Révolution digitale : Quels impacts sur la localisation des activités ? Quelles incidences pour la Méditerranée ?

Jeudi 01 Juin 2017
Pierre Beckouche, professeur des universités Paris 1 Panthéon-Sorbonne, expert associé de l’IPEMED

L’Ipemed travaille depuis longtemps sur le secteur des technologies de l’information. De précédents travaux ont montré son rôle dans le développement, le potentiel du commerce électronique dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (Psem), et l’importance du numérique pour bâtir un espace de confiance entre les deux rives de la Méditerranée. Le présent palimpsestes s’appuie sur ces travaux, et propose en outre une vision prospective de la révolution digitale.

Il devient clair, en effet, que le numérique n’est pas un secteur, mais transforme tous les secteurs d’activité, les sociétés et le pouvoir. Si c’est le cas, les incidences de cette révolution sur le développement au Sud et sur les relations euro-africaines doivent être envisagées dans cette perspective de changement radical.

Envisagé sous un angle technique, le tournant numérique porte un nom : celui du big data. L’effet de cette ressource exponentielle est déjà grand sur l’aménagement urbain avec les smart cities, sur l’aménagement du territoire du fait de l’architecture distribuée de cette ressource, sur le développement local du fait de l’intensification des pratiques collaboratives permise par les outils numériques. Les incidences sur les Psem portent sur le développement urbain, rural, la transition énergétique (smart grids) et la gouvernance.

Envisagé sous un angle économique, cette révolution va bien plus loin que la croissance du secteur des TIC, car elle consiste dans un nouveau paradigme économique : celui du passage de la propriété à l’usage, plus économe en ressources. C’est un atout pour les pays émergents. Jamais dans l’histoire moderne des pays en développement, sauter les étapes n’a autant été envisageable – même si le texte montre que les différents pays du Sud méditerranéen disposent d’atouts inégaux à cet égard.

La révolution numérique conduit même à un nouveau paradigme sociétal. La « troisième révolution industrielle » (Rifkin), le retour des « biens communs » et l’interaction croissante entre sphère économique et sphère sociale, dessinent une nouvelle société. Sur le plan territorial, cela pourrait aider au succès des circuits courts, mais aussi à celui du low cost local dans lequel les services de proximité sont rendus avec une qualité décroissante. Au plan international, le « voisin » acquiert un nouveau statut : il n’est plus un concurrent pour le prélèvement de ressources finies mais, de plus en plus, un partenaire pour la coproduction de ressources nouvelles. Cela change la nature des relations Nord-Sud.

Enfin, plusieurs arguments conduisent à penser que la révolution numérique est même un tournant anthropologique. Car dans ce nouveau monde digital, le risque n’est pas mince que la structure politique ne tienne plus aux institutions mais qu’elle soit ordonnée par les algorithmes des plateformes numériques. L’Europe et l’Afrique sont ici placées devant le même défi, celui de résister à la puissance du Gafa américain.

Le texte ne propose donc pas de solutions opérationnelles pour les acteurs publics et les entreprises. Mais il esquisse une prospective, un exercice qui est lui aussi dans les missions de l’Ipemed.

Nous vous invitons à consulter ce palimpsestes en téléchargeant le document ci-dessous.

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