Pourquoi repenser la politique énergétique dans le cadre euro méditerranéen

Humeur n°140 -
Vendredi 30 Mai 2014 - Par Jean-Louis GUIGOU

Depuis de nombreuses semaines, le président de GDF SUEZ, associé à plusieurs énergéticiens européens, exprime sa colère face à l’incohérence de la politique énergétique européenne. Les producteurs européens d’électricité souffrent du regain d’importation européenne du charbon à bas prix en provenance des Etats-Unis, qui se déchargent de leurs stocks devenus inutiles pour cause d’exploitation des gaz de schiste. A cette difficulté vient s’ajouter la difficulté à supporter le coût, de plus en plus lourd, des subventions au prix des énergies renouvelables.

Quelle solution proposer ? Mes multiples missions dans les pays d’Afrique du Nord et les retours d’expériences provenant de nos partenaires des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, laissent penser que l’énergie constitue un défi tant au Nord qu’au Sud de la Méditerranée. Les pays du Sud sont confrontés à la transition énergétique qui leur impose d’économiser leurs énergies fossiles et de privilégier le développement des énergies renouvelables à des fins domestiques. Ils doivent également  faire face au désordre que provoque le recours massif au marché spot dans les relations Nord/ Sud. A l’évidence, l’Europe a beaucoup de difficultés à concevoir une politique énergétique en Europe et qui plus est vis-à-vis de son voisinage. Comment pourrait-il en être autrement dans un contexte où tous  les pays qui la constituent sont consommateurs et concurrents !L’une des solutions serait de faire rentrer une offre additionnelle tant conventionnelle que renouvelable. Et c’est là que les pays du Sud méditerranéen peuvent être étroitement complémentaires de l’Europe. Il y aurait en Tunisie 4000 heures de vent par an contre 2000 heures en France. Le prix de revient de l’éolien terrestre est de 80 euros/Mwh en Europe contre 40 euros le Mwh en Afrique du Nord. Le prix du Mwh d’origine solaire est de 250 euros en Europe alors qu’il n’est que de 150 euros en Afrique du Nord. A l’évidence, ces coûts comparatifs montrent la réelle complémentarité entre le Nord et le Sud. Mais il y a mieux.

André Merlin, Président exécutif de MEDGRID, constate qu’en été l’Afrique du Nord est confrontée à un pic de consommation d’électricité dû à un recours important à la climatisation. Ces surconsommations  peuvent être prises en charge par un transfert d’énergie d’origine conventionnelle en provenance d’Europe. Inversement en hiver l’Europe a énormément besoin d’énergie pour son activité industrielle et pour lutter contre le froid et l’Afrique du Nord pourrait transférer des Mwh supplémentaires à partir de sa production d’énergie solaire et éolienne. Si les pays Nord africains investissent pour produire l’électricité nécessaire à ce pic de consommation estival , le coût marginal sera aussi élevé que celui imposé aux  pays européens pour répondre à leur  pic hivernal. Au total tant pour des raisons de coût de production que de disponibilités des ressources, il apparaît évident que les deux rives de la Méditerranée sont complémentaires. Voilà pourquoi la stratégie développée par Medgrid constitue une perspective raisonnable. Il s’agit de construire entre les deux rives de la Méditerranée des réseaux de transports d’électricité qui pourraient opérer dans les deux sens, permettant ainsi de répondre en temps réel aux besoins des pays. L’Espagne dispose déjà d’une interconnexion avec le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Même si le coût de construction de ces réseaux est élevé, leur retour sur investissement est éminemment rentable car rapidement compensé par les économies réalisées en évitant les coûts de construction d’équipements supplémentaires au Nord comme au Sud et en réduisant les coûts de production d’énergies.
 

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