Microalgues : à la conquête de « l’or vert » en Méditerranée ?

Humeur n° -
Lundi 26 Septembre 2016 - Kelly ROBIN

Article paru sur le site d’Environnement Magazine le 26 septembre 2016.

Les microalgues, ces algues microscopiques présentes en milieu marin ou dans les eaux saumâtres, figurent parmi les premières créatures vivantes, apparues voici environ 3,5 milliards d’années. Leur collecte et leur utilisation est très ancienne, même si peu d’espèces sont réellement répertoriées. Aujourd’hui, les micro-algues les plus utilisées (Spiruline, Chlorelle, Dunaliella et Haematoccus) représenteraient un marché cumulé de plus de 500 millions de dollars. Contrairement aux idées reçues, la production de molécules à haute valeur ajoutée (santé, compléments alimentaires, cosmétiques) constitue le segment le plus porteur, à court terme, devant les biomatériaux et l’alimentation animale, et surtout, devant l’utilisation de micro-algues pour la dépollution et la production d’énergie. Face à cette palette d’applications, les pays méditerranéens investissent de plus en plus dans la recherche, la production, la valorisation et la commercialisation de ces « produits du futur ». Eclairages à partir d’un rapport récemment publié par l’Institut de Prospective Economique du Monde Méditerranéen (IPEMED).

UN POTENTIEL INSUFFISAMMENT EXPLOITE EN MEDITERRANEE

Alors que l’Asie, et en particulier la Chine, est le premier producteur de micro-algues au monde ; en Europe, c’est surtout l’Allemagne et l’Espagne qui ont, historiquement, investi le secteur. La France se situe dans une position paradoxale : pionnière en matière de recherche amont (1er rang pour les publications et 4ème rang mondial pour le dépôt de brevets en 2010), elle ne représente que 5% des investissements sur les projets au niveau mondial et fournit une production industrielle anecdotique. La quasi-totalité des pays méditerranéens se trouvent dans une situation comparable : les entreprises peinent à lever des fonds suffisants pour installer des pilotes de production industrielle permettant de fournir des échantillons de produits aux clients potentiels et de lancer la filière.

La raison est-elle d’ordre technique ? Pour Jean-Louis RASTOIN, expert associé à l’IPEMED, les pays méditerranéens sont surtout confrontés à des modèles économiques à ce jour non compétitifs dans leur univers concurrentiel, dominé par la « civilisation du carbone fossile ». Ceci est d’autant plus vrai pour la production de biocarburants, qui a pourtant été l’objet des premiers investissements dans le secteur aussi bien dans les pays du Nord que du Sud de la Méditerranée ; des organismes comme le Centre de développement des énergies renouvelables (CDER) en Algérie et la fondation Mascir au Maroc ayant été pionniers en matière de recherche microalgale à vocation énergétique. Mais la tendance serait-elle en train de s’inverser ? Dans le contexte du changement climatique et d’une recherche de modes de production et de consommation durables (Objectif du développement durable n°12), la « production de microalgues offre une opportunité exceptionnelle, particulièrement pour les pays méditerranéens, de créer des filières alimentaires d’un type nouveau, depuis la production jusqu’à la transformation en ingrédients en haute valeur ajoutée », souligne Dr. Laurenz Thomsen, Professeur de Géosciences à l’Université de Jacobs à Brêmes.

QUELS MODELES STRATEGIQUES POUR LES MICROALGUES EN MEDITERRANEE ?

Le potentiel productif de matière microalgale est particulièrement élevé dans les pays méditerranéens de l’Union européenne (qui représentent 85% du potentiel européen), mais surtout dans les pays de la rive sud du bassin, en raison d’un ensoleillement et d’une biodiversité exceptionnels, de l’importance des surfaces maritimes et lagunaires, etc. Ces paramètres sont propices à la mise en place de filières de coproduction euro-méditerranéenne, et à l’identification de modèles de développement de la filière adaptés au contexte régional.

En effet, dans les pays du Sud de la Méditerranée, dominés par un marché de la spiruline relativement mature, la production de microalgues est parfois présentée comme une solution originale œuvrant au développement durable des espaces ruraux, et comme source complémentaire de revenus et de valorisation d’un patrimoine culturel, alimentaire et territorial menacé. A cet effet, la production, la transformation et la commercialisation de coproduits à haute valeur ajoutée, dans le cadre du développement conjoint d’une chaîne de valeur, n’aura de sens que si ces activités s’inscrivent dans un schéma territorial pertinent et si la structure de ladite chaine de valeur est relativement équilibrée entre les acteurs du Nord et du Sud de la Méditerranée. 

Alors à quand la création d’un fonds euro-méditerranéen dédié à la création de co-filières bioéconomiques et en particulier microalgales ? Au-delà du développement de ce secteur, il est en effet temps d’encourager davantage de coopération entre organismes de recherche, entrepreneurs, agences nationales de développement, de part et d’autre de la Méditerranée.

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