Petit déjeuner de la Méditerranée : L’informatisation de la société méditerranéenne : le rôle des TIC dans les révoltes arabes

Vendredi 08 Juillet 2011

Autour de Pierre Musso, Professeur en Sciences de l’information et de la communication à Telecom Paris Tech
Nassim Kerdjoudj, PDG de Netskills (Algérie)
Bouchra Boulouiz, chercheur, écrivain, présidente du Forcom, Maroc
Et Laurent Gilles, enseignant-chercheur au Département de Sciences économiques et sociales de Télécom Paris Tech .

D’importants lieux resteront dans les mémoires comme des symboles du printemps arabe. On se souviendra de la foule égyptienne se pressant place Tahrir ou encore des Tunisien scandant « Ben Ali dégage » devant le ministère de l’intérieur. Mais c’est aussi au sein d’un espace virtuel, sur « la Toile », que ce sont joués les moments clé de ces soulèvements populaires.

Eléments déclencheurs ou simples moyens modernes de contestation, quel rôle ont joué les NTIC dans les révoltes arabes ? Le rôle des nouvelles techniques d’information et de communication dans le printemps arabe, s’il soulève de nombreuses interrogations, ne peut être ignoré. Internet est apparu comme une véritable plate-forme de résistance. Les blogs et réseaux sociaux, initialement dédiés aux expressions individuelles, sont devenus relais d’information et moyen de coordination des populations permettant ainsi le passage d’une cohésion et d’une solidarité virtuelle à une contestation bien réelle.

L’informatisation de la société méditerranéenne est un enjeu primordial d’intégration régionale. Si en matière d’accès, d’utilisation, de production ou encore de maitrise de ces technologies, la région méditerranéenne est loin de constituer une zone homogène, les Tic en facilitant le dialogue, le commerce et les échanges sont vecteurs de co-développement et rapprochent les deux rives de la Méditerranée.


Compte rendu petit déjeuner :

La première intervenante, Bouchra Boulouiz a commencé par un rappel historique car le cyberespace méditerranéen est l’aboutissement contemporain des premiers réseaux qui datent du XIXè siècle –l’origine étant les Saints Simoniens- et signale le besoin de créer un cyberespace qui pourrait lier « la matière et l’esprit » des aspirations méditerranéennes. Laurent Gilles pense que la confiance est importante pour le développement des relations politiques et s’interroge sur le rôle que la numérisation va jouer sur les « mécanismes de confiance ». Il se demande quel est le rôle exact des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans les soulèvements arabes. Selon lui certains pays ou communautés sont plus à même que d’autres à les utiliser pour faire face aux problèmes politiques, surtout dans les pays où les TIC représentent une partie importante du PIB (par exemple +10% en Egypte et en Tunisie).

Nassim Kerdjoudj s’intéresse à la place des entreprises dans le développement des TIC dans le pays du Sud. L’appropriation et la consommation des TIC dans les pays du sud ont commencé à partir des années 90 et, malgré l’écart dans l’expertise et les compétences, elles ont été plus rapides au Sud qu’au Nord. Dans les pays du Sud où l’éducation est moins développée, l’internet a réduit le monopole des universités sur la formation. Il y a eu aussi une démarche individuelle par les jeunes du Sud pour apprendre, non identique à celle des jeunes du Nord qui « choisissent des voies spécifiques pour tel ou tel rôle ». Selon lui, la nouvelle technologie (ex. Apple) permet à des personnes de créer des applications et de les vendre (par exemple sur iPhone). L’utilisation des technologies a été clé selon lui dans les soulèvements arabes. La question qui se pose est celle de savoir comment les fonds venant du Nord vont influencer l’utilisation de ces technologies. Il voit une tendance dans les pays du sud-est de la Méditerranée à investir dans des compétences techniques y compris dans les universités. Dans les pays du sud-ouest de la région (ex. Maroc) l’investissement est plus axé vers le marketing pour attirer les entreprises étrangères quand l’Algérie investit dans les infrastructures. Bouchra Boulouiz ajoute que des pôles de compétitivité au Maroc sont « entièrement modelés » sur la Technoparc Sophia Antipolis en France, ce qui signifie un transfert de compétences.

Pierre Musso estime que parler de » révolution Facebook » est excessif, que les TIC sont un facteur d’amplification des activités, que la technique est un outil qui accroit les capacités humaines mais que ce ne sont pas les technologies de l’information qui sont à l’origine des soulèvements dans les pays du Sud. Le numérique peut être vecteur d’un espace commun mais il ne faut pas le confondre avec la définition des causes qui sont elles, démographique, sociale, économique, politique, etc. Ces éléments coïncident avec l’accroissement rapide de l’utilisation internet dans les pays arabes et du rôle de la jeunesse, fer de lance de ces révolutions. 80% des jeunes utilisent internet et 60% les réseaux sociaux. Ensuite Pierre Musso a présenté trois outils pour réaliser cet « espace numérique dans la Méditerranée » : la création d’un CLOUD définissant un espace .med ; une charte d’usage et de référence et un label méditerranéen en matière de TIC favorisant une harmonisation des pratiques ; une réflexion sur les politiques à conduire en matière de propriété intellectuelle. En réponse à une question de Jean Louis Guigou par rapport au contrôle de cet espace numérique, Laurent Gilles reconnait que les CLOUD utiliseront des serveurs localisés dans des pays avec telle ou telle charte. Il faut donc que les autorités « aient confiance » et permettent l’indépendance opérationnelle des réseaux CLOUD.

Par Keith Nadim Carr, Stagiaire IPEMED

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