La place de la Méditerranée dans le sommet du G8

Humeur n° -
Mercredi 08 Juin 2011 - Keith Nadim Carr. Stagiaire à IPEMED
Dans la déclaration finale du G8, les dirigeants des huit grandes puissances comparent « les changements historiques actuellement à l’œuvre en Afrique du Nord et au Moyen-Orient [aux] transformations [...] survenues en Europe centrale et orientale après la chute du Mur de Berlin » et apportent à nouveau leur soutien au « printemps arabe ». D’après le communiqué du sommet, les banques multilatérales pourraient fournir plus de 20 milliards de dollars, dont 3,5 milliards d’euros provenant de la BEI (Banque européenne d’investissement) au profit de l’Égypte et de la Tunisie pour 2011-2013, en soutien aux réformes qui s’imposent". []

Pensé par les autorités françaises comme une manière de relancer le processus institutionnel de l’Union pour la Méditerranée, le sommet du G8, qui s’est tenu à Deauville les 26 et 27 mai 2011, a accordé une large place aux pays du pourtour méditerranéen et aux « printemps arabes ».Toutefois L’approche régionale méditerranéenne n’a pas été intégrée dans les discours des autres dirigeants du G8.

Revue de la presse francophone et anglophone du Nord et Sud de la région.

La presse française s’intéresse particulièrement aux déclarations des dirigeants français et européens pour financer le développement des pays « Méditerranéens » comme la Tunisie et l’Egypte ; Les Echos y voient une occasion pour relancer le processus institutionnel d’Union pour la Méditerranée. Libération insiste sur le rôle de l’UE pour mener vers la création d’états de droit. Le Monde rappelle, quant à lui, le montant de $5milliards, avancés par la BEI et le FEMIP à l’Egypte et la Tunisie entre 2011-13 ; les $35milliards du FMI, et les $6milliards de la Banque Mondiale. Les montants annoncés étant considérés comme insuffisants et négligeables en comparaison des sommes dépensées pour financer les guerres en Irak et en Afghanistan.

A travers un entretien avec le vice président de la BEI, Philippe de Fontaine-Vive, La Tribune détaille les « $40milliards pour le printemps arabe » évoqués lors du sommet : $20milliards seraient dégagés par des institutions tels que la BM, la BAD, la BEI et la BERD ; l’autre moitié relevant d’aides bilatérales surtout de la France, la Grande Bretagne et des Etats-Unis, sous forme de réduction de dette pour l’Egypte. Revenant sur le rôle de la BEI et plus précisément du FEMIP, qui devrait s’engager à hauteur de « 6 milliards jusqu’en 2013 », l’idée serait de booster immédiatement l’économie Tunisienne en favorisant notamment la création d’emplois dans les domaines de la construction routière et de la production d’engrais ; en Egypte, la priorité des financements allant aux projets d’infrastructure et au soutien des entreprises en Egypte.

La Croix souligne par ailleurs que les dirigeants du G8 cherchent à utiliser les institutions internationales comme mécanismes de financement de la Méditerranée, contrastant avec la tradition d’aides bilatérales vers ces pays. Selon Les Echos, le projet d’Union pour la Méditerranée, soutenu surtout par la France, trouve toute sa pertinence dans le contexte du plan d’action multilatérale de soutien aux pays arabes, annoncé en avril par les Présidents Sarkozy et Obama, et aujourd’hui porté financièrement par la BM, le BAD, la BEI, la BERD en collaboration avec la Banque Islamique de développement, pour investir dans une « croissance durable selon les aspirations des citoyens et une meilleure gouvernance qui serait transparente ». L’UpM cherche une nouvelle image et de nouveaux partenaires dans les pays en transition, particulièrement en Egypte et en Tunisie, où les anciens dictateurs étaient des partenaires stables. Les Echos rappellent que l’UpM est vue par Nicolas Sarkozy et Alain Juppé comme un élément « essentiel » de la stratégie Européenne.

Plutôt sceptique, la presse anglo-saxonne critique globalement « l’insuffisance et l’ambiguïté » des promesses de financement des pays du G8 en soutien aux printemps arabes. The Independent souligne notamment l’écart entre les $40milliards annoncés par le président Sarkozy et les $2milliards mentionnés dans la déclaration finale. Pour le Financial Times, les sommes annoncées ne sont pas à la hauteur des enjeux. L’économiste Joseph Stiglitz y rappelle notamment que les interventions militaires en Irak et en Afghanistan ont moins fait avancer la démocratie que les révolutions en Tunisie et en Egypte. Il serait donc plus judicieux d’investir dans ces pays plutôt que de poursuivre des actions militaires coûteuses.

Pour le New York Times, les promesses des pays occidentaux sont motivées par « la peur d’une dérive islamiste qui pourrait résulter de la crise économique » dans le monde arabe. Selon celui-ci, le soutien des pays du G8 aux pays arabes dépendra de la capacité de ces pays à s’ouvrir au marché, à créer massivement des emplois et à gérer les crises politiques et institutionnelles intérieures. Du côté de l’Union Européenne, European Voice regrette également que les questions de changement climatique n’aient pas été davantage corrélées aux bouleversements qui sont intervenus dans la région. Tout en reconnaissant la responsabilité des pays européens envers les pays du Sud, European Voice souligne encore que la crise en Europe, et les mesures d’austérité qui sont prises actuellement, risquent de freiner le soutien à la transition démocratique dans les PSEM.

Au Sud et à l’Est de la Méditerranée

Globalement, la presse dans les PSEM porte un regard plutôt positif sur les résultats du sommet. Ainsi, pour le quotidien marocain Au Fait, l’aide économique promise à la Tunisie et à l’Egypte est une forme de soutien au processus démocratique qui est en cours. Le journal Tunisien Leaders voit également dans ce sommet un vrai succès diplomatique pour la Tunisie. La proposition formulée par les dirigeants du G8 de créer des « partenariats de long terme pour les pays qui choisissent la voie démocratique » est perçue comme une source de réelles opportunités pour la Tunisie. Et c’est avec une certaine confiance qu’est attendue la prochaine réunion des ministres des Finances et des Affaires étrangères des pays participant au Sommet du G8, le 12 Juillet prochain, à Bruxelles, au cours de laquelle les pays du G8 devraient confirmer leurs engagements envers l’Egypte et la Tunisie.

L’hebdomadaire Egyptien Al-Ahram, interprète les déclarations officielles comme des encouragements aux populations des pays en transition démocratique à résister aux tentations anti-démocratiques qui fleurissent en ces temps de crise économique. La stratégie du G8 est comparée à celle du plan Marshall pour les pays Européens au sortir de la seconde guerre mondiale. Les Etats Unis et surtout l’UE auront intérêt à nouer des partenariats avec des pays potentiellement démocratiques, ayant ouvert leur marché. Pour l’UE, l’enjeu sera également de limiter les migrations venant. Mais Al Ahram critique également l’écart entre les montants annoncés par les dirigeants du G8 et les demandes d’aide formulées par l’Egypte et la Tunisie, de $12milliards et $25milliards pour les prochaines années.

Le quotidien algérien El Watan est quant à lui très méfiant quant aux promesses faites par les dirigeants du G8 à l’Egypte et la Tunisie. Mettant en avant l’ambigüité des conditions de financement et une crainte de « néocolonialisme » éventuel. Pour El Watan, les pays en transition auraient davantage besoin d’initiatives favorisant le rapprochement entre les économies des pays du Nord et du Sud de la Méditerranée.

Liens :

 Les Echos « La France entend profiter du G8 pour relancer l’Union pour la Méditerrané » 20 mai 2011

 Libération « A Deauville, un G8 mâtiné de printemps Arabe » Vittorio de Filippis27 mai 2011

 Le Monde « Le G8 propose 40 milliards de dollars pour le printemps arabe » 27 mai 2011

 La Croix « Le G8 soutient les révolutions arabes et l’Afrique démocratique » 27 mai 2011

 La Tribune « Le printemps arabe est l’occasion de refonder l’Union pour la Méditerranée » entretien avec Philippe de Fontaine-Vive 31 mai 2011

 EurActiv « L’UE échafaude son plan pour aider les pays de la Méditerranée » 02 juin 2011

 Financial Times « West must help Tunisia to nurture democracy » Joseph Stiglitz 25 mai 2011

 The Guardian « G8 summit : aid package for Arab Spring tops agenda » Patrick Wintour 26 mai 2011

 New York Times « Aid pledge by G8 seeks to bolster Arab democracy » Liz Alderman 27 mai 2011

 The Independent « G8 pledges billions to support Arab Spring » John Lichfield 28 mai 2011

 European Voice « Leaders fail to grasp enormity of Arab Spring » 01 juin 2011

 Au Fait « G8 : 40 milliards pour le printemps arabe » 27 mai 2011

 Leaders « La participation à la réunion du G8 ouvres de larges perspectives à la Tunisie » 29 mai 2011

 El Watan « Le printemps arabe s’invite à Deauville » 30 mai 2011

 Al-Ahram « Un soutien de poids aux révolutions arabes » Gilane Megdi (non-daté)

 Al-Ahram « G8 aid with strings attached » David Tresilian (non daté)
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