Le ralentissement de la croissance chinoise, une aubaine pour l’Europe et l’Afrique ?

Jeudi 22 Octobre 2015
Jean-Louis Guigou


Tribune parue le 23 octobre dans le site web du Monde Afrique 


La presse économique s’alarme des conséquences pour l’Europe du ralentissement de la croissance chinoise (7 %). Pourtant, des compensations, à moyen terme et même à court terme, pourraient résulter des leviers de croissance que représentent les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée et les pays africains.

Contrairement à ce que les médias véhiculent généralment, tous les Etats méditerranéens et africains ne sont pas rongés par le sguerres et les épidemies. En 2014, sur les dix pays en plus forte croissance, cinq sont africains. Le décollage de l’ensemble du continent, depuis 2002, est une réalité et les pays du Moyen-Orient demeurent de gros consommateurs d’investissements.

Deux arguments permettent de penser que l’Afrique et la Méditerranée vont constituer, au carrefour de l’Europe, des zones privilégiées de développement « boostées » par le ralentissement de la croissance en Chine et par la politique de Pékin vis-à-vis de l’Afrique et de la Méditerranée.

L'Afrique, nouvel atelier de l'Europe

Tout d’abord, d'après les experts de la Banque mondiale, le changement du modèle de croissance – de l’exportation à la consommation intérieure – va contribuer à accélérer la relocalisation de 85 millions d’emplois hors de Chine dans les prochaines années. L’Afrique pourrait en être la principale bénéficiaire. Du Caire à Tanger, une véritable zone industrielle devrait voir le jour, incluant Tanger Med et le Canal de Suez, complètement rénové et incluant un grand nombre de zones d’activité off shore, de clusters, de technopoles etc… Le nord de l’Afrique, avec sa main d’œuvre qualifiée, son énergie bon marché, ses immenses espaces, pourrait devenir l’atelier de l’Europe – à peu de frais et rapidement.

Les Chinois sont partout en Afrique. Leur intérêt pour le continent date des années 1990 avec une longue préparation du terrain. Le Forum Chine-Afrique est apparu en 2000, puis le Forum Chine-Monde arabe en 2004. Les résultats escomptés étant très inégaux selon les maux dont souffre le continent, la puissance chinoise s'est recentrée sur la Méditerranée. C'est là qu'elle « semble construire son socle d’intervention en Europe », comme l'a souligné l'ancien diplomate tunisien Basly Mohamed Sahbi.

Pékin s'active en Grèce, tout d’abord, où la récente visite du premier ministre chinois a permis la signature de 19 accords de coopération pour 3,4 milliard d’euros et le rachat de deux terminaux portuaires du Pirée. En, où les investisseurs chinois ont acquis 65 % des ports du terminal portuaire de Kumport (mer Marmara) et un accord a été trouvé pour un chemin de fer à grande vitesse (projet de "nouvelle route de la soie") qui traversera de part en part la Turquie. L’Algérie, pour finir, est devenue le deuxième partenaire de la Chine en Afrique, après le Nigéria avec 8,2 milliard de dollars d’investissement.

Au total, les délocalisations venant de Chine, associées à la stratégie chinoise en Méditerranée et en Afrique, pourraient constituer des facteurs très positifs pour créer au Sud de la France et de l’Europe, en Méditerranée et en Afrique, d’importants leviers de croissance externe, dont pourraient bénéficier les entreprises françaises et européennes.

Jean-Louis Guigou, Président de l'IPEMED






 

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