Le pari de l'intégration économique

Humeur n°131 -
Dimanche 26 Janvier 2014 - Jean-Louis Guigou

Le 50ème anniversaire de la mort de Robert Schuman (4 septembre 1963 à donné lieu à des débats sur la construction européenne. Le parallèle avec la construction de la grande région euro-méditerranéenne me paraît pertinent.

Après la guerre, Robert Schuman pensait que la France et l'Allemagne devaient se réconcilier et créer une communauté. La voie politique étant périlleuse, il privilégia la voie économique en poussant la création en 1950 de la CECA puis en 1957 avec le traité de Rome, la création de la CEE (Communauté Economique Européenne). Le pari de Robert Schuman était double :
•    "On ne fait pas la guerre avec les pays avec qui on fait des affaires" aimait-il à répéter;
•    "L'intégration politique naîtra des suites de l'intégration économique".
Ce pari semble avoir été gagné ; après la crise financière de 2008, l'Allemagne pousse la France à accroitre l'intégration politique (gouvernance intégration bancaire, convergence fiscale… ) dans de nombreux domaines.

Entre l'Europe et les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée, et du Maghreb en particulier, il est temps de faire un pari comparable. Promouvoir l'intégration économique et repousser l'intégration institutionnelle et politique.  Plusieurs raisons renforcent ce choix de l'économie comme fer de lance de la régionalisation :
•    Il y a une forte demande, au Sud, de développement économique inclusif. Les jeunes (50 % de la population a moins de 24 ans) veulent travailler, se loger, consommer, voyager comme leurs voisins au Nord.
•    Le "rouleau compresseur" des intérêts économiques fait que la co-production avec un pied au Nord et un pied au Sud, se met en place. Selon l'OME, le contenu en importation des exportations (échange intra-entreprises) ne cesse de s'accroitre : il était de 20 % il y à 20 ans ; il est de 40 % de nos jours et sera de 60 % dans 20 ans.
Or ces importations massives pour parachever la qualité des productions ne vient que du voisinage. C'est dire combien la proximité géographique importe (contrôle de la qualité, traçabilité, coût de transport). C'est dire aussi combien la sphère de déploiement de l'économie européenne va, à moyen terme, inclure les PSEM et réciproquement les industriels de la rive Sud ont besoin de la rive Nord.
•    La complémentarité est évidente car tout ce qui manque au Nord (le jeunesse, les marchés, l'énergie) on le trouve au Sud et réciproquement, tout ce qui manque au Sud (la technologie, la stabilité juridique, le grand marché) on le trouve au Nord.
•    La III° révolution industrielle (chimie verte + TIC + numérique) donne un net avantage  comparatif à la rive Sud.

Au total, le pari de promouvoir en priorité l'intégration économique entre les deux rives de la Méditerranée est un pari gagnable, à moyen terme. Plus les opérateurs privés feront ce pari, et plus les pouvoirs publics seront enclins à leur emboiter le pas.

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