la visite de Mr Sellal Premier ministre Algérien en Chine début 2015 qui a permis de lancer un partenariat " d'exception " entre la Chine et l'Algérie dans le cadre du plan quinquennal 2015/2019. En même temps l'Algérie est devenue le deuxième partenaire de la Chine en Afrique après le Nigeria avec 8,2 milliards de dollars alors que plus de 40 000 travailleurs chinois exercent en Algérie dont 2 000 sont devenus Algériens. En même temps, le commerce bilatéral estime à 600 millions de dollars en 2003 est revu à la hausse pour atteindre les 10 milliards en 2013 alors que le volume d'investissement bilatéral a atteint les 20 milliards de dollars en 2014.

Cet intérêt à la Méditerranée symbolise, par ces trois exemples, la volonté de la Chine de faire de cette nouvelle " route maritime de la soie " une stratégie économique et pourquoi pas politique, dans une région incontournable pour le commerce international et berceau de toutes les civilisations anciennes et modernes, qu'est la Méditerranée.


Dr Basly Mohamed Sahbi
Ambassadeur
President du conseil de coopération Tunisie - Chine



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