Trois raisons de remettre en cause la Politique Européenne de Voisinage (PEV)

Humeur n°157 -
Mardi 16 Décembre 2014 - Jean-Louis Guigou

La Politique Européenne de Voisinage (PEV) a été conçue lors du Conseil Européen de Stockholm (23 et 24 mars 2001) en perspective de l’élargissement de l’Union Européenne en 2004 à dix nouveaux Etats membres (pays d’Europe centrale et orientale) affin d’éviter l’apparition de nouvelles lignes de partage en Europe. Cette politique PEV a été formulée par la Commission Européenne en mai 2003. Destinée à la Biélorussie, l’Ukraine, la Moldavie (2004), elle fut étendue aux pays du Caucase méridional (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan) ainsi qu’au partenariat euro-méditerranéen (Algérie, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Palestine, Tunisie, Syrie)… Une vraie salade russe !

Je constate que, après le printemps arabe, cette PEV, incluant de façon indifférente le voisinage Est et le voisinage Sud, n’est plus appropriée et performante pour traiter les problèmes spécifiques aux pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM).

Trois raisons autorisent de remettre en cause la PEV, dans sa forme actuelle, pour le Sud de la Méditerranée :

1. La dénomination « voisinage » est maladroite et mal perçue au Sud

Voisinage veut dire que le voisin ne sera jamais l’égal. Il est à côté. Il est marginal, non essentiel, secondaire. Cette dénomination est quelque peu condescendante, hautaine voire méprisante. Après les Printemps Arabes, elle est perçue ainsi au Sud. Cette question fut abordée avec pertinence par Eneko Landaburu lors de la réunion des membres du COP d’IPEMED, le 4 décembre, en marge du Forum EMCC de Sousse.

2. La confusion entre l’Est de l’Europe et le Sud Méditerranéen est inexacte et inappropriée car :
• Les réalités politiques sont différentes. Les populations de l’Est se considèrent « européens » et revendiquent l’intégration. Les populations du Sud se satisfont de la coopération.
• Les réalités économiques sont différentes. A l’Est, vieillissement démographique, agriculture, reconversion industrielle. Au Sud, jeunesse de la population, sources d’énergie abondantes, transition économique pays émergents.
• Les réalités géographiques sont différentes, le Sud Méditerranéen étant menacé de désertification, sécheresse, réchauffement climatique, pollution de la Méditerranée. Rien de tel à l’Est.
• Les réalités politiques et culturelles sont différentes. Au Sud, les réalités qui priment sont les transformations profondes du monde arabo-musulman qui méritent un accompagnement spécifique.

3. L’utilisation des mêmes politiques – pour l’Est et le Sud – est contre performante.
En effet, le contenu de la PEV est trop uniforme, « top down », centré sur le libre échange (ALECA !) avec une offre financière insuffisante de 1 milliard/an pour les PSEM alors qu’il en faudrait 10 milliards/an pour faire face aux besoins criants du Sud. De plus, la Méditerranée se trouve « partagée » entre différents commissaires : le service extérieur (SEAE), le Commissaire au voisinage et à l’élargissement et le Commissaire à la coopération internationale et au développement.

En conclusion, il faudrait différencier « l’Est européen » et « le Sud méditerranéen » et en revenir à un partenariat euro-méditerranéen spécifique avec un budget et pourquoi pas un Commissaire.

En attendant, espérons que la Vice-présidente de la Commission et Haute Représentante aux Affaires Etrangères de l’Union Européenne Mme Federica Mogherini assurera une coordination efficace de tous les services de la Commission pour spécifier le partenariat euro-méditerranéen.




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