Les Accords Post-Cotonou ?

Humeur n°209 -
Lundi 29 Octobre 2018 - Jean-Louis GUIGOU

L’accord de Cotonou, conclu pour une durée de 20 ans (2000-2020) régit les relations entre l’Union Européenne et les 79 pays du Groupe Afrique/Caraïbes/Pacifique.

Cet accord est en cours de renégociation. On parle de "l'accord post-Cotonou" pour une durée de plusieurs décennies (2020 – 2030 ? voire 2040).

C’est dire son importance !

Après avoir dressé un bilan et apporté des suggestions, nous verrons dans quelle mesure le nouvel ordre mondial impose des transformations radicales.

1 le bilan critique et les suggestions :

1.1 Le découpage géographique n’est plus pertinent
Le mélange des anciennes colonies françaises et anglaises de 1975 avec l’Afrique, les Caraïbes et le Pacifique est trop hétérogène.
Il faudrait s’en tenir à « toute l’Afrique ».

1.2 La tutelle de deux Commissaires européens, aux idéologies trop différentes, voire opposées, conduit à l’inefficacité
L’un dit « le commerce va faire le développement », et l’autre donne la priorité au développement et pense que « le développement fait le commerce ». Il faudrait confier la tutelle des futurs accords à l’UE et à l’UA en privilégiant le développement et l’investissement.

1.3 Les procédures technocratiques sont inévitables mais inadaptées.
Parce qu’il y a trop d’hétérogénéité entre Pays les Moins Avancés (PMA) tels que le Niger et le Mali, et les pays émergents (Ghana, Côte d’Ivoire, Cameroun), trop de fragilité dans les ensembles régionaux africains comme la CEDEAO (Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest) fondée en 1975, les négociations des APE (Accords de Partenariat Economiques) tardent à être signés. Seulement 6 ont été signés en 20 ans.
Il est proposé de donner la priorité au développement industriel et aux infrastructures.

1.4 Le secteur privé est exclu et les administrations restent toute puissantes
L’accord de Cotonou est un accord entre des administrations, la Communauté Economique d’un côté et les Communautés africaines ainsi que le ministère de chaque pays des ACP.
Or le nouveau contexte d’industrialisation des pays africains impose que le secteur privé soit sollicité et s’engage.
Toutes les grandes organisations patronales européennes et africaines devraient être consultées, associées et s’engager, que ce soit Business Europe, EBCAM, etc. du côté européen et la Commission Economique Africaine de l’Union Africaine (UA), notamment.

1.5 Les aides multilatérales ou bilatérales ont une efficacité de plus en plus contestée.
Dans son rapport spécial (1) intitulé « Aide de l’Union Européenne à l’architecture africaine de paix et de sécurité : un recentrage s’impose », la Cour des Comptes Européenne a estimé que l’appui de l’Union Européenne à l’architecture africaine de paix et de sécurité a peu d’effet. L’instance a ensuite suggérée que cette aide soit recentrée.

Sans entrer dans les détails techniques, les accords commerciaux, souvent à l’avantage des pays européens, conduisent les pays européens à dédommager les pays africains par « des aides », souvent des dons qui génèrent la corruption et le mécontentement. Le Président Ghanéen, Nana Akufo Addo a déclaré « les aides, ça n’a pas marché, ça ne marche pas, ça ne marchera jamais » (2).

2. le nouveau contexte impose des transformations radicales

2.1 Le nouveau contexte est constitué par la juxtaposition, ou le voisinage entre :
- Une Union Européenne mâture et vieilissante menacée de stagnation ;
- Une Afrique, jeune et dynamimque en pleine expansion ;

Dès lors, chacun doit exprimer ses intérêts prioritaires :

- L’Europe recherche des relais de croissance au Sud et souhaite limiter les migrations définitives au profit de la mobilité professionnelle ;
- L’Afrique recherche à quitter l’économie de rente, à s’industrialiser à partir de ses matières premières et à créer ses modes de gouvernance.

2.2 Sur ces bases, un nouveau traité Europe/Afrique pourrait remplacer Cotonou (aide et commerce) avec quatre instruments qui ont fait leur preuve dans les autres régions continentales du monde entre les deux Amériques et le bloc asiatique :
- Un instrument intellectuel et scientifique : une fondation pour être le creuset de l’intégration de l’axe Afrique-Méditerranée-Europe (AME) et maintenir le cap de l’intégration dans la durée ;
- Un instrument financier pour assurer la sécurisation des investissements et la mobilité des capitaux ;
- Un instrument économique qui favorise la redistribution de l’appareil de production ;
- Un instrument politique de concertation entre l’Union Européenne et l’Union Africaine.


C’est à ce prix que la grande région AME se construira.

(1) Sylvain Vidzraku – Paix et sécurité : l’aide de l’UE à l’Afrique à « peu d’effets selon la cour des comptes européennes – via la Tribune jeune Afrique – 21/09/2018
(2) Nana Akufo Addo – Discours du 29 Novembre 2017 à Accra revevant le Président de la République Emmanuel Macron.

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