L’internationalisation des entreprises et l’intégration régionale

Humeur n°130 -
Samedi 25 Janvier 2014 - Jean-Louis Guigou

IPEMED défend l’idée de la régionalisation de la mondialisation : entre les nations et la mondialisation, se constituent de grandes régions « mondiales » comme l’Union Européenne, l’ALENA, l’ASEAN+6.
L’évolution de ces grands ensembles tend à rapprocher des pays du Nord développés et vieillissants à des pays du Sud jeunes et émergents.

L’expérience montre que la constitution de ces grands ensembles régionaux se fait davantage par l’intégration des systèmes productifs que par l’échange commercial. Ces grandes régions sont le siège de régulations tant dans les domaines de l’énergie, des flux financiers, de la mobilité des entreprises…
Des données récentes permettent d’affiner ce double processus d’internationalisation des entreprises et d’intégration du voisinage par la production.  
Lors de la XXIème Conférence des Ambassadeurs en Aout 2013, le Vice-président du MEDEF, Jean-Claude Volot, a révélé des chiffres angoissants pour l’économie française : seulement 100 000 entreprises françaises exportent ; alors qu’elles sont 200 000 à exporter en Italie et 300 000 en Allemagne.
Comment donc combattre cette évolution négative :
•    Faire du redressement productif, prôné par Arnaud Montebourg, un succès. Après quatre décennies où tous les gouvernements en France, de droite et de gauche, ont fait une politique de la demande pour soutenir la consommation et le pouvoir d’achat, nous avons tous été complices de la destruction de notre appareil de production, en nous « gavant » de produits venant d’Asie. Il faut donc changer de stratégie et prôner une politique de l’offre.
•    Avec les Plans Régionaux d’Internationalisation des Entreprises et la co-production, Nicole Bricq engage les entreprises et les collectivités locales dans un processus de réindustrialisation et de partage de la valeur ajoutée entre partenaires du Nord et du Sud. Elle les convie, avec justesse, à s’internationaliser.

Pour appuyer ces actions politiques, IPEMED « milite » pour l’internationalisation avec les pays proches géographiquement.
Dans une étude récente, l’OCDE et l’OMC ont révélé l’évolution récente et future du commerce international. Pascal Lamy a extrait les chiffres suivants :
•    Il y a 20 ans, il y avait 20% d’importations dans la valeur ajoutée des exportations des entreprises de l’OCDE ;
•    A l’heure actuelle, il y en a 40% ;
•    Et dans 20 ans, il y aura 60% d’importations dans la valeur ajoutée des exportations des entreprises.
C’est dire l’importance des importations dans les exportations.

La chaîne de valeur se dilate donc dans l’espace. Le Japon avec les Dragons, dans les années 60, ont montré les vertus de l’intégration dans la chaine de production ; les Tigres, dans les années 80, en ont tiré un parti exemplaire. Dans les années 2000, l’Allemagne et les PECO ont montré les aspects vertueux de cette intégration par la production et le partage de la valeur ajoutée à tous les stades de la production.

Lors de la même XXIème édition de la Conférence des Ambassadeurs, Agnès Bénassy-Quéré a révélé que plus les entreprises exportaient, plus elles importaient et plus elles étaient compétitives. Ces importations de biens intermédiaires proviennent du voisinage immédiat. Les Allemands estiment qu’ils rapatrient les pièces détachées dans un rayon de 1500 à 2000 km maximum.

Une étude réalisée par Maxime Weigert et Hassan Bendabderrazik pour IPEMED en mars 2011 montre que la part des biens intermédiaires dans les importations allemandes de biens industriels est passée de 51% en 1994 à 56% en 2006 mais surtout les importations de biens intermédiaires de Chine plafonnent à 6 milliards d’euros alors qu’elles sont de 25 milliards pour les PECO !
En conséquence, ce rôle d’hinterland joué par les PECO pour l’Allemagne a été très bénéfique pour les deux parties.

Dans les dix prochaines années, l’Afrique du Nord pourrait devenir l’hinterland de la France et de l’Europe et tirer le meilleur parti de sa main d’œuvre qualifiée, de ses ressources en énergies renouvelables et de sa position par rapport à l’Afrique subsaharienne. Autant d’avantages comparatifs lui permettant de tenir un rôle important dans la chaîne de valeurs et qui intéresse les PME/PMI qui ne peuvent pas aller s’internationaliser en Chine ou en Amérique, du fait de l’éloignement géographique et culturel.
Déjà de nombreuses entreprises du Nord vont au Sud et d’autres du Sud remontent au Nord dans le cadre de la coproduction.

Le temps est fini de l’économie de rente au Sud et de la prédation du Nord.
Le moment est venu de partager la valeur ajoutée au bénéfice des deux rives de la Méditerranée.

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