Les systèmes de santé au Maghreb

La santé est plus que jamais, au cœur des préoccupations des populations de la rive Sud de la Méditerranée.

Les pays du Maghreb doivent faire face à des transitions longues et complexes (épidémiologique, démographique, organisationnelle et démocratique) avec des moyens financiers limités, dans un contexte où les populations ont une exigence grandissante en matière d’accès aux soins de qualité au moindre coût. Face à l’ampleur des défis à relever et étant donné les complémentarités existantes notamment entre les pays du Maghreb, ces pays doivent engager des reformes structurelles importantes. La mise en valeur de bonnes pratiques et le renforcement de la coopération Sud - Sud et Sud – Nord dans la santé pourraient être également des éléments clés pour réussir les défis communs.

La réflexion que l’IPEMED a menée en collaboration avec un groupe d’experts magrébins, spécialités de santé publique, apport des éléments de réponse.

La crise des systèmes de santé des pays du Sud méditerranéen est aujourd’hui endémique. Tous les acteurs de la santé, usagers et financiers partagent un même diagnostic : l’incapacité des politiques de santé actuelles à satisfaire les besoins des populations concernées.  Les pays du Sud méditerranéen sont donc placés face à un défi commun majeur pour les vingt prochaines années : développer des politiques de santé adaptées aux besoins prioritaires de leurs populations, réalistes notamment sur le plan économique et politiquement soutenues par la majorité de la population.

C’est pourquoi IPEMED ouvre, en 2011, un large débat sur les réformes à apporter aux politiques de santé actuelles afin notamment de définir les priorités en matière de financement, mais également des pathologies à traiter. La première étape consiste en un état des lieux de la santé dans les pays du Maghreb et fera l’objet d’un rapport incluant des recommandations en matière de programmes de santé à l’horizon 2020-2030, réalistes et centrées sur la prise en compte des besoins des populations.

Plusieurs enjeux ont été examinés :
- les principales limites des systèmes de santé actuels, en termes de capacités de financement, de moyens humains et matériels, d’efficacité et de transparence du marché pharmaceutique ;
- comment faire face à la question prioritaire des NCD (Non Communicable Diseases / maladies non transmissibles) comme le diabète, les maladies cardio-vasculaires, les maladies respiratoires, le cancer ;
- comment organiser un marché euro-méditerranéen de la santé et du médicament ;
- quels objectifs prioritaires à fixer en matière de santé ?;
- les besoins et les réformes envisageables permettant de répondre à ces objectifs prioritaires.

Il ne s’agit pas de se substituer aux pouvoirs publics pour définir une politique de santé nouvelle pour chaque pays mais d’élaborer un rapport permettant à chaque pays qui s’engagerait dans la voie des réformes de trouver des éléments de réflexion en soutien à ses efforts.

A chaque étape de la réflexion, le choix a été de mettre en exergue les potentialités et les sources de coopération et de convergence, voire d’intégration, entre ces trois pays et avec les pays de l’Union européenne et d’identifier des pistes d’action et des recommandations concrètes, en cohérence avec le projet global de l’Ipemed, de réfléchir pour pouvoir ensuite agir.

Face aux problèmes de santé, les pays du bassin méditerranéen se trouvent exposés à des risques et des défis communs qui appellent à réfléchir de manière globale.

Le rapport « Les systèmes de santé en Algérie, Maroc et Tunisie : Défis nationaux et enjeux partagés » a deux objectifs principaux. Le premier est d’établir un état des lieux des systèmes de santé dans ces pays mettant en exergue les potentialités et les défis communs. Le second est de présenter des recommandations en matière de politiques publiques de santé qui pourraient faire l’objet de coopérations et d’échanges entre les pays du Maghreb mais également avec les pays de la rive nord de la Méditerranée. Bien entendu, il ne s’agit pas de se substituer aux pouvoirs publics pour définir une politique de santé nouvelle pour chaque pays mais d’élaborer un rapport permettant à chaque pays qui s’engagerait dans la voie des réformes de trouver des éléments de réflexion et des lignes directrices méthodologiques en soutien de ses efforts.

Des axes d’évolution

1 - Avant tout, réaffirmer la place de la santé au cœur du politique et reconnaître qu’il s’agit d’un droit fondamental des citoyens.

2 - Faire de la politique de santé un exemple de démocratie en promouvant des actions d’information, des consultations et des procédures de codécision.

3 - Encourager des pilotages ministériels, gouvernementaux, plus stratèges, permettant au ministère de la Santé de dépasser son actuel rôle de gestionnaire de l’offre des soins pour devenir le chef d’orchestre assurant une logique intersectorielle et transversale des questions de santé et la constitution d’alliances avec d’autres ministères sur des objectifs communs.

4 - Mettre en place des outils de pilotage adaptés et performants permettant la régulation centrale d’une gestion décentralisée des politiques de santé autour des régions qui repèrent les besoins de santé de leur territoire et qui décident.

5 - Développer un système de santé plus orienté vers les usagers (malades et populations), passer d’une logique de l’équipement et hospitalo-centrée à une logique de services et renforcer le rôle du médecin référent.

6 - Promouvoir un système de santé davantage solidaire permettant une prise en charge de qualité et une égalité dans l’accès aux soins pour tous au moindre coût.

7 -  Définir une stratégie d’affectation de ressources financières efficiente au service de priorités clairement identifiées, hiérarchisées et déclinées en programmes nationaux de santé.

8 - Repenser et réorganiser la formation et l’information de tous les acteurs concernés (élus, populations et personnel de santé) au service de nouvelles priorités.

9 - En matière de médicament, entre monopole et libéralisme, mettre en place une régulation accrue du marché encourageant plus de convergence, voir d’intégration, au niveau maghrébin.

10 - Le Maghreb, terre de systèmes de santé attractifs et excellents en herbe, gagnerait à développer davantage les collaborations, voir à faire émerger des alliances, Sud - Sud et Nord - Sud.

Le groupe de travail de haut niveau, animé par le Pr Farid Chaoui et le Pr Michel Legros, est composé des experts suivants :

  -  Mohamed Adbelmoumene, ancien Vice-président de l'OMS, ancien ministre de la santé et ancien ministre des affaires sociales et du travail en Algérie,
  - Noureddine Achour, professeur de médecine préventive et sociale à la faculté de médecine de Tunis et Directeur général de l'observatoire des maladies nouvelles et émergentes,
  - Noureddine Fikri Benbrahim, professeur de médecine sociale, santé publique et hygiène à la faculté de Rabat et Vice-président de l'Université Mohammed V Souissi à Rabat,
  - Jean–Paul Grangaud, professeur de pédiatrie et ancien directeur de la prévention au ministère de la santé algérien,
  - Habib Rejeb, consultant à l’OMS/EMRO dans la formation en santé communautaire et dans la formation des formateurs (Tunisie).

LEGROS Michel

LEGROS Michel

Expert Associé

Professeur de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique
Directeur du département des sciences humaines, sociales et des comportements de santé