Analyse de la presse euro-méditerranéenne ( juin 2011 )

Humeur n° -
Lundi 18 Juillet 2011 - Keith Nadim Carr, stagiaire à IPEMED
La coopération entre le Nord et le Sud de la Méditerranée a continué de susciter un certain intérêt auprès des médias. Si la presse francophone analyse les développements dans un contexte euro-méditerranéen, la presse anglophone s’intéresse davantage à l’Union Européenne et l’évolution de sa politique régionale. La presse francophone est divisée entre celle du Maghreb et du Liban qui suit de près les annonces relatives aux projets de l’UPM susceptibles de bénéficier à leur pays respectifs, et celle de la France qui cette fois-ci s’intéresse moins au processus institutionnel de l’UPM, qu’à la sortie d’un rapport sur la pollution en Méditerranée. Tandis que la presse du Sud s’intéresse à la coopération énergétique, elle ne se fait pas l’écho ce mois-ci de la dégradation environnementale.

L’UPM et ses projets

Libération (Maroc), publie une tribune de Fathala Oualalou, Maire de Rabat, dans laquelle il analyse l’histoire récente des relations euro-méditerranéennes, et met en avant la nécessité d’élaborer une nouvelle stratégie européenne pour que le processus de Barcelone et l’UPM puissent contribuer à la transition démocratique et au développement des pays arabes dans la région. El-Moujahid (Algérie) voit dans le printemps arabe une nécessité pour les pays européens de reconsidérer leur politique envers la région, en particulier en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, la Libye et la politique de migration. De même, Le Matin (Maroc) rapporte les constats du ministre des Affaires étrangères italien, Franco Frattini qui critique les « partenariats de convenance » et évoque le besoin de créer des liens académiques et culturels entre les jeunes de la région. Actu Maroc s’intéresse à la conférence « Aux confluences des coopérations » organisée à Lyon le 9 juin dernier. A cette occasion, le président de l’ADMR, Ismail Alaoui, a appelé à un « processus de co-développement » pour traiter des questions telles que la fuite des cerveaux et la migration Sud-Nord. Selon lui, l’UPM devrait initier un programme d’aides qui bénéficierait à tous. A l’issue de cette conférence, l’interaction entre diversité, coopération et sécurité dans la région euro-méditerranéenne est apparue comme une évidence.

Au Fait (Maroc) annonce la nomination prochaine de Bernardino Leon, diplomate espagnol, au poste de représentant spécial de l’Union Européenne pour la région du sud de la Méditerranée, dont la mission sera de formuler une nouvelle stratégie d’aide pour la région. Statut Avancé (Maroc) rapporte les discussions entre les autorités marocaines et Charles Milhaud autour du projet de création d’une banque euro-méditerranéenne, destinée à dynamiser la croissance et à créer des emplois dans les pays de la rive Sud. Le Commerce du Levant (Liban) affirme que la banque du Liban soutient cette initiative qui pourrait créer « une architecture financière propre à la région ». Selon Neemat Frem, président de l’Association des Industriels Libanais, la création de cette banque pourrait aider le Liban à se « détacher des considérations politiques pour tout type de décision économique ». Une tribune de Olivier Younès, publiée dans Le Jmed.fr évoque l’importance de la « société civile économique » en matière d’investissement dans les PME en Méditerranée, et reprend le constat de la Banque Mondiale : l’investissement en capital dans les pays émergents est le « nouveau centre de gravité du métier dans le monde ».

Au Fait revient sur l’accord passé entre la BEI et Promos portant sur la création à Milan d’un centre pour les PME euro-méditerranéennes. Dans un autre article, le quotidien décrit le projet de construction d’une usine de dessalement à Gaza, proposé par l’Autorité Palestinienne et approuvé par l’UPM, qui reconnait la crise humanitaire causée par le blocus israélien. Le journal Boursier (France) s’intéresse au partenariat signé entre SoiTec, Schneider et l’Agence Marocaine pour l’Energie Solaire dans le cadre du Plan Solaire Méditerranéen qui devrait s’achever en 2012. Le Matin s’attarde sur la nomination du nouveau secrétaire général de l’UPM, Youssef Amrani, qui préconise un renouveau de l’UPM basé sur « un partenariat d’égal à égal ». Le blog anglophone MedLetter constate que l’Union Européenne a vite réagi au printemps arabe, « en fournissant à la Tunisie et à l’Egypte des aides financières et un soutien politique », notamment à travers une nouvelle proposition intitulée « A new response to a changing neighbourhood ».

Un article sur le site d’Al-Jazeera présente le printemps arabe comme une opportunité pour l’Europe d’aider au développement des pays en transition. Il reprend des critiques formulées à l’encontre du processus de Barcelone, qui n’apportait pas de réponses financières aux réformes démocratiques, donnait la priorité aux problèmes européens tels que l’immigration et la sécurité et ignorait certains besoins des économies du Sud, tels que l’ouverture des secteurs agricole et textile en Europe. L’article considère l’évolution de la politique méditerranéenne de l’Union Européenne comme insuffisante par rapport aux besoins du sud. Il constate que l’UPM, apparu en même temps que la « guerre de Gaza » en 2008, n’a pas suscité beaucoup d’intérêt chez les dirigeants politiques. L’auteur suggère à l’Europe de conditionner ses aides financières au développement de la démocratie et des libertés et de soutenir l’éducation dans les pays arabes, entachée aujourd’hui par « trop de religion ou de nationalisme ».

Maroc Agriculture reprend un article de Maghreb Arabe Presse, qui décrit la création d’un groupe d’amitié entre l’UE et le Maroc. Pour l’agence de presse marocaine, cette initiative est une conséquence de la réforme constitutionnelle au Maroc. Pour le quotidien La Croix (France), en soutenant les évolutions institutionnelles au Maroc, la France « tente d’accompagner le mouvement démocratique au Maghreb » et en entend ainsi continuer à « jouer un rôle central dans cette partie du monde ». L’article note que la France suit la transition en Tunisie et solidifie les relations bilatérales avec l’Algérie, tout en appelant à plus de coopération dans le cadre de l’UPM. Algérie Focus présente une revue de presse de la visite d’Alain Juppé en Algérie. Si la presse officielle a salué un approfondissement des relations bilatérales entre les deux pays, la presse indépendante s’est quant à elle interrogée sur la position économique et politique de la France vis-à-vis de l’Algérie. Algérie Focus s’intéresse particulièrement aux nouveaux partenariats privés entre les deux pays, et souligne les positions politiques qui opposent parfois la France et l’Algérie. L’Algérie condamne notamment l’intervention militaire de l’OTAN en Libye et refuse de s’enthousiasmer pour l’UPM tant que le problème Palestinien ne sera pas résolu. Le Post (France) s’interroge sur la position d’Alain Juppé et de la France par rapport au Sahara Occidental, un sujet qui cause des tensions entre le Maroc et l’Algérie et qui « paralyse toute ambition politique » dans la région. L’Algérie reproche à Alain Juppé de « soutenir la position du Maroc », alors que la France dit soutenir le « processus des Nations Unies ». El Watan (Algérie) revient sur l’approche de l’ancien président socialiste François Mitterrand à l’égard du Maghreb et de l’Algérie en particulier.

Energie et Environnement

Concernant l’énergie, Tunis Afrique Presse annonce que le pays a soumis des projets hydrauliques et environnementaux à l’UPM pour lesquels elle sollicite des financements et souligne à cette occasion la pertinence de l’UPM sur les questions qui touchent aux problématiques de l’eau et de l’environnement.

Un article dans Maghreb Emergent compare le développement des énergies renouvelables au Maroc et en Algérie. Le Maroc profite déjà du potentiel éolien sur sa façade atlantique quand l’Algérie vient de construire son premier parc éolien. En ce qui concerne le solaire, le Maroc multiplie les investissements venus de l’étranger (notamment via Desertec) dans ce secteur. Il a reçu l’appui de la BEI qui rappelle que le développement solaire est une priorité pour l’UPM. L ’Algérie, bien que possédant un fort potentiel dans ce domaine, hésite à se lancer dans le solaire et ne fait pas appel aux investisseurs étrangers. Pour Maghreb Emergent, la raison serait essentiellement politique, l’Algérie favorisant Sonelgaz, une des entreprises nationales dans ce domaine et refusant par là-même les offres de la Banque Mondiale pour développer les énergies renouvelables. Selon Tewfik Hasni, ancien vice-president de Sonatrach, le pays ne pourra pas toujours s’appuyer sur le gaz pour satisfaire la demande énergétique du marché euro-méditerranéen et devrait donc développer le solaire en parallèle. Le quotidien en ligne rappelle que le Maroc a besoin de plus de gaz en provenance de l’Algérie, afin de développer son secteur solaire, exposant ainsi les atouts d’une stratégie de coopération entre les deux pays.

La Vie Eco (Maroc) relaye l’appel du Ministre marocain de l’énergie et l’environnement pour une « interdépendance énergétique des pays du Nord et du Sud de la méditerranée ». Selon l’hebdomadaire marocain, l’interdépendance dépendra des infrastructures, suggérant que soit initié le projet de création de la boucle électrique méditerranéenne. Sur ce point, le Portail Algérien des Energies Renouvelables critique un manque de coordination entre les différentes initiatives pour développer l’énergie en méditerranée (Desertec, Med-ring et PSM) et présente l’initiative METSO, lancée par Sonelgaz (Algérie) et Terna (Italie), visant à développer un réseau électrique méditerranéen et dynamiser le marché méditerranéen des énergies renouvelables entre le Sud et le Nord.

La pollution en Méditerranée

A l’occasion de la publication du rapport du sénateur français, Roland Courteau, pour l’OPECST sur la pollution en Méditerranée, quelques journaux français s’interrogent sur les causes et les conséquences de cette pollution.

Le Figaro présente une analyse de l’exploration pétrolière en Méditerranée et ses effets sur l’environnement. Les forages pétroliers sont en augmentation car, si la profondeur de la mer a rendu difficile l’activité au siècle dernier, de nouvelles techniques permettent désormais des forages à plus de 2km de profondeur. Selon Lucien Chabason de l’IDDRI, les prix restent toutefois élevés à cause de cette profondeur et limitent donc la rentabilité de l’activité. L’article souligne par ailleurs les craintes émises dans le rapport, du fait de l’âge des plateformes pétrolières, du manque de conscience environnementale et de la « faiblesse du cadre juridique pour l’exploration ». Ceci est le cas dans la plupart des Etats bordant la Méditerranée et surtout des pays de la rive Sud. Le Protocole de Madrid sur la pollution est un premier pas, mais il n’a été jusqu’à présent ratifié que par 6 pays et pas encore par l’Union Européenne. Frédéric Hébert du REMPEC (Regional Marine Pollution Emergency Response Centre for the Mediterranean Sea) avertit qu’il y a un manque de préparation en cas d’accident majeur comme par exemple les marées noires. Il reprend également les propositions du sénateur Courteau en faveur d’un « co-développement technique » et de la création d’une agence de développement durable pour la Méditerranée.

Le quotidien économique français Les Echos titre quant à lui sur le danger que représente la pollution pour la Méditerranée et reprend les principales analyses et conclusions du rapport Courteau. La poussée démographique et l’urbanisation croissante au Sud et à l’Est de la Méditerranée seraient les principales causes de pollution de la Méditerranée, suivies par le tourisme et l’agriculture. 80% de la pollution seraient originaires de l’activité humaine sur les deux rives, les 20% restants étant directement produits en mer (déchets des navires et plateformes pétrolières). Pour le sénateur Courteau, l’effort contre la pollution est insuffisant et mal géré ; quant au « Plan d’Action pour la Méditerranée » (PAM), il est inégalement appliqué et l’UPM aborde à peine ce sujet. Le résultat est un écart grandissant entre le Nord et le Sud qui risque de « poser des problèmes de coexistence et même créer des tensions ».

A cette occasion, Sciences et Avenir interroge Abdelghani Chehbouni, chercheur en hydrologie à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) qui propose de mettre en place un réseau pour tous les laboratoires de recherche dans la région. Son programme « Mistrals » veut examiner les questions climatiques, écologiques et socio-économiques pour prévoir l’habitabilité de la région dans l’avenir. Pour le scientifique franco-marocain, le principal problème réside dans le manque de données sur la Méditerranée, y compris en ce qui concerne la pollution et le fait que ces données soient peu partagées. Il rappelle les compétences des laboratoires de recherche dans certains pays du Sud et souhaite plus de coopération avec leurs homologues du Nord.

Sources :

 “Le Printemps arabe” et la nécessaire rénovation du partenariat euro-méditerranéen. Libération (Maroc) – 28-06-2011 | par Fathallah Oualalou

 INESG : Comment redynamiser le partenariat euro-méditerranéen | El Moudjahid – 29-06-2011 | par M. Brahim

 Partenariats de convenance - Franco Frattini : Il faut dire « non » | Le Matin – 18-06-2011 | par MAP

 Ismaïl Alaoui plaide à Lyon pour une approche de co-développement en Méditerranée | Actu Maroc – 10-06-2011 | source : Maghreb Arabe Presse

 Vers la nomination d’un représentant spécial de l’UE pour la région du Sud de la Méditerranéenne | Au Fait – 29-06-2011 | source : Maghreb Arabe Presse

 Une banque méditerranéenne pour le développement : le Liban encourage l’initiative | Le Commerce du Levant | 16-06-2011 | par M.E.R. | source : CDL

 Maroc-UPM : Charles Milhaud pour une banque euro-méditerranéenne | Statut Avancé – 29-06-2011 | par Ali Hajoui

 Création prochaine à Milan d’un centre euro-méditerranéen pour le développement des PME | Au Fait – 29-06-2011 | source : Maghreb Arabe Presse

 L’UpM approuve un projet d’usine de dessalement d’eau à Gaza | Au Fait – 24-06-2011 | source : Maghreb Arabe Presse Lire l’article

 SoiTec : signe avec Schneider Electric le premier partenariat du Plan Solaire Méditerranéen | Boursier – 17-06-2011 | par A.S. Lire l’article

 Région euro-méditerranéenne :« Nécessité d’un partenariat d’égal à égal » | Le Matin – 21-06-2011 | source : Maghreb Arabe Presse Lire l’article

 Catherine Ashton sets up Task Force for the Southern Mediterranean| MED Letter – 08-06-2011 | par : Sdapem Lire l’article

 The Arab Spring and Europe’s Turn | Al-Jazeera – 04-06-2011 | by Ana Palacio Lire l’article

 Création à Bruxelles du groupe d’amitié UE - Maroc au Parlement européen | Maroc Agriculture – 23-06-2011 | source : Maghreb Arabe Presse

 Paris tente d’accompagner le mouvement démocratique au Maghreb | La Croix – 19-06-2011 | par Corinne Laurent Lire l’article

 Qu’est venu chercher Alain Juppé à Alger ? | Algérie-Focus – 15-06-2011 | par Abdou | source : AFP Lire l’article

 Alain Juppé évoque le Sahara à Alger | Le Post – 17-06-2011 | par MAP Lire l’article

 François Mitterrand et le Maghreb : « Une politique au cas par cas, mesurée et prudente » | El Watan – 20-06-2011 | par : Nadjia Bouzeghrane

 L’UPM financera des projets hydrauliques et environnementaux en Tunisie | Agence Tunis Afrique Presse – 20-06-2011

 Maroc-Algérie : l’écart se creuse dans le solaire| Maghreb Emergent – 21-06-2011 | par El Kadi Ihsane

 Favoriser l’interdépendance énergétique des pays du Nord et du Sud de la Méditerranée | La Vie Eco – 24-06-2011

 Initiative pour une association des gestionnaires de réseaux méditerranéen METSO | Portail Algérien des Energies Renouvelables – 22-06-2011 | source : Sonelgaz

 L’exploitation pétrolière s’installe en Méditerranée | Le Figaro – 23-06-2011 | par Marielle Court

 Pollution : la Méditerranée en danger | Les Echos – 22-06-2011 | par Philippe Moreau

 Méditerranée : "Les méconnaissances sont abyssales !"| Sciences et Avenir – 24-06-2011 | Abdelghani Chehbouni interviewé par Loic Chauveau

 La pollution de la Méditerranée : état et perspectives à l’horizon 2030 | Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques – 21-06-2011 |par Roland Courteau, sénateur de l’Aude
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