De l’OMS au Conseil de l’Europe : Medicrime et la lutte contre les faux médicaments

Vendredi 22 Juin 2012
Macarena Nuño
Les gouvernements ont commencé à prendre réellement conscience de l’importance et de la dangerosité du trafic des faux médicaments depuis quelques années seulement. Selon les experts et les autorités des certains pays, ce trafic pourrait concerner 60% des produits mis en circulation, notamment dans les pays en voie de développement, et serait 25 fois plus rentable que la vente de la drogue[1].

Parmi les facteurs nombreux qui facilitent ou permettent ce trafic, nous pouvons citer les suivants :
- L’insuffisance du cadre juridique et le manque d’harmonisation entre les législations de différents pays ;
- Les prix élevés de certains médicaments et une faible (voire parfois inexistante) couverture sanitaire qui entrave l’accès aux médicaments notamment pour les populations les plus défavorisées ;
- L’insuffisance des ressources humaines qualifiées  (dans le domaine de la santé, de la justice, des douanes, etc.);
- La multiplication du nombre d’acteurs qui interviennent notamment dans le processus de distribution et commercialisation des médicaments.

Pour enrayer ce fléau, des négociations avaient été initiées, sans succès, à l’OMS afin de mettre en place un instrument de droit international pénal. Deux blocs de pays étaient confrontés : les pays occidentaux (Etats – Unis et pays européens notamment) et les pays émergents (Brésil, Afrique du Sud) qui avaient des points de vue très différents notamment en ce qui concernait le droit à la propriété intellectuelle et la politique des brevets ; l’approche de l’OMS reposant principalement sur ces questions (on parlait donc des médicaments contrefaits).

Tenant compte de ces échecs, le Conseil de l’Europe s’est lancé dans l’élaboration d’un traité international et juridiquement contraignant dans le domaine du droit pénal criminalisant la fabrication, la distribution et la commercialisation des médicaments falsifiés. Pour réussir, il a privilégié une approche totalement différente de celle de l’OMS : le trafic des faux médicaments est, avant tout, considéré comme une atteinte à la santé publique (on parlera désormais des médicaments falsifiés ou faux médicaments). La convention Medicrime a ainsi été adoptée le 8 décembre 2010. En février 2012, 15 pays avaient signés cette convention qui, fait nouveau, est ouverte à la signature des pays non membres du Conseil de l’Europe.

Des actions dans le domaine de la répression et du contrôle sont entreprises par les différents états pour endiguer le trafic de faux médicaments. Il ne faudra pas oublier, également, de mettre en place de façon complémentaire des politiques facilitant l’accès aux médicaments pour tous au moindre coût[2]. Si cette demande des populations n’est pas satisfaite, ils n’auront d’autre choix que de continuer à se tourner vers des marchés parallèles.



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[1] Dossier « Les faux médicaments, un crime contre les plus pauvres. Medicrime, une arme contre ce fléau ? » distribué lors de la conférence organisée par la Fondation Chirac le 21 juin 2012 à l’Université Paris Dauphine.
[2] Des pistes d’action possibles sont présentées dans le rapport d’IPEMED « Les systèmes de santé en Algérie, Maroc et Tunisie. Défis nationaux et enjeux partagés ».
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