La crise des pays émergents sera-t-elle durable ?

Humeur n°139 -
Lundi 10 Mars 2014 - Jean-Louis GUIGOU

Les pays émergents sont en crise : baisse des taux de croissance, pollution, mouvements sociaux…

Cette crise est elle passagère -liée notamment à la politique monétaire des Etats-Unis, ou bien est-elle durable ?

Nombreux sont les observateurs qui considèrent cette crise comme passagère. La Chine, mais aussi le Brésil, la Russie et l’Inde, devraient reprendre une croissance à un rythme effréné tant les besoins sont importants.

Mon opinion diverge : la crise dans les pays émergents pourrait être longue et durable aux motifs suivants : les pays émergents veulent faire en trente ans ce que les pays de l’OCDE ont fait en 300 ans. Or sur la base d’un taux de croissance à deux chiffres, le modèle de développement produit des pollutions excessives, des destructions de villes, de paysages, de vallées, pour y bâtir de grands barrages, des destructions de traditions et de structures familiales, à un rythme insupportable pour les populations. En Chine, des dizaines de millions de laissés pour compte s’entassent aux abords des grandes villes, des millions de ruraux clandestins croupissent dans les mégapoles. Les inégalités sont criantes et trop souvent les richesses sont confisquées par la corruption.

Comment gérer des mégapoles comme le Caire ou Mexico, où s’entassent des millions de personnes ?

Dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée -la Tunisie notamment- les disparités entre la frange côtière et l’arrière pays ont allumé la mèche des révolutions arabes.

La croissance économique, trop rapide sur quelques décennies, créée trop de destructions, de déchets physiques et humains, de disparités, de tentations de corruption, pour être durable.

Face à ces déséquilibres, à ces destructions et à ces disparités, les populations des pays émergents se révoltent. Elles exigent plus de liberté, d’équité, moins d’exploitation et moins de corruption… tout cela ralentit considérablement la croissance des pays émergents. Paradoxalement, c’est, à moyen et long terme, une bonne orientation pour tout le monde :

-    En deçà de 4% à 5%, la croissance peut être durable et inclusive avec recyclage des déchets, entretien et formation du capital humain pour le plus grand nombre, contrôle démocratique, contre-pouvoirs…
-    Au-delà, la croissance n’est plus durable, elle devient exclusive avec trop de laissés pour compte et de disparités ;
Voilà pourquoi je pense que les pays émergents, et notamment les PSEM, vont voir leur croissance durablement contenue et limitée à des taux raisonnables.

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