Les «court – termistes» opposés aux «long- termistes»

Humeur n°138 -
Lundi 10 Mars 2014 - Jean-Louis Guigou

L’opposition entre la droite et la gauche existe toujours.

Mais, il y a une caractéristique qui prévaut et à elle seule, créé un clivage profond. Celle qui oppose ceux qui agissent dans le court terme et ceux qui privilégient l’anticipation et le long terme.
Longtemps, le secteur privé a privilégié le court terme alors que l’Etat et la puissance publique  agissaient dans le long terme. Or désormais, même l’Etat a abandonné sa responsabilité de promouvoir la pensée à long terme. Le Commissariat Général au Plan n’existe plus ; la prospective est absente des ministères et la planification apparaît comme obsolète. L’idéologie « court-termiste » et la foi dans le marché ont envahi toutes les sphères de l’Etat. Les « court-termistes » sont en majorité des consommateurs, ils croient au marché, aux opportunités, au libre échange. Ils rejettent l’appareil d’Etat et les régulations. Les « court-termistes », sont individualistes, rapides, efficaces. Ils profitent des catastrophes, et « surfent » sur les événements, et sont même capables de tirer de précieux avantages. 

Les « long-termistes » inscrivent leurs actions dans la durée, dans des projets. Ils anticipent les innovations. Ils sont plutôt industriels et saint-simoniens, immergés dans la production et l’investissement. Ils ont donc besoin de lisibilité, besoin d’Etat et de régulation.

Dans les années 1960, le couplage de l’Etat jacobin puissant d’une part, et de l’esprit créatif de nos ingénieurs d’autre part, laissait croire au prospectiviste américain, Herman Khan invité à la DATAR par Jérôme Monod, que la France pouvait devenir une très grande puissance (TGV ; Ariane, Airbus, nucléaire). 

Mais au même titre que le capitalisme a vaincu le communisme, le marché, le commerce, la spéculation et la finance, en un mot le « court termiste », pour des raisons presque  similaires, ont triomphé en Occident sur la production industrielle ; la régulation publique s’est amoindrie et les appareils d’Etat (ministères, agences, organisations publiques) se sont appauvris en capital humain.

Les « court-termistes » ont, semble-t-il, gagné.

(Seuls le Japon, et surtout l’Allemagne, avec un capitalisme rhénan, selon la définition de Michel Albert, résistent, ancrés au territoire et insérés dans une pratique culturelle locale de cogestion. Ce faisant, l’Allemagne réalise des prouesses. Mais tiendra t- elle sur le long terme ?)

Le résultat est catastrophique : le présent à court terme, au jour le jour, devient invivable. Tous les problèmes s’accumulent dans le désordre. Les solutions sont proposées dans la précipitation, les esprits malins et agiles profitent de ces désordres pour s’enrichir. Mais la majorité des hommes vivent la galère au quotidien. La société devient nerveuse. Elle se braque sur des avantages acquis, tels les syndicats et les organisations professionnelles, « car un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». L’un est sûr, l’autre ne l’est pas.

Sans orientation, sans ambition, sans projet collectif, la société se délite, le « vouloir vivre ensemble » devient impossible ; la haine et le populisme s’installent.

Pour en sortir, il faut revenir à la prospective, au long terme, proposer une vision, un cap, une vision collective, car un peuple n’avance pas s’il ne sait pas où il va.

A IPEMED nous avons volontairement mis l’accent sur la prospective. Notre vision, notre projet, c’est la grande région, Méditerranée – Afrique. C’est une tendance, lourde, qui se construit au quotidien et qui se construit par l’économie.

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