Fédéralisme au Nord, régionnalisme au Sud

Humeur n°114 -
Mercredi 29 Mai 2013 - Jean-Louis Guigou

Tel Camille Corot, qui inlassablement répétait à ses détracteurs « je ne suis jamais pressé d’arriver au détail », François Hollande dessine petit à petit sa vision de l’avenir : celui de la France dans l’Europe et celui de l’Europe dans le monde.

Deux modèles se dessinent : au Nord, en Europe, un fédéralisme économique et politique ; au Sud, en Méditerranée et en Afrique, la constitution d’une grande région réunissant des pays développés vieillissants à des pays jeunes émergents.

Le fédéralisme au Nord ? Il est en marche, avec le renforcement de l’intégration économique, la mise en place d’un gouvernement économique permanent au niveau européen, l’harmonisation sociale, une communauté européenne – et certainement demain euro-méditerranéenne – de l’énergie, un budget spécifique. C’est la marche aussi vers l’union politique avec, enfin, des réponses esquissées aux demandes de la chancelière Angela Merkel, qui réclamait, il y a deux ans, un fédéralisme renforcé.

Ce fédéralisme progressif qui s’esquisse, est rendu possible car les Français et les Européens ont peur. Or l’Europe ne progresse qu’à travers des peurs : peur de la guerre dans les années 50, peur du communisme dans les années 80, peur désormais du déclin et du populisme qui submerge les nations européennes. Face à ces peurs, les Européens peuvent endurer le choc et le traumatisme que constitue l’abandon progressif d’éléments essentiels de souveraineté tels que la gouvernance des choix économiques ou de la politique monétaire.

La situation économique de la France et de l’Europe est trop tragique pour continuer à favoriser comme depuis 40 ans, la consommation et le court terme au détriment de l’investissement, de la production à long terme. Dans cette situation de peur de l’avenir, les Français préfèrent travailler plutôt que consommer. Le moment est venu de mettre sous le boisseau la politique de la demande et de lancer une politique de l’offre pour recomposer notre tissu industriel, malmené depuis 30 ans par la mondialisation et le libéralisme qui ont permis à la Chine de nous déverser ses produits à bas coûts.

Régionalisation au Sud ? Entre la mondialisation libérale et financière dérégulée et le retour au nationalisme, il existe maintenant une voie médiane : la régionalisation. L’Amérique du Nord a constitué, avec ses deux voisins, le Canada et le Mexique, l’ALENA. Les pays sud-américains ont eux aussi constitué leur grand marché commun en intégrant, en juillet dernier, le Venezuela pour constituer le Mercosur. Ces deux grandes zones coopèrent de plus en plus pour dessiner une grande région continentale, qui prend la forme d’un « quartier d’orange » Nord-Sud. De son côté, la Chine a constitué avec tous ses voisins un immense marché commun, l’ASEAN+5, de 2,5 milliards d’habitants, avec ses propres régulations.

L’Europe, qui avait pris de l’avance en 1957 en créant la Communauté économique européenne, a bien réagi en intégrant dans les années 90 l’Europe centrale et orientale. Il faut maintenant mettre cap au Sud en deux temps : en premier lieu, créer une union euro-méditerranéenne qui associera d’ici quelques décennies une population de 500 millions en Europe et 500 millions dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée et le Moyen-Orient ; dans un deuxième temps, très rapproché, envisager une grande région Europe-Méditerranée-Afrique, en intégrant 2 milliards d’Africains, dont un quart seront francophones en 2050.

A l’image de ce que les Japonais ont fait vis-à-vis des Dragons et des Tigres de leur région dans les années 60 et 80, à l’image de ce que l’Allemagne a réussi à faire dans les années 2000 avec ses voisins d’Europe centrale et orientale, il faut en finir avec le modèle obsolète « import-export » et préconiser l’intégration par la production. C'est-à-dire le redéploiement de l’appareil productif. C’est le sens de ce que François Hollande a proposé aux Algériens d’abord, aux Marocains ensuite et aux Tunisiens demain : la co-localisation, la co-production et la création de filières transméditerranéennes. Les chefs d’entreprises du Nord et du Sud sont en phase avec cette orientation. La crise est européenne, la solution est euro-méditerranéenne.

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