Trois outils pour construire la grande région

Pour construire cette région, il faut privilégier trois outils incontournables : un think-tank, une banque et un nouveau modèle de co-production facilitant l’intégration. Sur le modèle des Amériques et des pays asiatiques, l’Europe devrait privilégier ces trois instruments :

1. Un think-tank regroupant les compétences intellectuelles de l’ensemble des pays de la région et qui serait le creuset intellectuel et politique de ce grand ensemble mondial. Sur le modèle américain, de la Commission Economique pour l’Amérique Latine (cf. 1er onglet), et asiatique, de l’Institut de Recherche Economique pour l’ASEAN (cf. 2ème onglet), la région AME doit se doter d’un think-tank. Autour de quelques programmes d’action, cet outil permettrait de mieux faire connaître la région, de produire des idées nouvelles tournées vers l’avenir, et de centraliser les connaissances à travers la mutualisation de savoirs stratégiques. La fonction de médiation et d’influence de ce think tank auprès des institutions internationales et des gouvernements s’associerait à un rôle de brassage des acteurs à fort potentiel du Nord et du Sud, des secteurs public, privé et associatif, à travers des séminaires de haut niveau.

2. Une Banque de développement capable de financer les grands travaux régionaux de développement nécessaires à l’intégration régionale et de financer le développement du secteur privé des PSEM. Elle représenterait l’alternative attendue par les pays méditerranéens et africains, aux fonds et aux banques de développement que contrôlent les grandes puissances financières du moment et qui leur servent souvent de canal d’influence, plutôt que d’outils au service du développement des Nations. Celle-ci serait un appui financier et technique en adéquation avec les besoins en termes d’infrastructures et de grands projets.

3. L’intégration par la production (et non par l’échange commercial). Ce processus de co-production partenarial avec partage de la valeur ajoutée et transfert de technologie est parfaitement adapté aux relations entretenues entre pays proches ayant des différentiels importants (géographiques, de niveau de développement, etc.). Ce processus garantit des créations d’emplois au Nord et au Sud et il est dans la logique de la dilatation spatiale des chaines de valeurs à la recherche des meilleures compétences pour produire de la qualité.

Origine

La Commission Economique pour l’Amérique Latine a été créée en 1948 par la résolution du Conseil Economique et social 106 de l’ONU pour accélérer la reconstruction et la transition économique et politique des pays d’Amérique Latine. Son siège se situe à Santiago du Chili. La CEPAL a été un lieu de résistance pendant les périodes de dictature et de révolutions qui secouaient l’Amérique latine. « Laboratoire » des politiques latino-américaines, elle produit régulièrement des rapports économiques et influence les gouvernements d’Amérique du Sud. Elle a accueilli en juillet 1984 les Caraïbes et prend le nom de la CEPALC.

Organisation

La CEPAL est l’une des cinq commissions régionales des Nations Unies. Elle comporte 700 chercheurs essentiellement économistes avec un budget de 40 millions de dollars/an. Outre son siège à Santiago elle possède 5 antennes régionales, des bureaux à Buenos Aires, Brasilia, Montevideo, Bogota ainsi qu’un bureau de liaison à Washington. Elle représente les 33 pays du sous-continent d’Amérique du Sud. Progressivement elle s’est élargie à 11 pays associés dont les Etats-Unis, le Canada et certains Etats européens.

Idées novatrices

A ce sujet nous pouvons citer la théorie du développement endogène associée au protectionnisme douanier ; la remise en cause de la division internationale du travail entre le centre et la périphérie ; la promotion du commerce intra-régional fondé sur la complémentarité et la proximité ; la politique de développement industriel et de substitution aux importations ; la politique de diversification des exportations ; l’intérêt pour la recherche industrielle et la démarche prospective.

Tous ces concepts ont assuré la promotion d’une économie de type keynésien par opposition au libre-échange que prônait le Nord de l’Amérique.

Le creuset intellectuel et politique

La CEPAL a été le lieu de rassemblement et de brassage des nouvelles élites économiques du continent sud-américain, de fortes personnalités y ont été chercheurs et ont longtemps animé des séminaires comme Raul Prebisch, qui a été le premier directeur de la CEPAL et le premier gouverneur de la banque centrale d’Argentine, ou encore Celso Furtado, Ministre de la planification du Brésil. La commission forme les cadres pour les administrations de tous les pays sud-américains, un lieu de résistance aux dictatures et aux coups d’état et à la volonté hégémonique et libérale des Etats-Unis. La directrice, Mme Alicia Barcena considère que la CEPALC est un « foyer de civilisation ».

Les missions de la CEPAL

Avec des missions très diverses, la CEPAL :
- produit essentiellement des études économiques de type transversales (développement, intégration régionale, commerce, production, développement social, planification, etc.) ;
- se spécialise dans des travaux de prospective et de construction de l’avenir ;
- produit chaque année des outils statistiques de comparaison des 35 états d’Amérique du Sud ;
- joue un rôle central dans le développement d’une conscience continentale sud-américaine ;
- permet le brassage des élites publiques et privées ;
- mène une activité de conseil aux gouvernements, avec une grande influence ;
- travaille en synergie avec la Banque Interaméricaine de Développement.

Origine

L’institut de recherche économique pour l’Asean et l’Asie orientale est une organisation internationale inaugurée en mai 2008 – après une proposition faite par le Japon lors du sommet de l’Asean à Cebu (décembre 2006-janvier 2007) et une ratification lors du sommet de Singapour en novembre 2007 par 16 états. Le Japon par l’intermédiaire de son Ministre de l’Economie Toshihiro Nikai formule l’idée de créer un think-tank qui permettrait de construire l’équivalent asiatique de l’OCDE.

Les Etats-Unis se sont d’abord fortement opposés à un projet de partenariat économique couvrant toute la région et dont ils seraient exclus, apportant de fait leur soutien à l’APEC.

Installé au sein du Secrétariat de l’Asean à Jakarta, la tâche de l’ERIA est d’examiner le projet japonais de partenariat économique étendu en Asie orientale .

Organisation

A part son instance principale de gouvernance, pôle principal de décision, ERIA est porté par des experts internationaux, plutôt économistes.

On recense parmi ses instances de gouvernance :
- Le Conseil consultatif académique (AAC) composé d’experts issus de toute la région et d’universitaires, de représentants d’institutions de recherche, du secteur privé, des organisations internationales et non gouvernementales. Ils fournissent un rôle de conseil et de support à l’exécutif à propos du programme de travail annuel, de l’évaluation des travaux de recherche et de la performance des chercheurs. Leur première réunion a eu lieu en 2009.

Idées novatrices

L’un des objectifs principaux de l’ERIA est de construire et de renforcer les politiques liées à la recherche et au développement dans les pays les moins développés de la région asiatique.

Les recherches de l’ERIA couvrent de nombreux domaines tels que le commerce et les investissements, la mondialisation, le développement durable, le développement social et humain, le développement d’infrastructures et les questions liées à l’énergie.

Le creuset intellectuel et politique

Pour permettre la diffusion de ses idées et de ses travaux, ainsi que pour trouver des financements, ERIA organise des séminaires dans la grande région asiatique. Cela permet également de nourrir le sens d’appartenance à une même communauté régionale.

Eria publie des rapports, des comptes rendus de débats et des policy briefs qui présentent les recommandations principales et ses idées. La Newsletter ERIA, bimensuelle, permet de suivre l’évolution des thèmes de recherche et autres activités.

ERIA est au centre d’un réseau d’’Instituts de Recherche (RIN) qui, depuis 2009, réunit les centres de recherche dans toute l’Asie de l’Est. Ce maillage est reconnu comme étant la clé de la réussite des travaux de recherche couvrant toute la région, permettant de récolter des informations sur les pays concernés, de mutualiser les informations stratégiques à destination des élites et décideurs de la région.

Les missions

Le programme est piloté par les Japonais mais il fédère désormais les recherches de la plupart des instituts asiatiques sur cette question. C'est par exemple eux qui ont défini les grandes lignes du plan connectivité de l'ASEAN.

Le mandat confié à l’ERIA par le sommet de l’ASEAN prévoit de faire des recommandations aux décideurs et Ministres de la région sur les questions de développement économique, de l’intégration régionale et du renforcement des partenariats dans les pays de l’ASEAN et de l’Est asiatique.

L’ERIA a conduit une série de projets dans le cadre du Plan de Développement Asiatique (CADP), un plan cohérent qui devrait contribuer à coordonner l’expansion et le développement des initiatives et partenariats dans la région et encourager la participation du secteur privé dans ce domaine (dans le cadre de partenariats publics/privés).

On dénombre quatre missions :
- Renforcer l’intégration régionale (en support à l’ASEAN) ;
- Réduire les écarts de développement ;
- S’orienter vers le développement durable de la grande région ;
- Accroitre le sentiment d’appartenance à une même communauté est asiatique.


[1] Comprehensive Economic Partnership in East-Asia (CEPEA) dont le projet est d’associer 16 pays de la communauté d’Asie orientale (Asean 10 + Australie, Chine, Corée du Sud, Inde, Japon et Nouvelle Zélande).

Origine

Le concept d’intégration Nord-Sud et Sud-Nord a toujours été à la base des travaux d’IPEMED. Le concept a été accepté par le Conseil d’Administration du 6 mai 2015. Ce projet a reçu dès le début de l’année 2015 le soutien du Président de l’Union Africaine, du Président de la Ligue Arabe et du Secrétaire général du Service d’Action Extérieure de l’Union Européenne (SEAE).

Organisation

Dans l’immédiat, l’équipe d’IPEMED assure la promotion et porte ce projet. A l’équilibre, dans quelques années, il y aura quatre antennes :
- le siège initial à Paris
- une antenne en Afrique du Nord
- une antenne au Moyen-Orient
- une antenne en Afrique subsaharienne.

Dans la mesure où ce projet doit avoir le soutien de la Commission Européenne, il faudra nécessairement envisager un bureau de liaison à Bruxelles. La Verticale doit avoir le soutien (politique et financier) des institutions mais aussi des acteurs privés, et notamment des entreprises. Le siège social avec ses multiples fonctions aura un budget de 10 millions par an ; il faudra imaginer un budget de 10 millions supplémentaires pour assurer le fonctionnement des 3 antennes. A l’équilibre (en 2020), La Verticale devrait avoir un budget de 20 millions, ce qui est très en deçà des autres think tanks intercontinentaux (CEPAL et ERIA).

Les idées novatrices

La démarche scientifique de la Fondation s’appuiera sur la prospective. Les problèmes économiques seront abordés d’une façon thématique (énergie, eau, sécurité alimentaire, etc.).

Parmi les idées novatrices de la Fondation : la coproduction et le développement industriel ; le développement endogène et inclusif, l’aménagement du territoire et le développement local, la promotion de l’économie sociale et solidaire.

Les missions de La Verticale

La Fondation La Verticale doit devenir le Creuset intellectuel et politique de la grande région Afrique – Méditerranée – Europe. Pour assumer ce rôle, elle remplira cinq fonctions :
- une fonction de think tank pour combler le déficit de connaissances sur cette région et produire des idées nouvelles tournées vers l’avenir ;
- une fonction d’animation d’un mouvement de chefs d’entreprise afin de centrer cette intégration régionale sur les projets de développement ;
- une fonction de médiation et d’influence auprès des institutions internationales et des Gouvernements ;
- une fonction de brassage des décideurs du Nord et du Sud, des secteurs public, privé et associatif, à travers des séminaires de haut niveau ;
- une fonction d’intégration et de mutualisation des informations stratégiques.