Le pari de la Turquie pour une plus grande intégration dans le monde et dans l’Union européenne

Lundi 03 Décembre 2012

Engagée dans un vaste programme de réformes économiques et politiques, la Turquie a opéré une véritable transformation structurelle en vue de son adhésion à l’Union européenne (UE). Les réformes concernant la libre circulation des biens et l’union douanière ont commencé avant l’entrée en vigueur, en 1996, de l’accord d’union douanière avec l’UE. Conformément aux dispositions de cet accord, en plus de mettre un terme aux mesures commerciales restrictives, notamment les tarifs et les quotas, le pays a multiplié ses efforts pour harmoniser sa législation avec celle de l’UE, principalement dans les domaines de la concurrence, l’aide publique et les marchés publics, la propriété industrielle et intellectuelle et les barrières techniques au commerce. Le programme de redressement économique, ou Programme de transition vers une économie forte, mis en place au lendemain des profondes crises financières de 2000 et 2001, a ouvert la voie aux réformes du système bancaire et de la politique fiscale. Par ailleurs, l’indépendance institutionnelle accordée à la Banque centrale et la création de plusieurs agences de régulation (la commission des marchés financiers en 1982, la commission de la concurrence en 1995, l’agence de régulation et de supervision bancaire en 1999, l’agence de régulation des marchés de l’énergie en 2001, l’autorité de régulation des marchés publics en 2002, etc.) ont redessiné l’environnement macroéconomique de la Turquie. En outre, les réformes entreprises sur le plan économique après 2002 ont été accompagnées de réformes politiques pour satisfaire aux critères de Copenhague, notamment l’abolition de la peine de mort et l’octroi, pour les minorités non-turcophones, d’un certain nombre de droits à la diffusion audiovisuelle et à l’éducation dans leur langue. Enfin, l’ouverture en 2005 du processus d’adhésion et les négociations « chapitre à chapitre » avec la Commission européenne ont permis au pays de se familiariser avec les normes et les réglementations européennes et de transformer la structure de son économie.

Au lendemain de la mise en place de l’union douanière, le volume des importations et des exportations a connu une tendance à la hausse. Mais ce n’est qu’après la crise économique de 2000-2001, que les exportations et les importations connaissent une nette envolée. Leur volume s’est vu multiplié presque par quatre et cinq pour atteindre, respectivement, 135 milliards et 241 milliards de dollars en 2011. La libéralisation du marché intérieur a poussé les producteurs turcs à modifier leur attitude et à accroître leur compétitivité. L’industrie a réussi à s’adapter aux nouvelles conditions du commerce et a prouvé sa capacité à répondre aux pressions de la concurrence et aux forces du marché. La croissance de la productivité de l’industrie manufacturière, notamment dans les secteurs ayant une concurrence à l’import, ainsi que le glissement qui s’est opéré à l’export, des secteurs à faible contenu technologique (textile, habillement, alimentation) vers des secteurs avec un contenu technologique moyen (équipement mécanique, automobile), ont permis à l’économie turque de s’intégrer dans la chaîne de production de l’UE. Ce processus a entraîné une expansion des marchés à l’export et l’apparition des nouveaux produits importés contribuant, ainsi, à la diversification de l’offre de produits à moindre coût et de meilleure qualité pour les consommateurs turcs.

Le processus de transformation du pays, ainsi que son statut officiel d’Etat candidat à l’UE, ont rendu l’économie plus attractive pour les investisseurs étrangers. Avant 2005, le volume annuel moyen d’investissements directs étrangers (IDE) n’atteignait pas un milliard de dollars, et ce, malgré la mise en place de l’union douanière et une orientation accrue du pays à l’export. En 2005, l’afflux des IDE s’élevait à 9,6 milliards de dollars et a atteint 13,4 milliards de dollars en 2011.

L’acceptable réussite de la Turquie, après 2001, semble découler des réformes structurelles adoptées qui ont permis d’établir les fondements institutionnels et juridiques d’une économie de marché concurrentielle et moderne. Il convient de souligner que les réformes économiques ainsi que celles sur le plan politique ont contribué à cette réussite. Effectivement, une croissance économique durable repose sur la présence d’institutions de grande qualité, garantissant la démocratie, la règle de droit, la protection des droits de propriété et le respect des droits de l’homme. L’engagement résolu de la part du secteur privé turc dans le processus de réforme a également joué un rôle majeur dans cette transition vers une économie de marché concurrentielle.

Ces réformes structurelles ont apporté la stabilité et la transparence et ont permis d’améliorer l’environnement économique du pays. Toutefois, il reste à la Turquie un long chemin à parcourir pour atteindre le niveau des pays membres de l’UE les plus avancés. Le PIB par tête de la Turquie atteint seulement 22 % de la moyenne des pays de l’UE des quinze en 2011.

Certes, l’entrée dans l’UE a agit comme un véritable levier encourageant le processus de réforme. Néanmoins, il semble que l’ambition de devenir un jour un Etat membre à part entière de l’UE a perdu de son charme. Désormais, la Turquie a besoin d’une nouvelle motivation pour mettre en place des nouvelles réformes.

 

Gül Ertan Özgüzer et Macarena Nuño

 

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