Le retour des Scientifiques

Humeur n°229 -
Mardi 14 Avril 2020 - Jean-Louis GUIGOU

L'Humeur de Jean-Louis GUIGOU
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Le retour des Scientifiques



La puissance (relative) du monde occidental, c’est d’avoir essayé de trouver le juste équilibre qui fonde anthropologiquement notre société, entre :

- Les clercs (administration, monde politique, armée; etc…) qui élaborent le cadre et les règles du jeu et les font respecter ;

- Les sachants (scientifiques, experts…) qui analysent, découvrent, innovent et anticipent les évolutions. À ce sujet, Pierre Musso a raison d’insister sur la nécessité de bien distinguer les scientifiques des experts car, « le problème avec les experts, c’est qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’ils ignorent » ;

- les mondes productifs (entrepreneurs, services, culture, santé) qui créent de la valeur ajoutée par la transformation.


Trop longtemps, ces cinquante dernières années (fin du Gaullisme), les scientifiques ont été marginalisés. Le monde productif et l’économie ont pris le dessus… trop longtemps et tout seuls. 

Au moyen-âge, c’était l’Église qui les malmenait.


Or,
on assiste à un retour des scientifiques, car le monde étant devenu trop complexe, les clercs et les productifs ne sont plus armés pour résoudre les problèmes auxquels la société est confrontée. 

En voici quelques exemples : 

Le GIEC – (Groupement d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) fédère, depuis trente ans, 192 pays et 40 des meilleurs laboratoires scientifiques de climatologie. Ses préconisations font autorité ; 

l’IPBES – Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, créée en 2012 par l’ONU, rassemble 127 membres et fédère 339 organismes observateurs. Son siège est à Bonn, en Allemagne.              

Les conseils scientifiques sur le Coronavirus qui conseillent les Gouvernement sur la gestion de la crise.

EAT Lancet, plateforme suédoise sur la sécurité alimentaire.

Le retour des scientifiques dans le débat politique est une très satisfaisante évolution : les scientifiques éclairent les choix et les politiques décident. 

Edgar Pisani aimait à me raconter qu’une fois par an le Général de Gaulle rassemblait à l’Elysée, pendant une journée, les meilleurs scientifiques, (médecine, biologie, digital, nucléaire etc…). Il se mettait, tout seul, au fond de la salle et s’adressait à ces éminents scientifiques par ces mots « Maîtres, je suis votre élève » et prenait des notes sur un petit cahier.

Dans les relations entre l’Europe et l’Afrique qui devraient s’intensifier avec la régionalisation de l’économie, les scientifiques européens et africains ont la lourde tâche d’objectiver les débats et de proposer un diagnostic partagé – sinon les relations, trop marquées par la colonisation, risquent de se fourvoyer et de s’enliser dans des impasses. 

Voilà pourquoi une fondation est nécessaire pour accélérer l’intégration de la grande Région AME (Afrique-Méditerranée-Europe).


Jean-Louis GUIGOU

Paris, le 10 avril 2020

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