Le Retour de la proximité géographique

Humeur n°133 -
Mardi 28 Janvier 2014 - Jean-Louis Guigou

Pendant longtemps la mondialisation des échanges a été  boostée par la baisse tendancielle des coûts de transports et par la possibilité de produire en masse à bas prix, n'importe où, n'importe quoi, avec n'importe qui, des produits de grande consommation. Ce modèle à permis à de nombreux pays d'émerger, aux délocalisations de se multiplier et à de nombreuses populations d'accéder à la consommation. Depuis la crise de 2008, le paradigme a changé… On parle de relocalisation, de réindustrialisassions des pays développés, de régionalisation, d'intégration par la production et surtout de production de qualité (cf modèle allemand).

IPEMED, qui milite pour la régionalisation inévitable de l'économie et la constitution de grands ensembles intégrés, souvent Nord/Sud (Alena, Mercosur, Asean, Union Européenne, EMEA (Euro Middle East Africa), etc…), fonde son argumentation sur le retour de la proximité géographique. La mondialisation a cru tuer la géographie, les territoires, les distances. Or elle revient en force sous-tendue par deux forces, deux tendances lourdes liées au commerce mondial incluant les nouveaux partenaires que sont les pays émergents :
•    1ère Force : l'exigence de l'innovation permanente et la maîtrise des process de production de qualité assurent la suprématie des territoires organisés. Souvent au Nord, en effet, les innovations naissent, pour la plupart, dans des clusters, des technopoles, des districts, qui associent universités, entreprises et formation professionnelle. Ce sont des lieux innovants très fortement spécialisés car constamment fécondés par des économies externes spécifiques. La recherche fondamentale avoisine la recherche appliquée et l'expérimentation garantit la qualité des process de production et celle des produits. La mondialisation des échanges impose la spécialisation des territoires. Cette première tendance assure la suprématie "des lieux", des territoires organisés (administrativement, économiquement) ou prédomine la proximité, le face à face, l'échange rapide, la concurrence, la stimulation, la confrontation, etc… la Silicon Valley est le modèle parfait.
•    2ème Force : la production de qualité et la dilatation de la chaine de valeur redonnent toute sa valeur à la proximité géographique. Le monde occidental, confronté à la production de masse des pays émergents, est condamné à produire de la qualité. Or comme dans un espace de petite dimension, région administrative, nation, etc… toutes les compétences ne sont pas assurées au meilleur coût, les chaînes de valeur se dilatent et incluent les pays du voisinage qui sont à des niveaux de développement différent. Or pour contrôler des fragments de production à haute valeur ajoutée pour, au total, produire de la qualité, les contrôles incessants imposent la proximité géographique. C'est ainsi que l'Allemagne a redistribué partiellement son appareil de production, à haute valeur ajoutée, dans les pays de l'Est européen. Pour exporter de la qualité, l'Allemagne a compris ce concept en misant sur  la proximité. Mais le Japon a fait de même avec les Dragons et les Tigres ; et les Etats Unis avec le Mexique et l'Amérique du Sud.

En définitive, la régionalisation de la production se met en place, impulsée par la production d'innovation et la nécessaire production de qualité. Certains économistes argumentent que la baisse tendancielle des coûts de transport est finie et qu'il y aurait un retour de la proximité. Cet argument ne tient pas, car les meilleurs spécialistes en la matière (Y. Crozet, A. Bonnafous du Laboratoire Economie des transports (LET)) observent que la baisse tendancielle des coûts de transport se poursuit sur la très longue période. Certes, il y a des chocs réguliers sur le coût de l'énergie qui entrainent les baisses des coûts de transports. Mais les gains de productivité qui suivent ces chocs maintiennent la baisse tendancielle des coûts de transport, tant pour les voitures, les camions, l'aérien et le maritime, les gains de productivité garantissent encore (pour combien de temps ?) la baisse des couts de transport. Si donc, il y a un retour puissant de la géographie et de la proximité, c'est pour d'autres raisons que les coûts de transports

Conclusion, il faut repenser l'économie à partir de la géographie, des territoires et de la proximité, non pour des raisons de coûts de transport mais pour des raisons d'innovation et de production de qualité. Un jour, demain, dans quelques années, les exigences écologiques et la nécessaire réduction des coûts de transport renforceront ces tendances déjà à l'œuvre avec les circuits courts (cf humeur sur les liens entre circuits courts et qualité).

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