La confiance dans l’informatisation de la société méditerranéenne

La problématique de la confiance est une des clés de la construction méditerranéenne comme de toute communauté. Elle est la notion pivot de la réflexion proposée par IPEMED dans le rapport « La confiance dans la société numérique méditerranéenne : vers un espace .med ». Ce rapport, réalisé en 2011, a compté avec la mobilisation d’un groupe d’experts Nord – Sud associant des chercheurs, des experts et que des acteurs économiques.

La confiance est un facteur accélérateur des relations et des échanges. Renforcer la confiance entre les hommes, les peuples et les nations, semble donc nécessaire au développement des communautés qui les rassemblent. La communauté méditerranéenne connaît certaines formes de confiance, mais elle est néanmoins traversée par des fractures de méfiance récurrentes. Comment l'avènement d'une société et d'une économie numérique, c'est-à-dire, d'une société et d'une économie où les relations et les échanges s'opèrent à travers des réseaux technologiques virtuels, peut-il modifier la nature, la force et l'ampleur de la confiance qui y règne ?

Les principaux constats de ce rapport sont de deux sortes :
- le numérique, en opacifiant des relations ou échanges, peut réduire de la méfiance, mais il peut aussi en induire en étant associé à de mauvaises prestations, ou à des politiques coercitives ;
- le numérique modifie en profondeur l'écosystème relationnel: plus qu'un média relationnel, il peut être le vecteur d'un espace informationnel commun.

A ce titre, la diffusion du numérique n'est pas juste une question d'appropriation technologique. Il nécessite une véritable stratégie et une gouvernance appropriée pour le mettre au service du développement national, régional et méditerranéen. L'Europe l'a bien compris et a placé la société de l'information comme pivot d'une véritable politique communautaire au service de la croissance économique, de la formation d'un marché unique et de l'avènement d'une « société de la connaissance ». Cet enjeu majeur, en termes de stratégie et de gouvernance, nous le retrouvons bien entendu au niveau méditerranéen. D'où la proposition de développer une politique euro-méditerranéenne globale visant à créer un espace commun numérique et une « société méditerranéenne de l’information et de la connaissance.

Quatre éléments principaux  peuvent structurer cette politique:
- des plateformes numériques de coopération Sud – Sud et Nord – Sud, ou cloud computing d’intérêt général ;
- d’une stratégie industrielle encourageant le développement des contenus (logiciels et programmes) et des services liés aux TIC et soutenant les jeunes ingénieurs au travers des start-up et d’incubateurs ;
- d’un fonds d’investissement dédié aux TIC (medTIC)  fondé sur un partenariat public-privé ;
- d’un soutien fort à la recherche et à la formation.

L’informatisation est l’équivalent de ce qu’a été l’industrialisation. C’est un processus historique qui se déroule sur longue période et qui vise le traitement automatique de tout type d’information.

A l’heure des économies dites de la connaissance ou de l’immatériel, les systèmes d’information sont un des facteurs du développement et de la compétitivité. Pour développer les coopérations, les échanges, le commerce - en particulier le commerce électronique - entre les acteurs des rives de la Méditerranée, il faut garantir la sécurité des transactions et la confiance dans les échanges et le stockage des données électroniques. Cela nécessite le développement de réseaux de communication à très haut débit, un partage des ressources électroniques sur le modèle du partage des capacités des réseaux électriques, et un co-développement en matière de téléservices, de formation et de recherche. Les systèmes d’information partagés (stockage et échanges d’information, services à valeur ajoutée mutualisés à travers des outils de gestion commune), constituent donc un élément clé, à la fois, de la sécurité et de la confiance entre les acteurs de la région.

L’objectif de l’étude lancé en 2010 par IPEMED est d’identifier les pistes qui pourraient aider à la sécurité et à la confiance dans l’informatisation de la société méditerranéenne. Les pays prioritaires d’étude sont, au sein de l’Union européenne, la France, l’Italie et l’Espagne et, dans les pays méditerranéens, l’Égypte, la Turquie et les pays du Maghreb.


Cette politique euro-méditerranéenne globale visant à créer un espace commun numérique et une « société méditerranéenne de l’information et de la connaissance » pourrait être structurée, selon les experts qui ont participé à la réflexion, autour des éléments suivants :

Le développement d’une Méditerranée numérique
Ce premier élément est essentiel car il conditionne l’ensemble de la démarche.
Il implique :
-    La mise en place des plateformes numériques de coopération Sud – Sud et Nord – Sud
ou cloud computing d’intérêt général. Cette plateforme labellisée avec le suffixe « .med » favoriserait le développement du commerce de produits Méditerranéens et des activités comme le tourisme et de façon plus générale, les échanges économiques. Le développement d’un réseau optique cloud favoriserait aussi la diffusion de solutions innovantes dans le secteur de la télémédecine - un des volets social sensitive par excellence,- secteur qui bénéficierait grâce aux TIC, aux services de santé et contribuerait à la réduction des coûts. Cette proposition d’une plateforme numérique « .med » est complémentaire des plans nationaux ou régionaux de développement des TIC mis en œuvre par les pays du Nord, l’agenda de Lisbonne de l'Union Européenne, et les différents plans des pays du Sud de la Méditerranée.
-    Une charte d’usage et de référence et d’un label méditerranéen en matière de TIC
La charte permettrait d’établir des règles communes et une harmonisation des pratiques. Le label serait l’outil permettant une meilleure identification des certains outils TIC stratégiques comme les logiciels ou les firewalls. Tout cela devrait également être accompagné de la mise en place d’une réflexion sur les politiques à conduire en matière de protection de la propriété intellectuelle, de la vie privée et de la souveraineté. Cette réflexion devrait évaluer les avantages de protections renforcées, l’intérêt de certaines ouvertures et le degré d’harmonisation à rechercher, notamment en termes de procédures administratives et de leur interopérabilité (e-gouvernement), mais aussi d’ouverture de données publiques (mouvement d’open data).

La création d’un fonds MEDTIC (partenariat public/privé)
Il financerait toutes les Start up labélisées « .med », ainsi que des plateformes d’échanges. La création de ce fonds - instrument de développement et de coordination - garantirait l’existence de l’espace « .med » qui resterait un vœu pieux s’il n’avait pas de financement solide. Un des premiers projets de ce fonds sera le financement d’un Cloud qui hébergera tous les espaces « .med ».

Le développement d’une stratégie industrielle
Cette politique aurait pour principal objectif d’encourager le développement des contenus (logiciels et programmes) et des services liés aux TIC et de soutenir les jeunes ingénieurs au travers des start-up et d’incubateurs. Elle pourrait également soutenir des projets de contenus structurant de type numérisation du patrimoine culturel méditerranéen ou une Web TV de la Méditerranée.
La production de contenu est très onéreuse et manque cruellement aux pays du Sud. Grâce au fonds MEDTIC les actions de développement et d’innovation seraient consolidées par un financement méditerranéen. Cela contribuerait aussi à enrayer la fuite des compétences, à relocaliser des activités dans les pays d’origine et pourrait favoriser le retour des nationaux installés dans la Silicon Valley.

La promotion de la recherche et la formation
Ce sont deux axes essentiels de toute politique méditerranéenne.
Il s’agirait de former prioritairement les plus jeunes, mais aussi les formateurs, les élus et les dirigeants économiques. Il s’agirait également d’encourager la réalisation d’activités de recherche notamment dans les domaines des énergies renouvelables, du paiement électronique et de la sécurisation des réseaux. On pourrait, dans ce cadre, favoriser la création d’un réseau de technopôles de recherche, innovation et développement pour former des compétences, d’un observatoire méditerranéen de l’immatériel et des données permettant de disposer des données cohérentes et d’une télé géographie performante et d’une université Méditerranéenne, virtuelle et en réseau qui formerait des ingénieurs, mais aussi des artistes, des designers, des scénaristes, etc. pour donner un nouveau souffle à la création de contenus.

La célébration de la Méditerranée numérique
Organisation d’un évènement annuel, culturel, scientifique et pédagogique mettant en valeur la Méditerranée numérique. Cet événement fondateur autour des TIC en Méditerranée permettrait de fédérer la société numérique méditerranéenne et serait l’occasion d’innovations, de découvertes de talents (de type foire, festival, concours …). Ce rendez-vous favoriserait l’échange et la confiance entre toutes les parties et scellerait leur coopération.

Pour mener à bien cette réflexion, un groupe de travail d’une dizaine d’experts, de chercheurs et des acteurs économiques du secteur des TIC, paritaire entre Nord et Sud de la Méditerranée,  a été constitué. Il s’agissait, pour eux, de valider les pistes de travail identifiées, d’en préciser la faisabilité et d’identifier toute autre piste aidant à la sécurité et à la confiance partagée dans les systèmes d’information euro-méditerranéens afin de mettre sur pied une collaboration qui contribuera à accélérer l’entrée des acteurs de la région dans la révolution des échanges numériques.

Ont fait partie du groupe de travail les acteurs et experts méditerranéens suivants :

Pierre BECKOUCHE, Conseiller Scientifique, IPEMED
Vincent BEILLEVAIRE, Délégué Général d’UNIT, Centre de recherche de Royallieu
Bouchra BOULOUIZ, Chercheur et Présidente du Forum des communications au Maroc FORCOM
Emmanuele CARBONI, Vice-président, Telecom Italia
Laurent GILLE, Professeur ENST Paris
Wahiba HAMMAOUI, Doctorante Télécom Paris Tech
Alain KAVENOKY, Ingénieur général des Ponts et Chaussées Honoraire, Directeur scientifique d'UNIT
Nassim KERDJOUDJ, Directeur général, Net Skills
Yamina MATHLOUTHI, Chargée de recherche, IRMC
Alessandra MERCANTI, Telecom Italia
Pierre MUSSO, Professeur Université Rennes et Télécom Paris Tech
Laurent PONTHOU, Orange Program Manager AMEA Technocentre Cluster Voice & AMEA Group Marketing Innovation
Giuseppe RICHERI, Professeur des Universités en information et communication, Facoltà di Scienze della comunicazione, Italie
Gilbert TOUZOT, Président d'UNIT - Université Numérique nationale Ingénierie et Technologie

MUSSO Pierre

MUSSO Pierre

Expert Associé

Professeur Université Rennes et Télécom Paris Tech

Philosophe de formation, docteur en sciences politiques, professeur en Sciences de l'information et de la communication à Télécom ParisTech, ainsi qu'à l'université de Rennes II, et chercheur au LTCI, au LAS Université de Rennes 2 et associé au LIRE -ISH Université de Lyon II.

Il est titulaire de la chaire d'enseignement et de recherche "Modélisations des imaginaires, innovation et création", lancée en octobre 2010, portée par Télécom Paris-Tech et l'Université de Rennes 2

HAMMAOUI Wahiba

HAMMAOUI Wahiba

Experte Associée

Doctorante Télécom Paris Tech