Afrique : Après le G20 décevant, il faut préparer Abidjan

Humeur n°202 -
Lundi 10 Juillet 2017 - Jean-Louis Guigou

Avec beaucoup d’obstination et de volonté, la chancelière allemande et son gouvernement ont voulu donner à l’Afrique une place de choix dans le G20. Les milieux diplomatiques allemands parlaient même d’un plan Marchal pour l’Afrique. Or la déclaration finale fut beaucoup moins ambitieuse qu’espérée. Ce fut, à la limite, une déception. Seuls deux points figurent dans la déclaration finale des chefs d’Etat, d’une part aider les pays africains volontaires qui ont déjà toutes les chances de réussir leurs décollages (Côte d’Ivoire, Nigéria, Ethiopie, Maroc, Algérie, Tunisie, etc…). D’autre part encourager les investissements privés à venir s’investir pour produire et créer des emplois en Afrique.

Mais dans cette réunion du G20 le plus intéressant fut la prise de conscience par l’Allemagne de l’intérêt que représente l’Afrique pour l’Europe. A partir des menaces de migrations, de plus en plus massives, de l’Afrique vers l’Europe, les Allemands sont arrivés à la conclusion que le seul moyen efficace était de contribuer au développement de l’Afrique en y créant des emplois et non pas en exportant des biens. Les Allemands veulent reproduire en Afrique ce qu’ils ont fait dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO). Ce n’est plus le travail qui migrent vers le capital mais le capital qui se déplace vers les populations.

Cette vision de l'Afrique par les Allemands s’inscrit tout à fait dans un impératif géopolitique beaucoup plus vaste consistant à faire l’alliance régionale Europe-Méditerranée-Afrique. En effet cette grande région doit se constituer pour mutualiser les solutions face aux défis communs que constituent le terrorisme, l’émigration et le réchauffement climatique.

Mais face à ces défis, une opportunité historique se dessine : l’Afrique peut devenir l’usine du monde du XXIème siècle. C’est l’intérêt des chinois qui entendent implanter en Afrique quelques 85 millions d’emplois par suite de l’augmentation des revenus des classes moyennes en chine ; c’est l’intérêt des africains qui selon Jean-Michel Severino, se lancent avec gourmandise et pugnacité dans l’aventure industrielle afin de satisfaire les besoins locaux pour les classes moyenne émergentes ; c’est l’intérêt enfin des européens de coproduire avec les africains pour se lancer ensemble dans la conquête des grands marchés des pays émergents.

Enfin construire cette grande région Europe-Méditerranée-Afrique est un impératif politique car il s’agit de rattraper le retard par rapport aux Etats-Unis qui sont très investis dans l’intégration économiques des pays de l’Amérique du Sud et par rapport à la Chine qui est très investie dans l’intégration des pays du Sud-Est asiatique. Comme le souligne le dernier rapport de la CIA sur l’état du monde en 2050 « des zones d’influence privilégiées sont en train de se constituer sous l’impulsion des Etats-Unis et de la Chine ». Mais ce rapport ne mentionne pas, ou très peu, l’influence que peut avoir l’Europe sur le développement des pays africains. Pour peser dans le monde multipolaire, l’Europe et l’Afrique ont intérêt à renforcer leur coopération. Comment ? en faisant du sommet Afrique-Europe de fin novembre à Abidjan le grand rendez-vous historique des Africains et des Européens.

L’alliance avec l’Europe, en contrepoids de la puissance chinoise en Afrique doit être équitable. La France pourrait entraîner l’Europe et jouer de son capital sympathie. L’ambiance à Abidjan devrait être différente de celle d’Hambourg.

Lors de ce sommet Afrique-Europe d’Abidjan, trois outils devraient être mis en place :

  • Un outil politique – un new deal – où seraient clairement posées les questions du passé colonial, de la corruption, et de coproduction,
  • Un outil financier avec une institution paritaire où se retrouveront la BAD, la BEI et la Banque Arabe du développement pour l’Afrique,
  • Un outil intellectuel avec une fondation La Verticale Afrique Méditerranée Europe véritable creuset économique et politique pour ensemble accélérer les transitions et progresser dans l’intégration économique et culturelle de deux continent, l’Europe et l’Afrique, avec la Méditerranée comme pivot.

Le sommet Afrique-Europe à Abidjan devrait être le point de départ d’une grande aventure collective, celle des peuples et des jeunes d’Afrique et d’Europe qui s’approprient leur destin.

 

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